Avec Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi, elle bat tous les records de vente en librairie et devance même Amélie Nothomb et Guillaume Musso.

On a peine à le croire, tant elle a été gâtée par la nature et par la vie, mais Katherine Pancol a été une enfant puis une jeune femme triste. «J'ai eu une enfance et une adolescence assez malheureuses que je ne revivrais pour rien au monde. Gamine, je me réfugiais dans les livres, bons ou mauvais, Cronin ou Dostoïevski. Je lisais les auteurs de la bibliothèque publique par ordre alphabétique. À mon quatrième roman, vers 1990, j'ai réalisé que j'étais devenue un écrivain et que je pouvais gagner ma vie en continuant à me raconter des histoires.»

Katherine Pancol donne rendez-vous au Paris Neuilly, un café de la jolie et paisible place Parmentier, à deux pas de son appartement: «Neuilly (la banlieue ouest la plus riche de France) n'est certainement pas à la mode, dit-elle, mais je m'y trouve très bien pour écrire - ce que je fais tous les jours sauf le dimanche, de onze heures jusqu'en début de soirée. Il y a longtemps que je fuis les soirées parisiennes. Et, après avoir souvent déménagé, je me suis retrouvée à Neuilly pour cette seule raison qu'il y avait une école bilingue pour mes deux enfants. J'ai quitté New York à leur naissance car je ne voulais pas qu'ils soient américains et anglophones. Mais je tenais à ce qu'ils soient de parfaits bilingues.»

De fait, le garçon et la fille, début de la vingtaine, font aujourd'hui des études à Londres. La maman, elle, ne se porte pas trop mal. Elle a passé le plus clair des six dernières années en compagnie des quelque 25 personnages de cette trilogie commencée avec Les yeux jaunes des crocodiles (2006). Le troisième - et dernier? - tome, Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi, modeste brique de 850 pages, tirage initial de 250 000 exemplaires, est depuis cinq semaines en tête des meilleures ventes de romans en France. Les deux premiers volets avaient déjà vendu 1,5 million, éditions originale et poche confondues.

Un air du temps

Mme Pancol, imperméable sur jean délavé, chapeau sur la tête et verres fumés, s'installe à la terrasse extérieure du Paris Neuilly malgré le temps froid. Se commande un verre de Bordeaux rouge et grillera bravement trois ou quatre cigarettes dans l'heure qui suit. Très grand seigneur, elle a tout son temps.

En réalité, elle a un agenda rempli à ras bords jusqu'au mois de septembre. Katherine Pancol, qui s'est contentée d'être pendant une vingtaine d'années une romancière à succès, est tout bonnement devenue avec sa trilogie «animalière» la plus formidable vendeuse en librairie, devant Amélie Nothomb et Guillaume Musso. «Pourquoi exactement? Je n'en sais rien. J'ai continué à écrire ce dont j'avais envie, je n'ai pas changé. Ces destins de femmes modernes à Paris et à Londres, cela doit correspondre à un air du temps.» Et pas seulement en France: la trilogie cartonne aussi bien en Espagne, en Allemagne ou en Italie... «et même en Chine ou au Vietnam! C'est phénoménal! Le seul territoire majeur où ça ne marche pas, ce sont les États-Unis et la Grande-Bretagne: en dehors de Scarlett, publié sans succès par un petit éditeur américain, je n'ai jamais été traduite en anglais...»

Phénomène médiatique

Pour le reste, la sortie d'un «Pancol» chez Albin Michel a des allures de débarquement en Normandie. Et la romancière se prête volontiers au jeu. Depuis le début d'avril, elle vit dans ses valises et sillonne la France, la Belgique et la Suisse francophones, de séances de signature en salons du livre, où elle dédicace les romans par centaines. «Bien sûr, je ne suis pas obligée de le faire, dit-elle, mais ça ne me dérange pas, au contraire. J'aime voir mes lecteurs, je suis fière de rencontrer les gens qui me lisent.»

Côté médias, son emploi du temps a été tout aussi chargé au cours des premières semaines. La presse populaire et les magazines féminins, bien entendu, la portent aux nues. «Oui, les papiers sont bons», dit-elle simplement. À la radio et à la télé, comme elle est directe et sympathique - et célèbre -, on l'invite à tour de bras et elle passe bien. Tout au plus a-t-elle carrément refusé l'invitation de Laurent Ruquier pour son fameux talk-show du samedi soir: «Je ne vois pas pourquoi j'irais pour me faire démolir par les deux exécuteurs de service!»

Saga sentimentale et presse intello

Avec cette saga sentimentale - parsemée de quelques fantaisies, une fille naturelle d'Elizabeth II ou un gamin surdoué de 3 ans -, elle n'a rien à attendre de bon de la presse intello. Mais, parce que tout le monde la trouve sympa, les uns se contentent de l'ignorer ou la ménagent. «Facile à lire, facile à oublier», titre Le Monde. Mais bon, comme elle le dit elle-même: «Je me suis fait une carapace de blonde, et je ne pense pas trop au genre où l'on m'a cataloguée en France.»

La littérature qu'elle préfère n'est pas tout à fait la même: John Fante, Norman Mailer, Raymond Carver. Et l'homme qui lui a ouvert les portes de la littérature, à l'aube de la vingtaine, était un amant intermittent du nom de Romain Gary, qui en avait 58, et qui était «un génie»! Mais le mélange des gens ne la dérange pas. Ce dont elle se souvient, à propos de lui, c'est que «il était très solitaire, et moi aussi. Ce sont nos deux solitudes qui nous ont rapprochés».

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Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi. Katherine Pancol. Albin Michel, 852 pages, 34,95 $.