Couronnée de prix, reconnue comme poète de talent, écrivaine de best-sellers grand public ou de séries pour enfant, l'Américaine Julianna Baggott écrit plus d'un livre par année depuis ses débuts, il y a 12 ans - toujours en s'inspirant de ce qu'elle est et de ce qu'elle fait. Pure, premier tome de sa trilogie post-apocalyptique à l'intention des jeunes adultes, ne fait pas exception.

Dans Pure, après les Détonations (des explosions de type Hiroshima, mais à l'échelle planétaire), les humains sont classés en deux catégories: sous le Dôme, il y a les Purs, de jeunes humains indemnes et surprotégés, qui ont échappé à la fin du monde tel que nous le connaissons; et hors du Dôme, il y a les survivants, qui ont subi d'atroces mutations génétiques et dont les corps, couturés de cicatrices, ont fusionné aux objets et aux animaux qui les entouraient au moment des fameuses Détonations: l'un a un ventilateur dans la gorge, une autre possède une main à jamais recouverte par une tête de poupée, tel autre ne fait plus qu'un avec des oiseaux soudés à son dos... Lorsqu'ils ont 16 ans, les jeunes mutants survivants sont réquisitionnés par les patrouilles du Dôme et disparaissent à tout jamais. On se croirait dans une chanson de Jean Leloup...

Le rapport avec la vie de Julianna Baggott, 43 ans, mère de quatre enfants? D'abord, sa fille aînée, Phoebe, à qui est dédié Pure, âgée de 17 ans. «L'idée de la fusion extrême a beaucoup à voir avec les enfants, qui sont littéralement fusionnés au corps de leur mère, explique Julianna Baggott. Il existe une photo de moi où on me voit en train d'écrire avec un bébé attaché sur mon ventre par ma robe de chambre, et un autre enfant accroupi sous ma chaise. C'est d'abord de cela que je suis partie pour écrire Pure.

«En parallèle, j'ai aussi réalisé, en écrivant la trilogie, que le Dôme représentait mon enfance: ma mère me surprotégeait, elle avait beaucoup de peurs et était obsessive-compulsive. Le Dôme, c'est littéralement mon enfance sous globe. Enfin, une autre source d'inspiration est l'un de mes grands-pères, près de chez qui je vivais quand j'étais petite: il était doublement amputé de la Deuxième Guerre mondiale, il avait les deux jambes coupées. J'ai donc grandi avec, partout dans sa maison, ses prothèses et ses fusils, comme un rappel constant de la guerre, de ses conséquences... Mon grand-père avait mauvais caractère, ce n'était pas facile pour moi, mais je l'aimais énormément.»

Un roman très personnel, donc («Je dirais même freudien», souligne l'auteure en riant). Mais aussi un roman politique, social, technologique... et parfois un roman d'amour. Mais un amour bien loin du romantisme habituel, quand il faut survivre au jour le jour dans un monde de cendres, se méfier de tous et de soi-même en premier, choisir entre la résignation et la rébellion. Dans le monde de Pure, la moindre faiblesse mène à l'anéantissement, souvent dans la douleur et l'effroi.

«J'avais déjà écrit une nouvelle sur une jeune femme de 23 ans qui se retrouvait avec une tête de poupée à la place de la main, reprend Julianna Baggott. Mais le résultat était surtout bizarre. À partir du moment où j'ai transposé cette idée à une fille de 15 ans, l'histoire prenait un autre sens. Je trouvais que c'était une métaphore parfaite pour cette apocalypse qu'est l'adolescence. En tout cas, ça a été le cas pour la mienne!

«On veut abandonner son enfance, reprend-elle, mais elle est encore là, comme cette tête de poupée. On en a honte et, en même temps, on en a la nostalgie. Et puis, les adolescents savent, particulièrement aujourd'hui, que pour devenir adultes et être acceptés comme tels, ils vont devoir se corrompre, faire des compromis. C'est une catastrophe naturelle, à laquelle il faut survivre en s'endurcissant, mais aussi en choisissant ce en quoi nous croyons fondamentalement.»

Elle le sait, certains établiront des parallèles avec le méga-succès des livres Twilight ou Hunger Games. Dans les faits, l'écrivaine a fusionné et recréé tout ce que la littérature pouvait compter de romans de dystopie (le contraire de l'utopie): The Road de Cormac McCarthy, 1984 d'Orwell, Fahrenheit 451 de Bradbury, etc., plus des ouvrages sur les survivants des bombes nucléaires à Hiroshima et à Nagasaki.

Le résultat est une trilogie qui s'adresse autant aux jeunes hommes qu'aux jeunes filles, mais où les plus âgés reconnaîtront notamment des extraits de Every Breath You Take des Police, ou de Thunder Road de Springsteen!

«Ma fille Phoebe voulait des personnages plus bad ass que dans Hunger Games, explique Julianna Baggott. Plus de mauvais garçons et de mauvaises filles, forts, féroces, capables de confronter la réalité et de survivre. Phoebe fait des armures de glaise, qu'elle moule et fait cuire, pour ensuite se les attacher au corps: son art la protège littéralement.»

Comme ses livres protègent Julianna Baggott...

Le deuxième tome, Fuse, est prévu pour février 2013.

PHOTO FLAMMARION QUÉBEC

Pure a donné lieu à un contrat de film avant même que son écriture ne soit terminée et rallie bien des «moins jeunes» adultes. Car Pure, qui décrit un monde post-apocalyptique, possède une qualité peu banale: il est vraiment bien écrit.