C'est une drôle d'idée.

«Généralement, parce que le développement économique est très peu rentable, on le laisse au gouvernement», observe le président et fondateur d'Adrenalys, Dominic Deneault. «Notre prémisse de base est celle-ci: le secteur privé peut-il avoir une contribution positive au développement économique?»

Le 17 mars dernier, Adrenalys, regroupement privé de six organisations, a lancé un appel de candidatures afin de réunir 25 PME québécoises exceptionnelles, prêtes à prendre de l'altitude.

Les entreprises retenues se partageront une enveloppe de 3,5 millions en services de consultation et un fonds de croissance de 150 millions. L'appel se clôt le 25 avril.

Il n'y a pas l'ombre de la rognure d'un sou gouvernemental dans cette aventure.

Dominic Deneault, un des quatre associés de la petite firme d'experts-conseils Ascendis, a réussi à rallier à son projet les Goliaths que sont la Banque Nationale, Fasken Martineau, le Fonds de solidarité FTQ, Raymond Chabot Grant Thornton et ProAction International.

De plus larges horizons

Dominic Deneault aime avoir une vue d'ensemble. C'est pourquoi, il y a une quinzaine d'années, cet ingénieur en aéronautique a quitté son emploi strictement technique pour étudier à l'Institut européen d'administration des affaires (INSEAD) et se lancer dans une carrière de conseiller stratégique. «Pour faire du conseil en stratégie, il faut s'intéresser à tout, décrit-il. Il faut être capable de couvrir large, de le synthétiser, puis de dire: c'est là qu'on s'en va.»

Cette hauteur de vue lui a inspiré l'idée d'un regroupement privé qui soutiendrait l'excellence chez les PME et les aiderait à prendre leur envol jusqu'au stade de la moyenne entreprise.

Pour l'entrepreneur, cette étape équivaut à passer des commandes de son petit avion monomoteur à la cabine de pilotage d'un gros porteur.

«On veut passer de l'entrepreneur qui a les mains sur toutes les manettes à une équipe qui sera capable de croître», explique l'ancien ingénieur. «Il a besoin de deux équipes multidisciplinaires, une à l'interne, une à l'externe» - une équipe aux commandes de l'appareil, une autre dans la tour de contrôle.

«Notre hypothèse, c'est qu'une des carences qui empêchent de passer de petite à moyenne entreprise, c'est que le conseil à l'externe n'est pas suffisamment intégré. D'où l'idée d'avoir un panier de services à 360 degrés.»

Faire lever l'idée

«Si j'ai cette idée tout seul dans mon sous-sol, observe-t-il, ça fait un gars qui a une bonne idée dans son sous-sol. Ça s'arrête là.»

Fin 2013, il en glisse un mot au président de la firme de gestion de la productivité ProAction International, Denis Lefebvre. «Et la même journée, par hasard, j'en ai parlé à Éric Bédard, associé directeur chez Fasken Martineau. Les deux m'ont dit: Dominic, on le fait!»

«C'est ce qui m'a donné le coup de pied dans le c... pour essayer de créer ce regroupement.»

Vitesse

«À partir de là, c'est une question de réseau.»

Il donne un exemple: «Tu sais que tu veux couvrir le volet financier. Ça prend un joueur en capital de risque, et ça prend du financement bancaire. Tu te poses ensuite la question: qui peuvent être les meilleurs dans ces volets?»

Il présente le projet à Normand Chouinard, premier vice-président aux investissements au Fonds de solidarité FTQ. «Après une demi-heure, il avait acheté le concept.»

Mêmes explications au vice-président Sylvain Corbeil de la Banque Nationale. «Là non plus, ça n'a pas traîné. Sylvain Corbeil est un homme brillant. Tu lui parles une demi-heure et c'est réglé.»

On a l'impression d'un parcours sans écueil ni doute. Il s'empresse de démentir. «Non, il y a des jours où je me posais des questions. Pas sur l'engagement des partenaires, que j'ai toujours senti. C'est plutôt une question de vitesse et d'élan.»

L'ancien ingénieur en aéronautique aime que les choses bougent vite: «Il faut que ça roule!»

«Un bureau de quatre personnes et une firme de 2000 employés, ça ne vire pas à la même vitesse, explique-t-il. Mais si tu as la patience - et ça se développe avec l'âge -, les choses se placent.»

Bien aligné au décollage

«La plus grande difficulté, au départ, c'est toujours l'alignement des partenaires. Si on veut un partenariat solide, on veut que le positionnement des partenaires soit clair. Quand il existe des chevauchements dans l'offre de service, dans la manière dont on veut aider ces PME, il faut les éclaircir au départ.»

Les six partenaires ont des spécialités bien distinctes. Leurs représentants forment le comité de gouvernance d'Adrenalys. «Pour tous les partenaires, c'est coulé dans l'agenda: toutes les deux semaines, le vendredi matin, à 7h, on se parle.»

Bien guidé

Dominic Deneault a également formé un «conseil des sages» composé de six femmes d'affaires réputées, qui sélectionnera les 25 PME. «Ce n'est pas parce qu'elles ont le chromosome Y qu'elles sont là. C'est la crème de la crème, en matière d'entrepreneurs et de gestionnaires.»

A-t-il été difficile de trouver des volontaires? «Très facile! En deux semaines, c'était fait!»

«Je pense que l'idée est suffisamment attrayante pour que des gens de ce calibre s'y intéressent. Ensuite, c'est une question de savoir si elles ont du temps. Dans la distribution des rôles et responsabilités, il fallait s'assurer que les bouchées n'étaient pas trop grosses à avaler.»

La question de la rémunération ne se posait pas: «Il n'y en a pas.»

Atterrissage

«Le test ultime, c'est la qualité des candidatures», énonce-t-il. «Une partie de la preuve du concept viendra de l'attrait général qu'il génère. Si 200 entreprises s'inscrivent et que tu en cherches 25, c'est l'indication qu'il y a peut-être un bassin pour plus d'une cohorte.»

À deux semaines de la clôture des candidatures, une cinquantaine de dossiers avaient été déposés. Il n'est pas inquiet. La nature humaine étant ce qu'elle est, «tout arrive dans les trois derniers jours».

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Adrenalys

Le projet: créer un organisme privé spécialisé dans le décollage des PME d'exception

Le moyen: réunir de gros porteurs

Objectif : réunir 25 PME de haut calibre pour les aider à passer au stade de la moyenne entreprise

> 3,5 millions en services de consultation

> 150 millions en fonds de croissance

> Clôture de l'appel de candidatures : 25 avril