Chaque semaine, nous vous proposons un extrait d'un «cas pédagogique» du Centre de cas de HEC Montréal: la description en contexte d'une situation réelle d'entreprise qui suscite des interrogations et une réflexion sur certains aspects de la gestion.

L'aventure canadienne de Fernando Jaimes et de sa famille commence en septembre 1998 alors qu'ils arrivent comme immigrants à Toronto en provenance de la Colombie. Ils sont à la recherche de nouvelles perspectives d'avenir, avec en tête l'idée de créer leur propre entreprise et d'aider au développement économique de leur pays d'origine.

M. Jaimes accepte de travailler comme représentant d'une entreprise colombienne spécialisée dans la fabrication de dentelles. Ce travail est sa première expérience comme intermédiaire d'un canal de distribution.

Pour élargir son portefeuille de produits, il se met à la recherche d'autres sources d'approvisionnement, concentrant ses recherches sur des firmes colombiennes, non seulement parce qu'il a des liens naturels avec ce pays, mais aussi parce que la Colombie est, de loin, le plus important producteur de textiles en Amérique latine.

À la fin de 1999, il décide de créer sa propre entreprise, Texcol, avec un compatriote qui a également de l'expérience dans la vente de tissus. Au départ, les ventes et les profits sont encore modestes. Mais grâce aux efforts acharnés des deux associés, la situation change.

L'entreprise se fait connaître, assoit sa réputation. Ses ventes augmentent et elle commence à générer des profits. En 2003, puisqu'une bonne partie des ventes de Texcol se fait à Montréal, M. Jaimes prend la décision d'y déménager. Son associé reste à Toronto pour s'occuper des marchés ontarien et américain.

Le rôle d'intermédiaire

Texcol agit comme intermédiaire entre les producteurs de tissus et les entreprises de confection de vêtements. L'entreprise effectue des tâches commerciales, logistiques et de soutien essentielles pour ses fournisseurs et ses clients, comme la couverture du marché, la vente, l'achat, la prise en charge des stocks, la recherche de contacts, le traitement des commandes, le dédouanement de la marchandise et la collecte des informations sur le marché et les produits offerts. De cette façon, fournisseurs et clients peuvent se concentrer sur leurs activités respectives de production.

À ses débuts, Texcol agissait en tant que représentante de commerce des entreprises productrices de textiles; maintenant, elle achète la marchandise, l'importe et la vend au Canada. L'entreprise devient ainsi un grossiste marchand, car elle assume toutes les tâches énoncées précédemment. De cette façon, elle réalise un meilleur bénéfice sur chaque vente, quoiqu'elle court des risques plus élevés. Texcol est surtout confrontée au risque de non-paiement de la part de ses clients.

Le défaut de paiement est principalement attribuable aux problèmes financiers qu'éprouvent actuellement les entreprises du vêtement à cause de la situation critique de l'industrie au Canada. La fluctuation des taux de change représente aussi des risques potentiels pour Texcol. De plus, sa position comme intermédiaire demeure précaire. Les barrières d'entrée pour son activité ne sont pas très élevées. Même ses fournisseurs et clients sont des concurrents potentiels puisqu'ils peuvent prendre contact directement entre eux et éliminer Texcol du canal.

L'avenir de l'entreprise

À la fin des années 2000, l'entreprise a bâti des liens avec des fournisseurs reconnus et des clients réclamant ses produits. Malheureusement, l'avenir de l'industrie du vêtement au Canada ne s'avère pas très encourageant.

Déjà, plusieurs de ses clients ont fermé leurs portes et d'autres ont des problèmes financiers. D'après les pronostics des spécialistes, il ne resterait que quelques créneaux de produits spécialisés pour l'industrie du vêtement et du textile. Le reste sera fabriqué à l'extérieur du pays.

M. Jaimes et son associé réfléchissent aux voies d'avenir pour leur entreprise. Ils ne veulent pas quitter le secteur du textile puisqu'ils ont déjà acquis une expérience et une bonne connaissance de l'industrie. Mais pour combien de temps pourront-ils continuer à vivre de l'importation de tissus?

Bien que cette industrie perde du terrain depuis quelques années devant la concurrence internationale, M. Jaimes croit qu'il y a encore des occasions d'affaires. Cependant, il se demande comment son entreprise devrait se positionner pour affronter la situation critique du secteur.

Les deux partenaires devraient-ils mettre à profit leurs connaissances et leurs habiletés en important d'autres produits? Existe-t-il des créneaux dans l'industrie canadienne du vêtement qui pourraient survivre aux importations? Serait-il préférable d'importer des produits finis?

Claudia Rebolledo (claudia.rebolledo@hec.ca) est professeure agrégée à HEC Montréal. Maria Carolina Perez est diplômée du programme de M. Sc. à HEC Montréal. Martin Beaulieu est professionnel de recherche à HEC Montréal.

Vous trouverez la version intégrale de ce cas intitulé «Un intermédiaire du textile à la croisée des chemins» à l'adresse www2.hec.ca/centredecas du Centre de cas HEC Montréal.

> Comment Texcol peut-elle valoriser et surtout sécuriser son rôle d'intermédiaire dans le canal de distribution?

> Compte tenu de la situation difficile de l'industrie du vêtement au Canada, Texcol devra-t-elle quitter ce secteur?

> Il se produit une forme de division du travail à l'intérieur d'un canal de distribution. Rapidement, un producteur constatera qu'il ne peut exceller dans toutes les activités nécessaires pour la distribution de ses produits. Il cherchera donc à confier une partie des fonctions de distribution à un ou plusieurs spécialistes qui pourraient les remplir plus efficacement.

> Les intermédiaires assument trois grandes fonctions essentielles pour la distribution des biens et services: des fonctions commerciales, des fonctions logistiques et des fonctions de soutien. S'il est possible d'éliminer des intermédiaires dans un canal de distribution, ces fonctions, elles, ne peuvent être éliminées.

> Texcol devrait offrir ses services d'intermédiation à d'autres secteurs. La situation de l'industrie du vêtement au Canada ne va pas s'améliorer et bientôt, le volume des ventes ne sera pas suffisant pour assurer la survie de l'entreprise. De plus, les risques de non-paiement sont de plus en plus élevés.