La carrière et la vie de Marcel Pomerlo ont été marquées par ses lectures. Avec Michel-Maxime Legault, il présente Parfois, la nuit, je ris tout seul, d'après des textes du plus québécois des écrivains français, Jean-Paul Dubois. Il s'agit d'une adaptation de cinq des récits de l'auteur d'Une vie française qui se déroulera un peu partout dans les trois étages du Théâtre de Quat'Sous, du 24 avril au 4 mai.

Votre premier souvenir de lecture?

«Comme fils d'épicier, j'ai lu très jeune les journaux comme Le Soleil et Le jour à la fin des années 60. À l'école, j'ai lu les Fables de La Fontaine. Je trouve que Jean de La Fontaine est un poète extraordinaire. Mais je lisais beaucoup d'articles sur Anne Hébert, alors j'ai pris un de ses livres à la bibliothèque, Le torrent, son recueil de nouvelles. J'ouvre le livre et découvre cette phrase extraordinaire: "J'étais un enfant dépossédé du monde". Ce n'est pas une comptine, mais ça me parlait. J'ai eu une enfance assez trouble et, tout d'un coup, j'ai été mis en contact avec la puissance d'une très grande auteure.»

Le livre qui a changé votre vie?

«Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke. Ce livre parle du lien à l'art et à la création. C'est l'engagement profond dans l'art, le rôle social de l'artiste et du penseur en lien avec la souffrance et la solitude. L'artiste doit transcender ça pour trouver un sens. Rilke dit à l'artiste que la vie est souffrance, mais qu'il peut en faire quelque chose. L'écriture est très belle aussi. Ça nous ramène à l'idée de quête. Pour toute personne, jeune et moins jeune, artiste ou non, c'est un apport philosophique au combat pour être soi, pour se révéler à soi-même.»

Le livre écrit par un auteur pour lequel vous avez une grande admiration?

«Le récit La nuit d'Elie Wiesel m'a fait tomber en bas de ma chaise. C'est l'oeuvre qui arrive à nommer l'innommable des camps de la mort. C'est une très belle écriture. C'est très fort. Il a mis 20 ans avant d'y arriver. Il témoigne du pire de l'homme. Elie Wiesel a survécu et a la force de trouver les mots. Au-delà de la résilience et du devoir de mémoire, c'est sa grande dignité qui impressionne. Il demeure très noble en décrivant ce qu'il y a de pire en l'humain. Je l'ai fait en spectacle, et Gérard Poirier lisait la préface qu'a écrite François Mauriac. C'est un auteur que j'ai beaucoup visité, Elie Wiesel, et que j'ai rencontré lors d'une visite à Montréal.»

Le livre qui est sur votre table de chevet en ce moment?

«Duras, cette série d'entretiens qui vient tout juste de paraître et qui s'appelle Le dernier des métiers. C'est un personnage tout à fait fascinant que j'ai beaucoup lu. Je suis très curieux de son intelligence, de la façon dont elle voit le monde. L'écriture l'a sauvée. Avoir écrit la phrase "quand j'écris, je ne meurs pas" à elle seule vaudrait un prix Goncourt. C'était sa vie, sa respiration. C'est une grosse brique qui rassemble tous les entretiens qu'elle a accordés à la télé, à la radio et dans les journaux. Duras, c'est une musicalité très singulière.»

Ce que vous avez l'intention de lire ce printemps?

«Une vie à s'écrire de Jérôme Picon à propos de Marcel Proust et du sens de l'écriture dans sa vie. Ça me semble très intéressant. C'est un auteur qui m'a beaucoup accompagné. Je suis curieux de voir ce qu'il dit de l'écriture. Un peu comme Duras, c'est quelqu'un qui a un regard sur le monde et la société extraordinaire, très singulier. La fin d'À la recherche du temps perdu et les huit dernières années, c'était une vie à écrire, c'était ça. J'ai trouvé le spectacle qu'a monté Sylvie Moreau à propos de Proust très réussi. C'était tout un défi.»

Le livre que vous relisez de temps en temps?

«Geneviève Robitaille. Elle était mon amie d'enfance et ma grande amie jusqu'à son décès. Elle a écrit cinq livres formidables, malgré sa maladie dégénérative, qui sont de petits traités de philosophie. C'est un regard sur le monde composé de récits autofictifs. Éloge des petits riens, entre autres, a été très bien reçu par le public comme par la critique. Il a été monté au théâtre et sera repris aussi. Chaque mot chez Geneviève, comme elle était malade, comptait énormément. Relisons Geneviève Robitaille pour le bien de tous.»

IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS GALLIMARD

image fournie par les éditions de minuit