«Ton silence est une lame sur ma gorge», écrit la narratrice de Petite armoire à coutellerie. Modeste carnet de pensées qui sont chacune comme des coups de poignard au coeur, cette douleur crue bien connue de ceux et celles qui vivent le deuil amoureux.

On le sait, c'est traître comme un coupeur de gorge, ce chagrin qui vous prend à la moindre image évocatrice du passé, alors même que l'absence de l'être aimé est atrocement étouffante.

«Rien, jamais, ne saurait décrire combien tu me manques», et pourtant, c'est ce que Sabica Senez s'applique à faire, allant au plus près de la pointe de la lame, là ou ça blesse le plus, mais «ce n'est pas tant une envie de mourir qu'une peur d'en mourir. Au bout de mon sang.»

Elle a menti, elle aime les garçons tristes, elle se soucie de la souffrance de celui pour lequel elle n'existe pourtant plus; «je pourrais me saouler la gueule jusqu'à en oublier mon nom. Le plus spectaculaire serait d'oublier le tien.»

C'est à dose de 30 mg par jour qu'on veut provoquer l'amnésie et soigner cette «maladie» pourtant incurable, c'est connu. Et finalement: «J'étais si fatiguée de me retenir de tomber que ma chute m'a fait du bien». L'amour, et le chagrin d'amour, ont besoin d'abandon, sinon on ne vit rien. C'est la cruelle règle du jeu.

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Petite armoire à coutellerie. Sabica Senez. Leméac, 150 pages.