« Je suis en plein processus de séparation », expose Sandrine.

La femme de 32 ans a déménagé à la mi-janvier dans un nouveau logement, pour un loyer de 1050 $ par mois.

Heureusement, l'appartement est remis à neuf, parfaitement isolé et entièrement meublé.

Une semaine sur deux, Sandrine y accueille ses enfants de 7 et 10 ans.

Mais la situation est nouvelle.

Tant qu'elles étaient assumées en commun, elle ne s'était jamais attardée à estimer ses dépenses.

Combien lui en coûtera-t-il pour vivre ?

Elle rembourse un emprunt de 1000 $ à raison de 90 $ par mois. Le solde de sa carte de crédit navigue entre 1500 et 2500 $.

« J'aimerais revenir à zéro », indique-t-elle.

La garde des enfants est partagée également avec son ex-conjoint.

Elle gagne un salaire net de 28 600 $.

« Je n'ai aucune épargne », déplore-t-elle.

Elle n'a pas de voiture, mais songe à utiliser Communauto. En aura-t-elle les moyens ?

« J'aimerais apprendre à gérer mon budget, car c'est nouveau pour moi d'être seule. »

En guise de cours d'introduction, nous prenons rendez-vous chez Option consommateurs pour une consultation budgétaire.

Pour l'occasion, Sandrine a tenté d'estimer ses dépenses.

Visite.

PORTRAIT

Sandrine, 32 ans

En processus de séparation

Mère de deux enfants d'âge primaire

Revenus : 

28 600 $ après impôts

664 $ en soutien aux enfants, partagés avec le père

Aucune épargne

Aucune propriété

Pas de voiture

Carte de crédit : marge de 2500 $, solde actuel de 1400 $

Autre emprunt : 1000 $ (remboursement mensuel de 90 $)

Dépenses mensuelles estimées

Loyer : 1050 $

Électricité : 70 $

Cellulaire : 80

Assurance habitation : 25 $

Transports en commun : 65 $ (rabais d'employeur)

Transports en commun des enfants : 62 $

Garde scolaire : 320 $

Épicerie : 500 $

Loisirs sportifs des enfants : 1000 $/an

DES QUESTIONS À CREUSER

Sylvie de Bellefeuille, avocate et conseillère juridique chez Option consommateurs, n'avait jamais vu cette technique de gestion de compte bancaire. En consultation budgétaire avec Sandrine, elle estime avec elle ses actifs.

Pas d'auto. Pas de maison. Pas d'épargne. Peut-être 6000 $ dans le REER collectif de son employeur.

 - Et combien avez-vous dans votre compte de banque ?

 - Pour le moment, rien. Je mets mon salaire sur ma carte de crédit.

Sandrine se sert de sa carte de crédit à la manière d'un compte courant. Elle ne conserve sur son compte chèque que la somme nécessaire au loyer et aux petits achats payés comptant. Elle verse le reste de son salaire sur sa carte de crédit, avec laquelle elle paie l'ensemble de ses autres dépenses.

Un solde de 1000 $ à 1500 $ demeure en permanence sur la carte, mais le flux monétaire fait en sorte que la somme exigible est toujours acquittée en temps voulu, de telle sorte qu'elle ne paie jamais d'intérêts.

« C'est une façon un peu inhabituelle de faire les choses », commente la conseillère, étonnée.

Elle y voit un risque. « À partir du moment où vous dépensez plus que ce que vous gagnez, vous allez tranquillement gruger sur votre carte de crédit et vous allez commencer à payer des intérêts. »

LES REVENUS

Le salaire net de Sandrine s'établit à 1100 $ par deux semaines, pour approximativement 2200 $ par mois. Elle y ajoute la moitié des allocations de soutien aux enfants. Un total de 2532 $ par mois.

La garde des deux enfants est partagée à parts égales.

« Est-ce qu'il y une entente pour une pension alimentaire ? », demande la conseillère.

 - C'est une garde partagée à 50-50, alors il n'y a pas de pension alimentaire.

 - Ça dépend ! Ce n'est pas toujours le cas.

Une disproportion entre les revenus pourrait ouvrir la porte à une pension. Sandrine a droit aussi à la moitié du patrimoine familial.

Il faudra creuser la question. « Le mieux serait de consulter un avocat. Il y a aussi la médiation. Quand on a des enfants, c'est gratuit. »

LES DÉPENSES

Sandrine habite depuis la mi-janvier un appartement meublé qu'elle loue 1050 $ par mois - deux semaines de salaire net. L'appartement neuf, où le linge de maison et la vaisselle sont compris, vaudrait un loyer nettement plus élevé. 

Combien Sandrine paye-t-elle pour l'électricité ?

 - Comme j'ai déménagé le 14 janvier, je me base sur ce que ma propriétaire m'a dit que ça coûterait.

 - Ça pourrait valoir la peine de vérifier auprès d'Hydro-Québec. Ils peuvent faire l'évaluation en fonction de ce qu'a payé la personne qui était là avant vous.

Le plan annuel permet de répartir également les paiements, lui indique-t-elle.

L'internet est inclus dans le bail. Pas de service de télé. Le cellulaire coûte 80 $ par mois.

Sandrine estime ses dépenses d'épicerie à 500 $ par mois, soit une moyenne de 116 $ par semaine.

 - Comment êtes-vous arrivée à ce chiffre ?

 - Comme ça, au hasard. 

La semaine précédente, elle a accueilli seule ses enfants pour la première fois. Elle a réussi à maintenir la facture d'épicerie à 160 $ - un premier test.

« C'est le genre de dépenses qu'on a tendance à sous-estimer, prévient Mme de Bellefeuille. Surtout si ça inclut aussi les cafés et la pharmacie. Ce sera à vérifier. »

L'ADDITION

Les touches de la calculatrice cliquettent dans un silence circonspect.

Le verdict tombe. « Vous arrivez pas mal kif-kif. »

Mais il faut aussi compter avec les 90 $ par mois que Sandrine consacre au remboursement d'un prêt personnel. Dans ces conditions, le budget est déficitaire de 60 $ par mois. Et il faudra encore ajouter les services de Communauto, que Sandrine souhaite utiliser une fin de semaine sur deux.

Sandrine n'a aucun coussin de sécurité. Si des dépenses annuelles sont payables en même temps, elle n'aura peut-être pas accumulé les fonds nécessaires. La conseillère recommande de transférer ces sommes dans un compte d'épargne distinct pour éviter qu'elles soient utilisées à d'autres usages.

En revanche, Sandrine encaissera en cours d'année deux paies non comptabilisées - une manière de se donner une marge de manoeuvre. En outre, Sandrine touche généralement un petit boni de fin d'année, et elle reçoit un remboursement d'impôt. Un peu de répit.

EN RÉSUMÉ

« Il faudra valider ces différents chiffres pour voir si c'est vraiment ce que ça vous coûte », résume Sylvie de Bellefeuille.

Ensuite, « il va falloir essayer de faire un ménage dans vos dépenses pour essayer de dégager une petite marge de manoeuvre ».

Sandrine doit régulariser les questions du patrimoine familial et d'une possible pension alimentaire. 

Avec une situation budgétaire totalement nouvelle, l'utilisation peu orthodoxe de la carte de crédit risque de déraper. Si Sandrine préfère le plastique, elle pourrait utiliser davantage sa carte bancaire, et s'assurer de payer chaque mois le solde de sa carte de crédit.

Bien qu'idéal, l'appartement est cher. « Normalement, ce qu'on devrait mettre en loyer, c'est l'équivalent d'une semaine de paie », rappelle la conseillère.

Pour l'alimentation, la plus importante des dépenses variables, les prévisions sont déjà étriquées.

Mme De Bellefeuille mentionne Bonne boîte bonne bouffe, « des paniers de fruits et légumes, sur le principe du groupe d'achat. Ça revient habituellement beaucoup moins cher que ce que vous achetez en épicerie ».

Il y a bien les 150 $ consacrés aux cigarettes chaque mois. La somme saute aux yeux, inutile d'insister. « Mon rôle, ce n'est pas de vous dire où dépenser ou quoi couper, mais de vous aider à voir quelles sont vos habitudes. À partir de là, les choix vous appartiennent. »

Sandrine en a pleinement conscience. Mais le stress de la séparation pèse lourd.