Derrière les comptoirs de hot-dogs pour afficher les prix, dans les allées pour montrer le match ou diffuser des publicités, ici et là pour indiquer une direction: un amphithéâtre comme celui que l'on construit présentement à Québec comporte des centaines d'écrans à haute définition. La jeune entreprise montréalaise AptoVision espère que ce sont ses produits qui permettront de tous les relier.

AptoVision a été fondée en 2011 par Stéphane Tremblay et Kamran Ahmed, deux anciens dirigeants de Matrox, un leader mondial dans le traitement informatique de l'image installé à Montréal.

«On voyait que le monde de l'audio-vidéo professionnel était très low-tech en comparaison de celui de l'électronique pour consommateurs, et donc qu'il y avait une opportunité", explique M. Tremblay.

Les murs des amphithéâtres, aéroports, hôpitaux, casinos, centres militaires, Bourses, centres commerciaux et autres édifices sont généralement parcourus par des kilomètres de fils reliant entre eux écrans, ordinateurs, serveurs, caméras, lecteurs multimédias, etc.

Les fournisseurs d'équipements audiovisuels pour ce type de clientèle se heurtent à des défis différents des équipementiers de salon. D'abord, le signal doit pouvoir être livré sans aucune compression, soit avec un débit d'environ 6 Go/s pour un signal vidéo HD.

Ce signal doit aussi pouvoir parcourir de longues distances. Les câbles HDMI, populaires dans les salons, s'essoufflent par exemple après une demi-douzaine de mètres, tout au plus.

Manque d'expertise

Comme la fiabilité est un critère important, ce secteur a tendance à évoluer moins rapidement et à privilégier des solutions qui ont fait leurs preuves, même si cela signifie d'endurer longtemps les connexions analogiques par fil de cuivre.

«Ç'a été notre chance, confie M. Tremblay. Le niveau d'expertise que l'on trouve chez les gros noms du secteur n'est pas très élevé.»

L'originalité des solutions BlueRiver d'AptoVision est d'utiliser des technologies de réseau éprouvées et employées partout dans le monde, notamment la fibre optique. Du coup, ses produits deviennent à la fois moins dispendieux et plus puissants.

«Jamais personne n'avait eu l'idée de prendre des signaux audiovisuels et de les envoyer sans compression sur de l'équipement de réseau», explique M. Tremblay.

La jeune entreprise a dû travailler fort pour contourner certaines lacunes des protocoles réseau habituels, mais elle y est parvenue.

Son premier produit, le BlueRiver 100, est un petit boîtier qu'il faut installer derrière chaque écran ou source audio-vidéo pour lui permettre de communiquer avec le réseau. «Il fait la même chose que les concurrents, mais pour la moitié du prix», résume M. Tremblay.

Le deuxième, le BlueRiver 200, est du même genre, mais il permet d'acheminer un signal vidéo Ultra HD (4K), ce dont aucun autre concurrent ne peut se targuer.

Marché de géants

À peine trois ou quatre grandes entreprises dominent le marché mondial de l'équipement audiovisuel professionnel. Ces géants, qui portent les noms Crestron, Extron, AMX ou Kramer, misent sur des avantages qu'il aurait été difficile pour AptoVision d'offrir, notamment une présence mondiale et des réseaux de certification de techniciens bien implantés.

Plutôt que de fabriquer elle-même ses équipements et d'ainsi entrer en concurrence avec ces géants, AptoVision a choisi de s'en faire des alliés. Elle donne le design de ses circuits électroniques à ses clients, qui sont ensuite libres de les intégrer à leurs propres produits.

Tout ce que vend AptoVision, c'est une toute petite puce contenant un code secret, nécessaire à l'opération du circuit, auquel elle doit être intégrée.

La contrepartie, admet M. Tremblay, c'est un cycle de vente très long, allant de 12 à 16 mois, pendant lesquels les géants testent ses produits, y demandent des corrections, les intègrent à leurs designs puis, finalement, les vendent à leurs clients. Pour l'instant, donc, seule IDK, une entreprise japonaise, a mis en circulation les produits d'AptoVision. D'autres devraient suivre au cours des prochains mois.

Quant à la petite entreprise établie dans l'arrondissement de Saint-Laurent, elle cherche à ajouter des ingénieurs en télécommunication à sa main-d'oeuvre de quatre employés et deux sous-traitants.

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APTOVISION

Qui: Les cofondateurs Stéphane Tremblay et Kamran Ahmed.

L'idée: Des circuits électroniques pour la distribution de signaux audiovisuels professionnels dans de grands édifices.

L'ambition: Qu'à court terme, la technologie BlueRiver soit employée par tous les spécialistes de l'audiovisuel professionnel, «sans exception».

Ils y croient et y ont misé de l'argent: Stéphane Tremblay, Kamran Ahmed, Giovanni Forte, Jean-Sébastien Cournoyer, Pascal Pilon.