L'année 2016 a été éprouvante pour Lise. En plus de perdre son emploi, la dame de 59 ans a appris qu'elle souffrait de trois maladies chroniques. Des chocs qui les amènent, elle et sa fille, à réorganiser leur vie. Et si elles achetaient une maison ensemble ?

« Christine et moi avons toujours été très proches, dit Lise. Je sais que nous nous entendrons bien et qu'il n'y aura pas de chicanes d'argent. Mais est-ce que notre projet a du bon sens ?  »

Actuellement, Lise possède une copropriété de quatre pièces et demie en banlieue de Montréal. Christine, 37 ans, prévoit y emménager à la fin de son bail, en juillet, afin d'aider sa mère à régler les factures. 

L'espace risque toutefois de manquer avant longtemps puisque Christine a besoin d'un bureau pour travailler et ranger ses imposantes bibliothèques. Finissante au doctorat et chargée de cours, la jeune femme espère décrocher un poste d'enseignante à l'université lorsqu'elle aura terminé sa thèse, à la fin de 2017.

« J'aimerais vendre mon condo et fournir la mise de fonds pour une petite maison qui appartiendrait à ma fille. Est-ce que j'en ai les moyens ?  » - Lise, 59 ans

Impossible de savoir dans quelle université travaillera Christine, mais Lise est prête à déménager. De toute façon, elle ne compte pas recommencer à travailler. « J'ai cherché quelques mois, mais j'ai dû me rendre à l'évidence : je n'aurais plus la force d'occuper un emploi à temps plein », dit l'ancienne adjointe administrative.

Christine paierait l'hypothèque de la maison, dont elle serait l'unique propriétaire. Elle est aussi prête à payer toutes les dépenses courantes, mais Lise préférerait en payer la moitié si elle en a la capacité financière.

En fait, elle souhaiterait aider sa fille autant que possible. « J'aimerais utiliser au mieux le capital de mon condo et mes placements. » Devrait-elle donner plus que 20 % de mise de fonds ? Rembourser les dettes d'études de sa fille, d'environ 25 000 $  ? Ou cotiser au REER de cette dernière ?

Avec ses trois maladies chroniques, Lise ne croit pas vivre très vieille. Sa santé devrait néanmoins lui permettre de voyager encore cinq ou sept ans. Passionnée par l'Europe, elle aimerait s'y rendre aux deux ans ou, encore mieux, une fois par année. Comme elle profite des conférences à l'étranger de sa fille pour voyager, elle n'a besoin que de 3000 à 4000 $ par séjour.

La mère et la fille sont toutes deux célibataires de longue date. « Christine met l'accent sur sa carrière et voyage beaucoup. Je doute fort qu'elle ait des enfants un jour. » Et si elle tombait amoureuse et voulait emménager avec son Roméo ? «  On s'ajustera !  », assure Lise, confiante.

Photo Yan Doublet, archives Le Soleil

David Paré, planificateur financier

LA VIE EN CHIFFRES

LISE, 59 ans

REVENUS ANNUELS BRUTS*

Régime de retraite : 5000 $ de 60 à 65 ans ; 2500 $ ensuite

Régie des rentes : 6216 $ à partir de 60 ans

Sécurité de la vieillesse : 6948 $ à partir de 65 ans

Supplément de revenu garanti : 4752 $ de 62 à 72 ans ; 1512 $ ensuite

* en dollars d'aujourd'hui

CONDO

4 ½ évalué à 220 800 $

Charges de copropriété : 95 $/mois

Taxe scolaire et impôt foncier : 2533 $/an

PLACEMENTS

REER : 156 800 $

Compte de retraite immobilisé (CRI) : 60 000 $

Aucun CELI

DETTES

Hypothèque : 67 500 $ ; 90,53 $/semaine ; 2,64 $ d'intérêt

LA SOLUTION

David Paré, conseiller en placement et planificateur financier chez Valeurs mobilières Desjardins, a commencé par analyser le scénario le plus coûteux pour Lise : conserver le condo et payer seule les dépenses. « Si ça fonctionne, ça lui permettra de choisir librement. »

Lise estime ses dépenses courantes à 12 000 $ par année ; en ajoutant l'hypothèque, les charges de copropriété, la taxe scolaire et l'impôt foncier, le total s'élève à 20 500 $. Ce qui est peut-être légèrement en dessous de la réalité, prévient David Paré. Le planificateur arrondit le coût de vie à 24 000 $ et ajoute 3500 $ par année pendant six ans pour les voyages. 

Considérant ce train de vie, Lise a suffisamment d'épargne pour vivre seule dans son condo jusqu'à environ 75 ans. Elle épuisera ses liquidités dans 15 ans, mais elle aura toujours le capital de sa copropriété. Elle pourra soit la vendre, ce qui lui procurera des fonds pour plusieurs années encore, soit contracter une hypothèque inversée, ce qui lui permettra de continuer d'habiter le condo.

« Ça se tient, dit David Paré. Et si ses économies sont suffisantes pour ce scénario du pire, elles le seront dans les autres aussi. »

CAP SUR LA NOUVELLE MAISON

En emménageant avec sa fille, Lise diminuera ses dépenses courantes. David Paré continue néanmoins de travailler avec un coût de vie de 24 000 $, plus un budget voyage de 3500 $ pendant six ans. Lise pourra ainsi partager les dépenses et aura les moyens de verser un logement semblable à ses paiements hypothécaires et autres charges liées au condo, soit environ 800 $ par mois. 

L'idée d'une mise de fonds de 20 % pour éliminer l'assurance de la SCHL reste pertinente. Lise pourra ainsi verser 60 000 $ pour une maison de 300 000 $. Elle aurait les moyens de donner plus que 20 %, mais David Paré le déconseille.

«  Lise doit préserver son indépendance financière et se garder une certaine marge de manoeuvre. Il sera toujours temps de faire d'autres dons. » - David Paré, planificateur financier

En offrant une mise de fonds de 60 000 $ à Christine, Lise aura suffisamment d'économies pour maintenir son train de vie jusqu'à au moins 90 ans.

PROTÉGER SES ARRIÈRES

Même si Lise ne craint pas les conflits, il serait sage de se protéger. La solution : que Christine lui consente un droit d'usage à des fins d'habitation. « C'est un outil qui protège bien et qui permet de rédiger les clauses qu'on veut », explique Kevin Houle, notaire chez PFD Notaires. 

Avec un droit d'usage, Christine ne pourra pas évincer sa mère et elle devra obtenir son accord pour vendre ou hypothéquer la maison. Plusieurs modalités peuvent être incluses : la répartition des dépenses, le paiement d'une compensation (loyer), les dispositions si Christine meurt ou si elle veut mettre fin à la cohabitation, etc. Lise pourrait aussi demander de récupérer sa mise de fonds dans certaines circonstances, mais seulement si elle verse les 60 000 $ sous forme de prêt plutôt que de don. 

Avec ce genre de contrat, ajoute MHoule, il est important d'avoir un mandat de protection. Cela évitera à Christine de se retrouver coincée avec un droit d'usage non utilisé, mais encore en vigueur si jamais Lise devenait invalide.

PLANIFIER LES DÉCAISSEMENTS

David Paré suggère à Lise d'encaisser ses rentes de la Régie des rentes (RRQ) et de son régime de retraite dès 60 ans. « Vu son état de santé, c'est bien d'équilibrer les revenus entre le court et le long terme.  » Comme sa rente sera plus faible, Lise aura droit, à partir de 65 ans, à un plus gros supplément de revenu garanti. Le régime de retraite n'est pas très imposant, mais le planificateur le conserverait tout de même, car il versera une rente fixe pendant plusieurs années.

Entre 60 et 65 ans, Lise aura besoin de retirer 16 000 $ de ses placements pour vivre. Elle devrait commencer par sortir le maximum possible de son compte de retraite immobilisé, plus contraignant que son REER, conseille David Paré. Le capital du condo, lui, peut être investi dans un CELI et un compte non enregistré. 

À 65 ans, la pension de la Sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti s'ajouteront aux revenus. La rente du régime de retraite diminue, par contre. « Durant ces années, elle pourra puiser dans son capital hors REER pour combler ses besoins, soit environ 6500 $ par an. Cela lui permettra d'aller chercher le maximum du supplément de revenu garanti », dit David Paré.

À 72 ans, Lise aura 115 000 $ dans son REER. Elle devra alors faire des retraits minimums de 5800 $, ce qui réduira de 396 $ à 126 $ par mois le supplément de revenu garanti. Malgré cela, ses économies lui permettront de maintenir son rythme de vie jusqu'à plus de 90 ans.

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