Chaque semaine, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, André Berberi, vice-président et gestionnaire principal à la répartition d'actif chez Gestion privée Desjardins.

Quel a été l'événement le plus significatif des derniers jours en Bourse ?

Les événements financiers en Chine ont retenu l'attention, principalement l'intervention du gouvernement chinois sur la Bourse du pays ainsi que l'annonce d'une nouvelle baisse des taux d'intérêt.

La chute de la Bourse chinoise était inévitable, compte tenu de sa progression exponentielle en début d'année. Il faut dire que la Chine fait face à tout un défi en cherchant à passer d'une économie communiste, donc axée sur le contrôle gouvernemental, vers une économie un peu plus capitaliste où les forces du marché décident de l'évolution des actifs financiers.

Par ailleurs, les attentes par rapport à la normalisation de la politique monétaire américaine [remontée de taux d'intérêt et fin des interventions obligataires] contribuent également à l'augmentation de la volatilité des marchés.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement ?

En fait, plusieurs indicateurs sont simultanément sur mon radar.

Je suis l'évolution des profits des entreprises, les politiques monétaires des pays importants économiquement et le niveau d'inflation. Aussi, je suis la performance relative des secteurs en Bourse et le cours des matières premières, en particulier le pétrole.

Je considère que la Bourse est un indicateur précurseur de l'activité économique, d'où l'importance de suivre des indices sectoriels qui, eux, peuvent aider à prévoir l'évolution des marchés boursiers dans leur ensemble.

Un tel indicateur est la performance relative des secteurs plus cycliques (consommation discrétionnaire, banques, transports, infrastructures) par rapport à celle des secteurs qui ont de meilleures performances plus tard dans le cycle économique (énergie, industriels et matériaux).

Historiquement, cette comparaison sectorielle a permis d'anticiper d'environ 12 mois l'évolution des grands indices boursiers, qui ont souvent ensuite un rôle d'indicateurs avancés pour l'économie.

En ce sens, je suis d'avis que la surperformance des secteurs plus cycliques depuis quelque temps augure bien pour l'évolution des marchés boursiers au cours des prochains mois.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir ?

Dans une perspective d'investissement à long terme, les récents soubresauts en Bourse créent de belles occasions d'investir dans le marché des actions, bien que des risques de baisse soient toujours présents.

À mon avis, la prime de risque dans le marché boursier par rapport à celui des obligations, où le rendement courant est pratiquement nul, demeure nettement en faveur des actions.

Dans le passé, des corrections comme celle que nous vivons ces temps-ci ont constitué des points d'entrée intéressants dans les marchés boursiers.

Aussi, les actions d'entreprise sur les marchés internationaux nous semblent plus attrayantes en raison du meilleur potentiel de croissance de leur marge bénéficiaire, principalement en Europe et au Japon.

À l'opposé, quel placement évitez-vous ces temps-ci ?

Les matières premières, comme l'énergie, de même que les métaux précieux demeurent les moins attrayants. Et sans doute pour un bon moment encore.

Avec le ralentissement économique en Chine, qui est l'un des principaux pays consommateurs de ressources, et compte tenu du surplus de l'offre dans plusieurs d'entre elles, dont le pétrole, la pression à la baisse sur leurs prix des matières premières demeurera réelle pour l'avenir prévisible.

Toutefois, nous savons tous que les marchés peuvent changer de direction rapidement, d'où l'importance de maintenir une saine diversification de portefeuille en tout temps.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement ?

C'est le risque d'éclatement du marché de la dette à haut risque, particulièrement en Chine.

Le ralentissement économique en Chine pourrait entraîner des faillites importantes, ce qui se traduirait vraisemblablement par des défauts de paiement sur des titres de créances avec des structures plus complexes, et moins liquides sur les marchés.

Par ailleurs, je crois que l'on sous-estime la durée du risque de déflation généralisée [chute des prix] dans l'économie mondiale, si les perspectives de croissance devaient s'affaiblir davantage.

À mon avis, ça pourrait durer plus longtemps que prévu, retardant ainsi la remontée de taux sur les marchés obligataires que les analystes prédisent depuis des années.

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André Berberi est vice-président et directeur de la stratégie de répartition d'actif chez Gestion privée Desjardins. À ce titre, il supervise la gestion de 5,5 milliards en actif qui proviennent de la clientèle d'individus et de familles fortunées du Mouvement Desjardins.