Si les opinions diffèrent sur ce qu'est ou n'est pas un jeune adulte - vaste groupe d'âge qui oscille entre 13 et 25 ans! -, le phénomène, lui, est bien réel: la littérature pour jeunes adultes connaît une formidable explosion depuis quelques années. Parce qu'il y a eu Harry Potter, Twilight ou Hunger Games? Oui, mais aussi parce qu'il existe maintenant quelques générations de lecteurs de plus de 12 ans formés à la littérature jeunesse de qualité, écrite en fonction de leurs passions et de leurs réalités.

«Pendant des décennies, au Québec, la littérature pour les plus jeunes s'est développée en fonction de la classe, du cadre pédagogique», explique Arnaud Foulon, vice-président éditions et opérations aux éditions Hurtubise (qui publient essentiellement des auteurs québécois).

«Mais cela a beaucoup changé au cours des dernières années. C'est pour cela que, sur nos livres, depuis environ deux ans, il n'y a plus de précision de groupe d'âge cible. En fonction du sujet, mais aussi de la couverture et du format du livre, les lecteurs de plus de 12 ans sont tout à fait capables de choisir ce qui leur convient. Après tout, ça n'était pas écrit sur les Alexandre Dumas, les Tolkien ou les Agatha Christie que ces livres n'avaient pas d'abord été écrits pour les jeunes, et on les lisait quand même quand nous avions 12 ou 13 ans.»

Le phénomène inverse est même vrai aujourd'hui: des livres écrits à l'intention des jeunes lecteurs sont lus avec avidité par des lecteurs plus âgés.

«D'ailleurs, pour Hachette France, ce nouveau marché des jeunes adultes a créé un problème», explique Paule Bolduc, responsable du service de presse des éditions Hachette Canada (qui publient des auteurs européens et des traductions).

«En France, les livres portent des codes qui correspondent à un endroit de présentation bien précis dans une librairie. Il était impossible de placer un livre portant le code littérature jeunesse dans la section littérature adulte et vice-versa. C'est pour contourner cette règle que Hachette a créé sa collection «Black Moon» [qui a publié la série Twilight], à l'intention des lecteurs de 12 ans et beaucoup plus!»

Hachette Black Moon propose ainsi des livres jeunes adultes avec sa propre signature graphique. «Les gens de cet âge regardent Esprits criminels ou Dexter à la télé, ajoute Paule Bolduc. Ils aiment les livres de Patrick Senécal, ce n'est pas un tueur en série qui va les rebuter.»

Lisez-vous YA?

La tendance est à ce point forte que nos voisins américains ont même baptisé la chose: la «YA» ou la «YA Fiction» (pour Young Adult). Des publications de renom comme le New York Times consacrent d'ailleurs un palmarès distinct à cette littérature écrite à l'intention de ce qu'on pourrait appeler les «non-enfants, non-adultes».

Bien sûr, là comme ailleurs, il y a des modes: après l'univers des magiciens, il y a eu les vampires, l'heroic fantasy, les romans de dystopie (post-apocalypse), ceux d'anticipation, et on annonce sous peu l'arrivée tous azimuts de polars jeunes adultes. Mais désormais, les genres littéraires de la YA sont aussi diversifiés que dans la littérature pour adultes.

En décrivant sa collection de romans pour les 11 ans et plus, Leméac jeunesse précise: «Nous n'avons pas esquissé un profil du lecteur type, puisque nous croyons non seulement à la liberté des auteurs d'exprimer ce qu'ils ressentent, mais aussi à l'intelligence et à la sensibilité des jeunes, à leur capacité à lire des oeuvres complètement différentes les unes des autres.»

Oeuvres différentes, et de plus en plus souvent écrites par des auteurs québécois.

«Les jeunes adultes sont un lectorat en mutation constante, explique Arnaud Foulon. Et qui embarquent quand on leur propose une littérature d'ici qui leur parle. Comment expliquer qu'un de nos romans, C'est la faute à Ovechkin de Luc Gélinas (qui se déroule dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec), en soit à sa troisième réimpression depuis sa parution, il y a trois mois, sinon parce qu'il y a un large public intéressé par les romans sur le hockey?»

Chose certaine, tous les romans de la YA ont un point en commun: ils parlent de survie. Peut-être à cause des jeux vidéo, où les jeunes lecteurs ont appris à faire face à une catastrophe, à poursuivre une quête, à trouver des stratégies pour ne pas mourir. Ou peut-être parce que la vie entre 13 et 20 ans est souvent un cataclysme à échelle humaine auquel il faut survivre.