S'appeler Alain Finkielkraut «et être accueilli parmi vous au son du tambour, c'est à n'y pas croire»: le philosophe, descendant de juifs polonais victimes de la Shoah, «défenseur exalté de l'identité nationale», a été reçu jeudi à l'Académie française.

L'arrivée sous la coupole de ce brillant intellectuel de 66 ans, taxé de «néo-réac» et inlassable pourfendeur du politiquement correct, avait suscité des grincements de dents. Alain Finkielkraut avait été élu en 2014 au premier tour par 16 voix sur 28, mais son nom avait été barré d'une croix, en signe de désaveu, sur huit bulletins.

Se définissant volontiers comme un «héritier des Lumières», l'essayiste, habitué des plateaux de télévision, a dit penser à ses parents qui «ne sont pas là pour connaître ce bonheur».

Ils «auraient été désolés de me voir m'assimiler à la nation en lui sacrifiant mon identité juive même si cette identité ne se traduisait plus, pour eux ni donc pour moi, par les gestes rituels de la tradition», a poursuivi l'auteur du Juif imaginaire, rappelant que «c'est de France et avec la complicité de l'État français que (son) père a été déporté» à Auschwitz.

Dans sa jeunesse, «le fait d'être français ne représentait rien de spécial à mes yeux», a-t-il dit. «J'ai découvert que j'aimais la France le jour où j'ai pris conscience qu'elle aussi était mortelle». Un amour que «j'ai essayé d'exprimer dans plusieurs de mes livres et dans des interventions récentes». «Cela me vaut d'être traité de passéiste, de réactionnaire, voire pire», a-t-il lancé.

Issu de la gauche, Alain Finkielkraut s'est dit «trahi et même menacé par les justiciers présomptueux qui peuplent la scène intellectuelle». Selon lui, «on met au pinacle le nom de Primo Levi, mais c'est Quentin Tarantino qui mène le jeu, c'est sur le modèle d'Inglorious Basterds que tout un chacun se fait son film».

«La Compagnie vous a ouvert les bras, vous allez connaître avec elle ce que c'est qu'une identité heureuse», a déclaré l'historien Pierre Nora dans son discours d'accueil, allusion au livre à succès d'Alain Finkielkraut L'identité malheureuse.