Chaque semaine, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Dominique Vincent, vice-présidente et gestionnaire de portefeuille chez MacDougall, MacDougall & MacTier, à Montréal.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse ?

J'irais au-delà des derniers jours, et même des dernières semaines, car de nombreux événements à moyen terme continuent d'influencer nos décisions de gestion de portefeuilles.

Notamment la détermination de l'Arabie saoudite à faire baisser le prix du baril du pétrole pour réduire la production, particulièrement aux États-Unis et en Russie, et l'impact de cette politique sur l'économie canadienne.

Par ailleurs, je considère significatif le suivi des gestes posés par la Banque centrale européenne, la hausse potentielle des taux aux États-Unis ainsi que les fluctuations importantes du dollar américain sur le marché des devises.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment ?

Comme plusieurs gestionnaires de placements, je suis les cours du pétrole et du gaz naturel, ainsi que les fluctuations du dollar américain.

La volatilité est au rendez-vous et tous veulent en minimiser le risque dans leurs portefeuilles.

Quant à l'évaluation du marché boursier, un indicateur important à mon avis est le rendement des actions en dividendes (payés) par rapport au rendement des obligations de 10 ans.

Je suis aussi l'évolution du multiple des bénéfices par action pour l'ensemble du marché par rapport à leurs niveaux antérieurs, et ceux qui sont prévus.

Les entreprises ont connu une bonne performance en Bourse, mais nous assistons à de nombreuses annonces de rachat d'actions et d'augmentation du dividende, ce qui a pour effet de soutenir le cours des titres.

En ce qui concerne la conjoncture économique, je suis surtout l'évolution du marché de l'emploi aux États-Unis. Il a connu une nette amélioration, mais il reste à voir si l'augmentation des salaires aura aussi un impact sur le taux d'inflation et la croissance réelle de l'économie. Pour le moment, cette croissance est prévue à 3,5 %, par rapport à moins de 2,5 % il y a un an.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir ?

La faiblesse du prix du pétrole signifie pour les consommateurs une plus grande capacité d'épargner ou de dépenser davantage. Je privilégie donc des titres de consommation courante, comme les détaillants Costco et Dollarama. 

Cette meilleure liberté dans les budgets des consommateurs devrait augmenter leurs déplacements routiers au cours des prochains mois, donc un avantage certain pour des détaillants comme Alimentation Couche-Tard.

Dans ce contexte, aussi, des titres reliés à la rénovation et la construction résidentielle, comme le détaillant Home Depot, devraient également faire partie des choix des investisseurs boursiers.

La force du dollar américain devrait favoriser des entreprises canadiennes qui réalisent une part importante de leur chiffre d'affaires aux États-Unis. L'entreprise DH Corp, dans le secteur des technologies financières, est un bon exemple.

Par ailleurs, les investisseurs ne peuvent ignorer de grands thèmes de société comme l'impact du vieillissement de la population sur les services de santé et la volonté politique d'en réduire les coûts. Les firmes Medtronics et Mylan (médicaments génériques) sont parmi mes choix.

Un autre thème incontournable est l'engouement envers les technologies dans les habitudes de vie et le divertissement, ce qui devrait continuer de favoriser la valeur des Apple et Google. Au Canada, Telus et MacDonald Detwiler (transmission des données et surveillance) sont les plus intéressantes à ce moment-ci.

En parallèle, cette évolution technologique rehausse le besoin de prévention et de protection contre les attaques cybernétiques et les menaces envers nos informations personnelles. Ce contexte favorise des entreprises comme Absolute Software.

À l'opposé, quel placement évitez-vous ces temps-ci ?

J'ai toujours porté une grande attention à l'évolution du multiple cours/bénéfice par action par rapport à la croissance attendue des bénéfices par action.

Dans un contexte de faible taux d'intérêt, nous avons assisté à une hausse de ces multiples à un point tel qu'il est maintenant important de repositionner les portefeuilles.

Je préconise une gestion plus prudente, avec des prises de profits sur les titres qui ont bénéficié le plus de la faiblesse des taux et qui se négocient à des multiples cours/bénéfices réalisés qui sont beaucoup plus élevés que les multiples des bénéfices attendus.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement ?

Le secteur de l'énergie suscite de nombreuses questions. Mais entre des scénarios un peu extrêmes comme la fin des réserves ou le retour à un marché d'abondance, la réalité se situe au juste milieu.

Pendant ce temps, le secteur des matières premières demeure à des niveaux de prix historiquement bas. Mais cela prend des années pour mettre une mine en activité et il faut une gestion saine pour la maintenir en opération dans le contexte actuel.

Dans les deux cas, je crois qu'il s'agit de secteurs sous-estimés par les investisseurs. Toutefois, il faut concentrer ses investissements dans des producteurs à faible coût et aux reins solides.

À titre de vice-présidente chez MacDougall, MacDougall & MacTier, Dominique Vincent gère surtout les portefeuilles de 200 familles fortunées principalement du Québec, mais également du reste du Canada et de l'étranger.

Dirigée de Montréal, la firme surnommée 3Macs est la descendante d'ex-firmes de placement de longue expérience qui se sont regroupées au fil des ans. 3Macs comptabilise plus de 6 milliards en actifs sous gestion provenant d'une clientèle fortunée desservie par six bureaux situés au Québec et en Ontario, qui regroupent près de 200 employés.