Kenneth Oppel est un homme persévérant. Jusqu'en 1997, sa carrière d'écrivain était prolifique, mais il ne connaissait pas le succès, même s'il avait déjà publié 11 romans. Tout a changé avec Silverwing, son 12e roman. «J'ai profité en partie de l'effet Harry Potter», explique l'auteur torontois de 44 ans, en entrevue dans les bureaux de Québec Amérique, dans le Vieux-Montréal. «À partir de là, j'ai pu me consacrer entièrement à l'écriture.»

Après une vingtaine de titres pour enfants et pour adolescents, dont plusieurs ont été traduits en France, Kenneth Oppel publie pour la première fois au Québec. «C'est important pour moi, comme Canadien», dit-il. La version originale anglaise de Demi-frère a reçu à la fois le prix pour «jeunes adultes» et celui pour «enfants» de la Canadian Library Association. «Visiblement, les deux comités ne se parlent pas! J'avais peur qu'on m'enlève un des deux prix, mais ça n'est pas arrivé.»

Demi-frère raconte la vie d'un adolescent, Ben, dont le père scientifique ramène à la maison un chimpanzé dans le but de lui enseigner le langage des signes. Zan sera traité comme un petit frère, avec sa chambre et ses vêtements. Quand le financement des recherches se tarit, Ben apprend qu'il doit dire adieu au demi-frère simiesque qu'il a appris à aimer.

«J'avais entendu parler de recherches de ce genre quand j'étais à l'université, dans un cours d'anthropologie, explique Kenneth Oppel. On avait vu un film qui m'avait révolté: c'était très triste de voir les deux chimpanzés de l'étude, Nim et Washoe, se faire enlever leurs vêtements et leur famille, à laquelle ils s'étaient habitués.»

Le romancier, qui est né à Vancouver, mais a grandi en Nouvelle-Écosse, se souvient que les singes suscitaient beaucoup d'intérêt dans les années 90. «Il y a eu des films avec Clint Eastwood, et évidemment ceux plus vieux avec Ronald Reagan, des séries télé avec des singes. Je pense que ça datait des chimpanzés qu'on a envoyés dans l'espace. C'était aussi l'époque des grandes recherches sur les singes et les autres mammifères intelligents.» La dernière interprétation cinématographique de La planète des singes dépeignait aussi une amitié entre un jeune homme et un singe.

Le jeune Victor Frankenstein

Le plus récent projet de Kenneth Oppel est une série d'aventures de jeunesse de Victor Frankenstein, le père du monstre. Le premier tome, This Dark Endeavour, vient de paraître, et toute la série sera publiée chez Québec Amérique. «J'ai eu l'idée de la série en relisant Frankenstein il y a quatre ans. On aborde brièvement la jeunesse de Victor Frankenstein. On lit notamment qu'il a eu une enfance heureuse, ce qui me semble bizarre vu qu'il passe sa vie adulte à déterrer des morts et à les dépecer!»

Que pense-t-il de l'explosion actuelle de la littérature fantastique pour enfants et adolescents? «J'identifie deux grands courants. Premièrement, il y a eu la vague Harry Potter, à la fin des années 90, qui a encouragé les ventes dans le créneau. On a aussi vu d'excellentes séries comme His Dark Materials de Philip Pullman ou Les orphelins Baudelaire de Lemony Snicket. Il y a 10 ans, après le succès de Twilight, on a vu arriver une foule de livres pour adolescentes avec des vampires, des anges et d'autres personnages fantastiques. D'un côté, c'est bien qu'on les cible avec des produits faits pour elles, parce qu'à l'adolescence les garçons décrochent souvent des livres, mais pas les filles. Quand j'étais jeune, la section pour enfants des librairies était anémique, maintenant il y a des pièces entières. Mais souvent, il s'agit de romans Harlequin presque identiques. Des fois, on a même de la peine à distinguer une couverture d'une autre.»

Lui-même est une exception à la règle, ayant décidé d'être écrivain dès 13 ans, après avoir dévoré les Seigneurs des anneaux et autres Narnia. «Toute mon adolescence, j'écrivais des histoires fantastiques que j'envoyais à des magazines. Mais je n'ai jamais été publié.» Kenneth Oppel est décidément difficile à décourager.

Demi-frère

Kenneth Oppel

Québec Amérique, 513 pages