Trente ans après la publication du roman Les enfants de minuit, qui a fait de lui un écrivain mondialement célèbre, le Britannique Salman Rushdie voit dans l'adaptation au cinéma de son livre une façon de «boucler la boucle» après des années noires passées à se cacher.

Et si vivre au grand jour est «assez agréable» - l'Iran a officiellement levé sa fatwa contre l'auteur des Versets sataniques en 1998 - l'écrivain reconnaît quelques «dérapages» ponctuels, comme lors d'un récent voyage en Inde, son pays natal, pour promouvoir son film.

Le long métrage raconte l'histoire de deux garçons nés à minuit le 15 août 1947, jour de l'indépendance de l'Inde, et échangés à la maternité.

Le roman dont il est adapté, publié en 1981, avait remporté le prestigieux Booker Prize et lancé la carrière de Salman Rushdie - une carrière ternie sept ans plus tard par la condamnation à mort décrétée par l'Iran après la publication des Versets sataniques.

L'auteur a raconté ses années passées à se cacher dans une autobiographie publiée en 2012, «Joseph Anton» - son pseudonyme pour échapper à ses assassins potentiels - qu'il espère voir adapté prochainement à l'écran.

L'écrivain était à Los Angeles récemment pour parler des Enfants de minuit, déjà sorti dans plusieurs pays, avant sa sortie nord-américaine le 26 avril.

L'idée d'adapter le célèbre roman est venue de façon «complètement spontanée» de la réalisatrice indienne Deepa Mehta, explique Salman Rushdie, qui a écrit le scénario et fait office de narrateur.

Il a même envisagé un moment de jouer un rôle. «Mais à l'heure de tourner le film, je me suis dit que ça détournait l'attention et que ça ferait artificiel», précise l'auteur, qui avait joué son propre rôle dans Bridget Jones Diary en 2001.

Il admire Quentin Tarantino, capable de jouer des petits rôles «mais c'est un acteur expérimenté, c'est différent», dit-il, en ajoutant qu'il s'est inspiré du cinéaste américain pour écrire une scène de torture de son roman.

«J'ai longtemps eu du mal à écrire cette scène, jusqu'à ce que je réalise qu'il fallait presque l'écrire comme une comédie. C'est là que j'ai pensé à Tarantino, à Reservoir Dogs, avec son humour noir», se souvient-il.

Le film parvient en 2h30 à rendre à la fois la complexité allégorique du livre et son réalisme magique, avec une qualité visuelle spectaculaire.

L'un des plus importants lieux de tournage a été pour l'auteur son Inde natale, notamment Bombay, la ville où il est né.

«C'était extraordinaire de montrer le film à un public dont c'est aussi l'histoire. C'était très émouvant pour moi. C'était comme boucler la boucle, ramener le film à Bombay, la ville où le roman est né», dit-il.

Mais le voyage en Inde - où Les versets sataniques est toujours interdit - n'a pas été sans incidents.

Salman Rushdie a notamment dû annuler un déplacement dans ville de Kolkata, à la demande des autorités locales. «Évidemment, c'était très énervant».

Évoquant sa vie au grand jour, il rappelle que la décennie passée à se cacher s'est achevée «il y plus longtemps qu'elle n'a duré».

«C'est pourquoi, quand d'occasionnels dérapages me replongent dans le passé (...) cela me prend vraiment par surprise. Car je ne m'y attends plus. La vie est plutôt agréable, maintenant», ajoute-t-il.

Concernant d'autres adaptations de ses livres pour le grand écran, il se montre «optimiste» quant à un film tiré de «Joseph Anton», qui intéresse une société de production britannique. Mais rien n'a encore été signé.

Salman Rushdie a également écrit une série télévisée pour la chaîne payante américaine Showtime, Next People et aimerait voir portés au cinéma ses livres pour enfants Haroun et la mer des Histoires et Luka et le feu de la vie.

Peu de chance, en revanche, de voir un jour Les versets sataniques dans les salles obscures. «Je dois dire que personne ne se bouscule pour acheter les droits, donc je n'y crois guère», dit-il.