L’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et la Ville de Laval ont annoncé au début du mois leur association pour la création de la Chaire de recherche partenariale en ingénierie du microbiome pour des applications environnementales et agroalimentaires. Entretien avec Philippe Constant, titulaire de la chaire de recherche et professeur à l’INRS.

Qu’est-ce que le microbiome et quel est son lien avec l’agroalimentaire ?

Le microbiome est un ensemble de micro-organismes qui vivent dans l’environnement. Il peut s’agir de bactéries, de levures (champignons), de virus, etc. Dans une terre agricole, ils sont partout. Ils déterminent la productivité des cultures, mais également la santé des sols. Ils sont cruciaux pour la croissance des plantes, leur résistance aux stress (dont les maladies qui en découlent) et les changements climatiques. D’ailleurs, les plantes ne peuvent pas vivre sans les bactéries et aucun aliment n’est 100 % stérile. Le plus important est d’essayer de garder ce microbiome stable et sans pathogène.

Pourquoi la création d’une chaire de recherche sur ce thème ?

Un des objectifs de la chaire est de comprendre le langage de ces micro-organismes, comment ils interagissent les uns avec les autres. Ce savoir va nous servir à confirmer ou à modifier nos pratiques. En agriculture, il existe des biostimulants et d’autres produits qui ont pour but de propulser un micro-organisme en particulier, mais sont-ils efficaces ? Est-ce que le micro-organisme qu’on a décidé d’aider va l’emporter contre tous ceux qui sont présents ? En analysant le fonctionnement des micro-organismes, c’est ce qu’on va apprendre. Ainsi, on va être en mesure d’appliquer les bons produits aux bons endroits. On peut aussi arriver à la conclusion que ce qu’on fait n’est pas la bonne méthode et qu’on doit trouver autre chose.

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Philippe Constant

Que vient faire la Ville de Laval avec l’INRS dans ce projet ?

Il est vrai qu’il est rare qu’une ville investisse dans ce type de recherche, mais dans ce cas-ci, il s’agit d’un vrai projet collaboratif qui a débuté il y a un an et demi. La Ville va accorder 100 000 $ par an pour trois ans dans cette chaire. Cela s’inscrit dans son projet de développement du quartier d’innovation le Carré Laval où l’on retrouvera plusieurs entreprises du savoir. Son intérêt pour le microbiome vient du fait que 30 % du territoire de Laval est en zone agricole. Elle a fait une étude de marché et a conclu que ce secteur économique était prometteur avec une possibilité de forte croissance, et ce, même à l’international.

Est-ce que la recherche a déjà débuté ?

Pas encore, car il nous faut d’autres partenaires financiers. Laval est le leader qui ouvre la parade, mais il nous faut créer d’autres associations. On doit aussi constituer une équipe multidisciplinaire avec des gens d’une panoplie d’horizons allant même à l’intelligence artificielle. En tout, on parle d’une équipe d’une vingtaine de chercheurs. On souhaite commencer la première recherche d’ici un an et demi.

Cette association est-elle le seul élément audacieux de cette chaire de recherche ?

La chaire a été créée avec l’idée de démocratiser la recherche, ce qui est rare dans notre secteur. Nos bureaux sont en devenir, mais en ce moment, nous sommes localisés au Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie et ce qu’on souhaite, c’est de donner au public un accès à la culture scientifique. On prévoit faire des présentations pour démystifier le microbiome et faire des consultations avec des tables rondes pour discuter avec les citoyens. Les gens sont curieux, je suis certain que nous allons susciter leur intérêt. Il n’y a pas de dates prévues encore, mais cela ne saurait tarder.