Ce tout petit mois recèle une quantité de perles qui sauront vous divertir. Parmi celles-ci, huit histoires faites d'abord et bien sûr d'amour, question de souligner cette Saint-Valentin, mais d'autres aussi qui ne pouvaient pas attendre plus longtemps pour être présentées.

Au coeur des albums

Un arbre refuge pour deux enfants, une relation grand-papa petite-fille comme on en lit peu, une nuit d'hiver enveloppante et un gorille vaillant comme tout, voici quatre titres à vous faire rêver, pleurer, sourire, bref à vous ravigoter le sentiment.

L'arbre de Paolo

«Je tricote un arbre pour entendre le vent. Attends j'apporte la lumière... Pour voir tes yeux dans la nuit, dans mon arbre, ma maison, mon nid. Ce sera notre arbre à nous deux, juste à nous.»

Duchesne propose un texte magnifique et lumineux. Elle peint une histoire d'amour et d'amitié entre deux enfants venus de planètes différentes, réunis à jamais dans cet arbre où la beauté et l'ingénuité sont roi et maître.

Ces mots sont soutenus par du photomontage: des plans qui peuvent surprendre ou sembler surchargés, mais qui apportent surtout une ambiance enveloppante et onirique à l'ensemble. On est ailleurs, sur la planète de ces deux enfants, et on veut y rester.

* * * 1/2

Christiane Duchesne, La Bagnole, 24 pages, 5 ans et plus.

Le calepin picoté avec un canard dessus

Une fillette reçoit un calepin de son Vieux-grand-papa; un cahier pour noter ses souvenirs à elle ainsi que ceux racontés par son aïeul qui commence à les oublier.

La mémoire, l'importance du souvenir ainsi que l'attachement sont au coeur de cet album qui est d'une grande sensibilité.

La justesse dans le choix des mots et la profondeur de cette relation entre une petite fille et son grand-père nous ramènent à l'essentiel, à la vie, à nos proches.

Ce texte est appuyé des illustrations tout en mouvement d'Arbona, qui offre un mélange vibrant et touchant de surnaturel et de naïveté. Attendez-vous à verser une larme.

* * * * 1/2

Pierre Chartray et Sylvie Rancourt, Éditions Phoenix, 40 pages, 4 ans et plus.

Par une belle nuit d'hiver

Sous la forme d'une lettre adressée à un enfant endormi, un narrateur raconte les secrets d'une nuit d'hiver. Il nous chuchote à l'oreille les douceurs de cette nuit, le calme, mais aussi le silence qui s'en dégage.

«La nuit scintille d'une multitude d'étoiles blanches flottant, tourbillonnant, tombant doucement sur Terre.» Se marient à ces images, les illustrations délicates, minutieuses d'Arsenault faites de blanc, de noir, de teintes pâles qui viennent envelopper la poésie des mots pour former un tout apaisant.

Il s'agit d'un album tendre et reposant, tout le contraire d'un livre d'action. On finit la lecture avec une sensation de bien-être et de paix. Un livre à lire avant d'aller au lit.

* * * *

Jean E. Pendziwol, Scholastic, 32 pages, 4 ans et plus.

Le vaillant petit gorille

Voici le premier titre de cette toute nouvelle maison d'édition jeunesse québécoise mise sur pieds par Nadine Robert et Mathieu Lavoie.

Courageux, disons-le, de fonder une maison dans cet océan de titres qui peinent à survivre. Mais ici, comme le courage est mêlé à la rigueur, au talent et à l'ingéniosité, on peut dire qu'ils ont ce qu'il faut pour se tailler une belle place.

L'histoire raconte celle d'un petit gorille accusé à tort de plusieurs bêtises, jusqu'à ce que la justice triomphe. Les illustrations faites d'un trait grossier présentées sur fond blanc attirent l'oeil.

Les petits pourront par ailleurs s'amuser à chercher dans chacune des pages l'oiseau témoin de l'histoire. À découvrir.

* * * 1/2

Nadine Robert, Comme des géants, 40 pages, 4 ans et plus.

Un éventail de romans

Alors que Tibo réinvente l'amour et que Boulerice fait revivre la fée des dents, on se laisse entraîner par la soif de la consommation et complètement chambouler par des baleines échouées. Voyage au coeur d'une diversité inspirante.

Les deux amoureux

Dans la cour d'école, quand deux enfants tombent amoureux, le coup de foudre dure en moyenne trois minutes, après quoi tout le monde reprend son jeu.

Pour Claire et Gilou, c'est différent: un regard tout doux, étoilé, devient coup de foudre, puis leurs deux petites mains se lient sans vouloir se défaire. Ils restent ainsi soudés jusqu'au prochain rendez-vous, malgré les mille et une tentatives des parents pour les délier.

Tibo parvient à réinventer l'amour, du moins à mettre en scène la magie des premières heures avec toute la candeur, la sincérité et la simplicité du moment. On entre spontanément dans la bulle amoureuse des enfants et on y croit. Du très beau.

* * * *

Gilles Tibo,
Soulières, 56 pages, 6 ans et plus.

Edgar Paillettes

Henri Payette rêve d'être comme son petit frère, Edgar. Ce dernier est différent, fréquente une école spécialisée, parle en poème, est aimé de tous et personne ne lui refuse jamais rien. Même la fée des dents vient le visiter. Henri tente alors de trouver sa place à côté de ce frère lumineux.

L'histoire est en général bien menée, quoique la spécificité d'Edgar n'est pas toujours bien exprimée. On se questionne sur sa différence sans jamais trouver de réponse, sinon ce côté «petit génie» qui n'a rien de spécialement attachant.

L'auteur offre un roman sur l'acceptation de soi, sur la différence, ce qui pourra plaire, mais une histoire qui reste moins étincelante que les paillettes qui ornent le héros.

* *

Simon Boulerice, Québec Amérique, 168 pages, 9 ans et plus.

Poudre aux yeux

Sous des allures de chick lit, (la page couverture faite de couleurs pastel rappelle le genre et n'est à cet effet pas du tout attirante), ce roman se fait en réalité un contre-modèle de cette littérature de poulette.

L'héroïne travaille afin de s'acheter de plus en plus de produits qui sauraient faire tourner la tête de celui qu'elle aime. On nous présente avec beaucoup de précision le gouffre que peut être le monde de l'apparence, de la mode et de la consommation.

Bien ficelé, jamais moralisateur, juste bien dosé, le récit se lit d'un trait. On sent à la fois le malaise de l'héroïne qui s'enfonce et son envie impulsive de s'acheter du beau. À lire.

* * * 1/2

Isabelle Gaul, Pierre Tisseyre, 137 pages, 14-17 ans.

Ma tante est un cachalot

Anna voit sa vie chambouler quand sa cousine Tara s'installe près de chez elle. Tara est étrange, arrogante, mais cette attitude cache un mal profond causé par son père incestueux et une mère fragile.

Une cohorte de baleines-pilotes venue s'échouer sur la grève lui sert alors en quelque sorte de bouée, car son implication dans le travail de remise à l'eau se mêle au silence qu'elle finit par briser. Elle se libère d'un poids comme les baleines retournent à la mer.

L'auteure flamande, qui a déjà remporté deux prix pour ce livre, parle d'un sujet grave avec doigté et intelligence tout en gardant le cap sur l'espérance. La douleur, la peur, tout est senti, grâce au ton juste, au récit mené de façon brillante. Pour bons lecteurs.

* * * 1/2

Anne Provost, Éditions Alice, 320 pages, 14 ans et plus.