Chaque semaine, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Willem Hanskamp, premier vice-président et chef du placement chez Gestion d'investissement Heward, à Montréal.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse ?

Après quelques mois d'un calme relatif, la saga de la Grèce a resurgi sur les écrans radars du monde financier. L'approche d'une autre échéance importante a rehaussé la nervosité des marchés boursiers après une forte avance, causant aussi une baisse de l'euro et un raffermissement du dollar américain.

Le problème de la dette grecque trouvera une fois de plus une solution appropriée, mais il n'est pas exclu que la Grèce abandonne l'euro pour se déclarer en défaut de paiement.

Dans une conjoncture mondiale déjà incertaine, alors que la croissance de l'économie et des bénéfices des entreprises peine par rapport aux attentes, un défaut financier de la Grèce augmenterait considérablement la volatilité des marchés. En Europe d'abord, mais aussi sur le plan mondial, à court et à moyen terme.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment ?

Pour mesurer l'activité économique, les indices PMI (directeurs d'achats des entreprises) comptent parmi les références les plus sûres. Ils sont disponibles pour la plupart des pays et des régions, ainsi que pour certains secteurs de l'économie comme le manufacturier ou les services. Ces indices permettent d'établir des prévisions assez exactes, car ils découlent des attentes des dirigeants d'entreprises envers la croissance dans leur pays ou leur région d'activités.

Ces indices mensuels des PMI s'avèrent aussi très fiables pour prévoir l'évolution à plus long terme de l'économie. Actuellement, ils indiquent que la croissance des principales économies du monde continue de manquer de tonus.

Par ailleurs, nous suivons de près les tendances des indices des prix à la consommation (CPI), dans un contexte mondial. Depuis un bon moment, les risques de déflation ne sont pas négligeables, surtout en Europe et au Japon.

La déflation aurait des conséquences dévastatrices pour les économies et les marchés. Mais récemment, la stabilisation de ces indices CPI a atténué les craintes de déflation.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir ?

Nos portefeuilles sont toujours diversifiés, tant sur le plan sectoriel que géographique. Du point de vue sectoriel, nous privilégions des thèmes d'investissement tels que les titres à dividendes croissants, qu'il ne faut pas confondre avec les titres à dividendes élevés. Parmi les autres thèmes, il y a celui du pouvoir d'achat croissant des consommateurs sur les économies émergentes, de même que les préoccupations de santé et de saines habitudes de vie.

Parmi les titres à dividendes croissants, nous privilégions des entreprises comme Jean Coutu (pharmacies) et McDonald Dettweiler (aérospatial).

Dans le thème de la consommation dans les économies émergentes, le conglomérat Jardine Matheson, de Singapour, est intéressant parce qu'il est présent dans ce domaine à travers toute l'Asie du Sud-Est.

Quant au thème de la santé et des saines habitudes de vie, nous préférons des entreprises telles que LifePoint Health (centres de soins), Walgreens Boots (pharmacies) et Hain Celestial (nutrition).

Pour la diversification géographique, nous avons réduit nos investissements aux États-Unis, en faveur de l'Europe et du Japon. Nous sommes neutres à l'égard du Canada et des marchés émergents.

L'Europe nous intéresse plus en ce moment en raison de l'effet de la baisse de l'euro sur l'amélioration des bénéfices des entreprises. Aussi, la liquidité des marchés boursiers en Europe est favorisée par les mesures d'assouplissement quantitatif adoptées par la Banque centrale européenne (BCE).

Sur la Bourse canadienne, le potentiel d'un regain du rendement des actions privilégiées nous intéresse aussi. Après un épisode défavorable depuis le début de l'année, imputable surtout au recul des obligations d'État à cinq ans, les cours des actions privilégiées ont peut-être atteint leur bas. Lorsque les taux obligataires se redresseront, même de très peu, ces actions privilégiées pourraient offrir un rendement très avantageux.

À l'opposé, quel placement évitez-vous ces temps-ci ?

Nous sous-pondérons fortement les obligations, en raison de leur rendement faible et de leur bien mince protection du capital lorsque les taux d'intérêt remonteront, tôt ou tard.

Il suffit de variations même faibles des taux pour produire des rendements totaux négatifs. Nous l'avons constaté ces derniers mois lorsque les taux ont remonté de 40-50 points de base (+0,5 %) par rapport aux niveaux très faibles de janvier.

Nous ne prévoyons pas de hausse spectaculaire des taux dans un avenir rapproché. Entre-temps, le rendement des obligations pourrait difficilement dépasser le taux d'inflation.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement ?

C'est l'impact d'une croissance mondiale moindre qu'attendu sur des cours boursiers déjà relativement élevés.

Je m'explique. La croissance mondiale a fléchi récemment parce que son moteur le plus puissant, soit les dépenses des consommateurs dans les économies développées, a ralenti alors que les gouvernements et les entreprises modèrent leurs dépenses.

N'empêche, la plupart des économistes prévoient encore une accélération de la croissance pour la fin de cette année et en 2016. Leur optimisme repose surtout sur l'attente d'une augmentation des dépenses des entreprises, parce qu'elles pourraient se le permettre avec leurs bilans très solides.

Or, pour notre part, nous ne voyons pas de signes d'une accélération des dépenses des entreprises. Par conséquent, la croissance économique mondiale pourrait être décevante au cours des prochains mois, ce qui remettrait en question les niveaux des cours boursiers qui, sans être excessifs, sont relativement élevés.

Willem Hanskamp est vice-président principal et chef du placement chez Gestion d'investissement Heward. Cette firme montréalaise gère 850 millions en actifs provenant surtout de fortunes privées de la grande région de Montréal et de l'est de l'Ontario, dont Ottawa.

L'autre part de la clientèle de Heward provient du secteur des investisseurs dits semi-institutionnels, comme les fondations privées et les fonds communs à distribution restreinte.