Quand Dina ou sa mère regardent dans les yeux d'une personne, elles percent ses secrets les plus profonds. Ceux qui sont enfouis dans les abysses de son inconscient. La personne que dévisage une «clairvoyante» voit elle aussi les recoins les plus sombres de son âme, et s'effondre généralement en larmes. Le don de clairvoyance n'aide pas à se faire des amis.

Le don de Dina et de sa mère constitue la base de la série Clairvoyante, de l'auteure danoise Lene Kaaberbøl, dont le deuxième tome, La prisonnière de Dracana, vient d'être traduit en français. Le concept est simple mais riche en possibilités dramatiques. C'est l'une des belles trouvailles de la littérature fantastique pour jeunes. Et l'écriture sensible et imagée peut même être intéressante pour les adultes.

 

Dans le premier tome, La morsure du dragon, on faisait connaissance avec Drakan, un méchant souverain qui élève des dragons et est mystérieusement protégé du don des clairvoyantes. La mère de Dina est faite prisonnière, mais elle réussit à s'échapper avec l'aide de sa fille et d'opposants au règne de Drakan. Le deuxième tome les suit dans leur exil dans les « hautes terres «, une région peuplée de clans aux noms écossais qui échappe au contrôle de Drakan. Dina est faite prisonnière par un vassal de Drakan qui exploite à son profit son don de clairvoyance.

L'univers imaginé par Mme Kaaberbøl, qui est née en 1960 et a été journaliste, publicitaire, professeure en plus d'écrire d'autres livres pour adolescents, est simple et efficace. Au lieu de réinventer la roue - ses personnages semblent tout droit tirés du Moyen Âge - elle s'est penchée sur l'évolution psychologique de Dina et, dans le deuxième tome, de son frère aîné Davin. Les commentaires sur cet âge charnière qu'est l'adolescence sont tendres : «Davin est un imbécile.

-Non Dina, a répondu maman dans un soupir, il essaie simplement de devenir adulte. Il vaut sans doute mieux que nous le laissions tranquille.»

Dégagée de l'obligation d'imaginer des lieux, des technologies et des sortilèges, Mme Kaaberbøl peut aussi calibrer l'intrigue de manière à faire durer le suspense. Dans le deuxième tome, on ne voit presque pas Drakan, ce qui permet de préserver son mystère. La seule invention que se permet l'auteure danoise, mis à part la clairvoyance, est une explication amusante de la physiologie des dragons, dont le sang contient une molécule qui les calme et leur évite de s'entre-dévorer.

Le don de clairvoyance est une idée très intéressante. Elle est suffisamment proche de notre psychologie pour permettre des comparaisons. Par exemple, quand Dina se plaint à sa mère qu'elle a de la difficulté à nouer des amitiés parce que personne ne veut la regarder dans les yeux, cette dernière lui répond que, lorsqu'une clairvoyante rencontre une personne qui n'en a pas peur, c'est le signe que la confiance la plus totale est possible. C'est une idée romantique qui n'est pas éloignée de nos propres croyances.

La prisonnière de Dracana

Lene Kaaberbøl

Rageot, 348 pages, 24,95$

***1/2