À Montréal, celui qui veut prendre le pouls de l'activité entrepreneuriale n'a qu'à arpenter les couloirs des immeubles de grand gabarit, ces mastodontes industriels transformés en bureaux pour les PME du secteur des services. Avec son cachet industriel et ses loyers à prix imbattable, cette catégorie d'immeubles loft répond aux aspirations de jeunes pousses de l'économie. Histoire de stimuler la demande pour leurs locaux, des gestionnaires immobiliers proposent une série d'initiatives dans le but de favoriser la réussite des néo-entrepreneurs.

Au Complexe Dompark, rue Saint-Patrick dans Côte-Saint-Paul, Gestion immobilière Quo Vadis, de la femme d'affaires Natalie Voland, a organisé le 17 avril la 4e foire commerciale annuelle de ses locataires. Il s'agissait d'un «4 à 8» auquel ont participé environ 300 personnes à la salle de réception du Dompark. Une quarantaine d'entreprises y ont présenté leurs produits et services, dont Nexco Networks.

Une foire commerciale

«J'ai 400 clients répartis dans des immeubles de bureaux et je n'ai jamais vu un propriétaire immobilier organiser une foire commerciale pour ses locataires», fait remarquer Gaurav Sharma, 23 ans, associé chez Nexco, une société offrant des services de télécommunications d'affaires pour les petites et moyennes entreprises.

Mme Voland a dépensé 8000$ pour l'organisation de la foire commerciale. Elle organise aussi d'autres activités de réseautage interne durant l'année. «L'objectif est d'aider les locataires à augmenter leur chiffre d'affaires pour s'assurer que ceux-ci sont en mesure de me payer le loyer», explique l'entrepreneure âgée de 40 ans, travailleuse sociale de formation. «Si mes locataires font plus d'argent, ils seront contents et vont rester avec nous», ajoute-t-elle. Depuis 1995, 45% des locataires de l'entreprise de Mme Voland ont ajouté des pieds carrés à leur bail initial.

Un toit pour 500 PME

Seulement dans le Sud-Ouest, neuf immeubles de grand gabarit logent 500 PME donnant du travail à 5200 personnes au total, selon des statistiques datant de 2010, citées par le Regroupement économique et social pour le Sud-Ouest (RÉSO). L'organisme de développement local considère d'ailleurs la présence d'une offre immobilière de qualité à prix abordable comme une force de l'arrondissement.

Le phénomène se constate dans les autres quartiers de la ville où l'on trouve de grands immeubles manufacturiers que ce soit le Mile End, le quartier Chabanel ou le secteur de l'avenue du Parc, au nord de Van Horne.

«Nous sommes en relation avec tous les grands complexes du Sud-Ouest», dit Pierre Morrissette, directeur général du RÉSO. Par exemple, avec Le Nordelec, dans Pointe-Saint-Charles, le RÉSO a aménagé un incubateur de 2400 pi2 divisé en sept unités.

Eole Communications y a fait son entrée en janvier dernier. «C'est une très bonne initiative. Ça permet à des entreprises de démarrer et de sortir le bureau de la maison», dit Séverine Boitier, présidente de la firme de design graphique, qui a connu le service par le bouche à oreille.

Le service comprend une cuisinette et une salle de réunion. La première année, l'entreprise incubée ne paie pas les frais d'exploitation d'environ 8$ par année par pied carré. La deuxième année, un loyer de base de 4,50$ net le pied carré est exigé. «Il s'agit d'un geste de solidarité avec le milieu», dit Michel Caumartin, DG du Nordelec. Les locataires sont choisis conjointement entre le RESO et le Nordelec. Au terme des deux ans, l'idée est que l'entreprise loue un local en bonne et due forme au Nordelec.

Trouver le bon local: ardu et coûteux

Ces initiatives sont appréciées des entrepreneurs, car la recherche d'un local est une tâche ardue. C'est cher, le bail est à long terme et les propriétaires ne sont guère empressés de faire affaire avec un petit locataire sans historique. La plupart du temps, l'entrepreneur devra d'ailleurs se porter personnellement responsable du contrat de location.

Constatant que les besoins des entreprises naissantes étaient ignorés par le marché, Mme Voland, lauréate du Mercure PME 2012 dans la catégorie Contribution au développement économique de la Fédération des chambres de commerce du Québec, a lancé le concept Communoloft en 2010. Il s'agit d'un centre d'affaires destiné aux très petites entreprises. Deux ans plus tard, quatre Communoloft ont été implantés à Montréal et un à Toronto.

«Je veux donner des outils pour permettre à mes locataires de grandir pour qu'ils prennent par la suite plus d'espace dans mes édifices», explique Natalie Voland, qui a participé à un comité consultatif sur la stratégie québécoise de l'entrepreneuriat du gouvernement de Jean Charest, dévoilée l'an dernier.

Communoloft

Au Communoloft, le bail est de trois mois minimum pour une superficie de 150 à 800 pieds carrés. Le locataire a accès à un bureau meublé avec téléphone, internet et salle de réunion. Des comptables, des avocats et des institutions financières offrent leur expertise à bon prix.

«Nous avons choisi le Communoloft parce que les bureaux y sont beaux, modernes et plaisants à l'oeil. Quand on se lève le matin, on a hâte d'aller travailler», dit Gaurav Sherma, de Nexco. Son entreprise a signé un premier bail de trois mois et vient de renouveler son engagement en ajoutant un bureau et en prolongeant le contrat d'un an. Il n'est pas pressé de quitter le Communoloft. Depuis qu'il y est installé, M. Sharma a recruté 10 clients parmi les nombreux locataires de Mme Voland grâce au réseautage interne.