Le Brésil, invité d'honneur de la foire du livre de Francfort 2013 qui ouvrait mercredi, veut dépasser la caïpirinha ou le carnaval pour se présenter en terre d'art et de littérature.

«L'image que nous avons du Brésil n'est pas associée au livre. À la différence de nos voisins, le Brésil n'est pas perçu comme un pays de littérature», a déclaré Ana Maria Machado, auteur et présidente de l'académie brésilienne de poésie, lors de la cérémonie d'ouverture du plus important rendez-vous mondial de l'édition mardi soir.

Pourtant, «la littérature brésilienne a beaucoup à offrir dans la diversité de ses prototypes, sa turbulence, son renouvellement des formes, la variété de registre des dialogues ironiques par rapport aux canons actuels, (...) et des parodies et pastiches parmi les plus stimulants», a-t-elle expliqué.

«Les stéréotypes de ceux qui regardent le Brésil sont basés sur une culture (...), celle du corps. Mais c'est un corps dont l'intellect est souvent oublié» face au soccer, à la danse ou aux corps bronzés sur les plages, poursuivait-elle.

«Le Brésil est un poids lourd de la culture», a renchéri lors de l'inauguration le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle.

Fort de ses 200 millions d'habitants, le pays entend renforcer sa place sur la scène culturelle internationale. Le gouvernement a débloqué depuis 2011 près d'un million d'euros pour faire traduire 300 oeuvres brésiliennes dans 67 langues étrangères, dont certaines sont présentées à Francfort.

La Foire du livre constitue une vitrine de premier plan pour le pays, invité d'honneur pour la deuxième fois, après 1994. Avec 7100 exposants annoncés pour l'édition 2013, cette manifestation doit accueillir entre 250 000 et 300 000 visiteurs, professionnels jusqu'à vendredi soir puis grand public pendant le week-end.

Beaucoup d'espoirs au Brésil

«Le Brésil fonde beaucoup d'espoirs dans cet événement», expliquait Renato Lessa, directeur du comité brésilien.

Représenté par 70 auteurs et près de 170 maisons d'éditions, le pays organisera de nombreux concerts, expositions, démonstrations d'art de rue, projections cinématographiques et représentations théâtrales. Une vingtaine d'auteurs supplémentaires devraient être présentés à travers toute l'Allemagne d'ici la fin de l'année.

Ombre au tableau toutefois, l'un des auteurs brésiliens les plus vendus, Paulo Coelho, a annoncé boycotter l'événement, affirmant ne connaître qu'une vingtaine d'auteurs sur les 70 sélectionnés.

«Probablement des amis d'amis. Du népotisme. Il y a une nouvelle scène littéraire passionnante au Brésil. Beaucoup de ces jeunes auteurs ne se trouvent toutefois pas sur la liste», a-t-il regretté dans une entrevue au quotidien allemand Die Welt.

D'autres célébrités ont en revanche fait le déplacement à l'image de Paulo Lins, auteur de La Cité de Dieu (1997), racontant la réalité sombre et brutale de la vie dans l'une des 700 favelas du pays, qui a inspiré le film du même nom cinq ans plus tard.

Le pays compte environ 72 millions de lecteurs et plus de 3000 librairies. Parmi les thèmes abordés dans les livres présentés lors de la Foire de Francfort, le soccer occupe une place importante, alors que le pays doit accueillir l'an prochain la coupe du monde.

Nombre de récits romanesques traitent également de la crise sociale dans le pays, qui s'est traduite ces derniers jours par de nouvelles vagues de violences.

«Environ 9% des gens ne savent pas lire et écrire, et 20% sont jugés analphabètes. La perpétuation de l'ignorance comme moyen de domination, la marque des élites qui étaient au pouvoir jusqu'à récemment, est visible», soulignait Luiz Ruffato, l'un des auteurs brésiliens contemporains les plus en vue.

Source d'espoir toutefois, «42 millions de gens se sont élevés dans l'échelle sociale ces dernières années», ajoutait-il.