Pour le Québécois moyen, la notoriété de Coaticook se résume à une marque de crème glacée et à un parc naturel reconnu pour son impressionnante géologie. Mais le rayonnement de cette petite municipalité des Cantons-de-l'Est dépasse largement les frontières du Québec, entre autres grâce à la PME Niedner. Cette entreprise, récemment rachetée aux Américains par des intérêts québécois, rayonne de par le monde grâce à ses tuyaux souples.

Établie à Coaticook depuis presque 100 ans, Niedner fabrique encore aujourd'hui des tuyaux destinés à combattre les incendies en milieux urbains ou forestiers partout au Canada et aux États-Unis. Dans un secteur aussi conventionnel, l'entreprise de 150 employés a su diversifier et surtout innover. Résultat: elle fabrique maintenant des tuyaux pour la réhabilitation des vieux systèmes d'eau potable dans les villes, mais aussi pour le transport de matières dans les grands complexes industriels.

Peu importe où un incendie éclate aux États-Unis ou au Canada, il y a de très fortes chances que les pompiers utilisent des tuyaux fabriqués par Niedner à Coaticook. Même si la PME a exploité de nouveaux créneaux, les tuyaux pour combattre les incendies représentent encore une bonne partie de la production de la PME québécoise, dont les ventes dépassent les 30 millions de dollars.

«C'est une industrie autour de laquelle il y a beaucoup de symboles. Surtout aux États-Unis, depuis les événements de septembre 2001. Quand les gens ont commencé à parler du Buy American Act, ça nous a inquiété. Mais les gens nous connaissent et nous respectent tellement là-bas que ça n'a rien donné de s'inquiéter», explique Charles Lacroix, directeur général de Niedner.

L'une des raisons entourant la notoriété de la PME: l'innovation. Niedner possède son propre centre de recherche et de développement, où travaillent cinq personnes. Sur une base annuelle, l'entreprise injecte près d'un million en R&D, mais aussi en amélioration continue. Au sein de son équipe, elle compte quatre black belts, ces gestionnaires très recherchés qui ont reçu une formation pointue dans l'art d'apporter des solutions.

Sans réinventer la roue, la PME arrive continuellement à améliorer ses produits. En avril prochain, la PME présentera de nouveaux produits au FDIC (Fire Department Instructors Conference) d'Indianapolis, plus grand rassemblement nord-américain de l'industrie de la lutte contre les incendies.

Niedner a vu le jour au Massachusetts en 1895. La PME a ouvert une usine à Coaticook en 1914, le jour où, coincé dans la municipalité à cause d'un train en panne, le fondateur de l'entreprise, Charles Niedner, serait tombé en amour avec la région. Vendue, puis rachetée, Niedner a appartenu au géant américain Tyco avant d'être rachetée en octobre 2009 par une famille québécoise à la tête de Corporation Logistec, dont le siège social est situé à Montréal.

Logistec, par l'entremise de son entreprise Sanexen, à Varennes, a mis la main sur Niedner. Sanexen se spécialise dans la réhabilitation des terrains contaminés, mais aussi des systèmes sous-terrains d'eau potable et de distribution. Et c'est précisément pour cela qu'elle a fait l'acquisition de Niedner, laquelle produit les composantes qui entrent dans la fabrication du système Aquapipe.

Le système Aquapipe permet de colmater, de réparer, bref, de remettre en état les conduits sous-terrains lourdement abîmés ou trop rouillés. On ne fait qu'enduire l'intérieur des conduits avec une gaine qui prend la forme d'un tuyau souple. Autrement dit, plus besoin de faire de lourds travaux d'excavation pour réparer, par exemple, une fuite. Niedner fabrique des gaines dont le diamètre varie de 5/8 de pouce à 12 pouces.

Par ailleurs, cette expertise a ouvert de nouveaux marchés à la PME québécoise. Des raffineries de pétrole et des grands complexes industriels du Japon et de l'Arabie Saoudite ont fait appel à Niedner pour l'installation de grosses conduites souples.

Avec un tel rayonnement, la tentation ne serait-elle pas grande de s'installer près des grands centres urbains au lieu de rester dans une municipalité de moins de 10 000 habitants dans l'extrême sud du Québec?

«Non, nous avons ici une main-d'oeuvre d'expérience très qualifiée. Notre taux de rétention est excellent. Nous venons de signer une entente de quatre ans avec le syndicat», dit Charles Lacroix, en poste depuis trois ans. Bref, pourquoi changer une formule qui fonctionne bien?