Haruki Murakami, Svetlana Alexievitch, Adonis, Ngugi wa Thiongo, Nuruddin Farah, Milan Kundera: les prétendants à l'édition 2014 du prix Nobel de littérature viennent du monde entier mais aucun favori ne se distingue vraiment.

Au début de l'automne, les mêmes noms reviennent fréquemment et les milieux littéraires essayent de dresser un portrait-robot de l'heureux élu, qui succèdera cette année à la Canadienne Alice Munro.

«On a forcément quelques idées, mais ce ne sont que des suppositions», explique à l'AFP un libraire stockholmois, Mats Olin.

À Stockholm ou ailleurs, personne ne sait vraiment comment réfléchit l'Académie suédoise, qui décerne le prix Nobel de littérature. Le mystère qui entoure ses délibérations est opaque, et elle tient à ce qu'il le demeure. Ses archives ne deviennent publiques qu'après 50 ans.

Ce qu'on sait, c'est que tous les ans, l'Académie établit en février une liste de toutes les candidatures qui lui ont été soumises (210 cette année), avant de la réduire à cinq noms en mai. Ensuite, pour deviner l'élu, chacun essaie de déterminer la logique qui présiderait à ces impénétrables débats.

Il y a d'abord les considérations linguistiques. L'anglais a été primé 27 fois, contre 13 pour le français et pour l'allemand.

Claes Wahlin, critique au tabloïde Aftonbladet, remarque qu'il est «vraiment très rare que l'Académie récompense la même langue deux années d'affilée», ce qui exclurait la littérature anglophone, primée en 2013.

«Rien ne serait plus étonnant que de choisir des Canadiennes deux années d'affilée», affirme Elise Karlsson, critique auprès du quotidien Svenska Dagbladet. «Et l'Académie aime bien surprendre».

M. Wahlin précise donc prudemment que si la même langue est choisie, «il faut que ce soit dans deux parties du monde très éloignées». Exit alors l'Américaine Joyce Carol Oates et la Canadienne Anne Carson, dont les noms apparaissent souvent dans les discussions.

L'Afrique longtemps oubliée 

La géographie pourrait être un bon critère.

«Cela ne devrait pas durer longtemps avant que l'Afrique soit récompensée», estime l'éditrice Elisabeth Grate.

Ce continent a été longtemps oublié, seuls quatre auteurs africains ont été récompensés depuis la création du prix, dont le dernier, le Sud-Africain John M. Coetzee, en 2003.

Le Kenyan Ngugi wa Thiongo est un candidat crédible, à moins que le Somalien Nuruddin Farah ne l'emporte. C'est un «écrivain au goût de l'Académie», selon M. Wahlin.

Le genre pourrait aussi être un indice. «Avec Munro, ils ont aussi récompensé l'art de la nouvelle, de la même manière qu'avec Dario Fo ils avaient récompensé la narration orale», estime-t-il.

Les romanciers ont été les plus primés, alors pourquoi ne pas récompenser un dramaturge ou un poète? Le Syrien Adonis, le Français Yves Bonnefoy ou le Sud-Coréen Ko Un seraient des lauréats plausibles.

Mais le prix pourrait tout aussi bien plébisciter le reportage littéraire et aller à la Bélarusse Svetlana Alexievitch, avance Mme Karlsson.

Enfin, l'Académie pourrait choisir un auteur particulièrement âgé, avant qu'il ne soit trop tard. «Quand ils ont donné le prix à (Harold) Pinter et à (Tomas) Tranströmer, il s'agissait partiellement de ça», estime M. Wahlin. Milan Kundera, 85 ans, pourrait alors être récompensé.

Le favori des parieurs en ligne, le Japonais Haruki Murakami n'emporte pas les suffrages des experts. «C'est le préféré des lecteurs et de beaucoup de journalistes, mais il manque à ses oeuvres ce supplément de profondeur qui ferait de lui un Nobel», pense Mme Karlsson.

Le site de paris en ligne Ladbrokes cite également le Français Patrick Modiano et l'Américain Philip Roth parmi les dix premiers prétendants.

«Le lauréat doit pouvoir transmettre des sentiments forts, son écriture ne doit pas seulement être divertissante, elle doit surtout transmettre un message qui permet au lecteur de réfléchir, de contempler l'existence d'une autre manière», conclut Mme Grate.

Le nom du lauréat sera rendu public jeudi matin.