Le prix littéraire Médicis a été attribué vendredi au Français Mathieu Lindon pour Ce qu'aimer veut dire (P.O.L), hommage rendu au philosophe Michel Foucault mort en 1984 et à son père Jérôme Lindon, patron charismatique des Éditions de Minuit disparu en 2001.

Le romancier et journaliste a recueilli 5 voix au premier tour contre 4 voix à Charles Dantzig.

Le Médicis étranger a été attribué à l'unanimité à l'écrivain israélien David Grossman pour Une femme fuyant l'annonce (Seuil) et celui de l'essai au Français Sylvain Tesson pour Dans les forêts de Sibérie (Gallimard).

«C'était très inattendu, a réagi Mathieu Lindon, très ému. J'ai essayé de montrer ce qu'aimer veut dire. Il n'y a pas à différencier l'amour qu'on a pour un père, l'amour qu'on a pour un amoureux et l'amour qu'on a pour un amant.»

«Je suis surpris et très heureux, a de son côté déclaré David Grossman à l'AFP. C'est une grande satisfaction de voir qu'une histoire aussi intime, l'histoire d'une femme, résonne dans d'autres cultures et d'autres pays».

Fils cadet de Jérôme Lindon, patron des Éditions de Minuit, avec lequel il entretenait des relations compliquées, Mathieu Lindon est né à Caen en 1955.

Alors qu'ils avaient la même passion de la littérature, les modes de vie du père et du fils étaient opposés: Jérôme dans l'austérité, Mathieu dans l'exubérance et la liberté. Ni l'amour, ni l'admiration n'avaient droit de cité au sein de la famille.

Critique littéraire à Libération depuis 1984, il est auteur notamment de Prince et Léonardours (1987), contant les viols subis par deux adolescents amoureux, menacé d'interdiction par le ministère de l'Intérieur lors de sa sortie, Champion du monde (1994), Le Procès de Jean-Marie Le Pen (1998).

Son premier livre, Nos plaisirs est publié aux Éditions de Minuit en 1983 mais son père lui impose un pseudonyme, Pierre-Sébastien Heudaux.

C'est à la fin des années 1970 que Mathieu Lindon rencontre Michel Foucault. Il devient son ami, mais pas son amant. Pendant six ans, jusqu'à la mort du philosophe, le jeune homme vit le plus clair de son temps chez l'auteur de l'Histoire de la sexualité à Paris.

C'est là qu'il a pleinement revendiqué son homosexualité. Il décrit dans le livre et en détail ses trips à l'acide, les nuits de folie. Il découvre aussi les premiers ravages du sida et vit l'agonie de Foucault, dont il dit: «L'ami qui m'a sauvé la vie».