Chaque dimanche, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Pierre Trottier, de l'Industrielle Alliance à Québec.

Quel a été l'événement le plus significatif cette semaine sur les marchés ?

Dans la foulée des annonces de résultats trimestriels parfois décevants compte tenu de la force du billet vert, Disney a rapporté d'excellents résultats. L'entreprise a affiché une croissance de 22 % de son bénéfice par action et de 9 % de ses ventes. Les ventes de figurines des films La reine des neiges et Les gardiens de la galaxie ont contribué aux bons résultats. Les perspectives de croissance sont attrayantes. Disney prévoit le lancement en salle du film Star Wars : Le réveil de la force en décembre. La compagnie prévoit générer des profits non seulement par la sortie du film, mais également par les produits dérivés s'y rattachant (figurines) et en développant plusieurs attractions dans ses parcs thématiques en Floride, en Californie, en France et à partir du printemps 2016, à Shanghai.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement ?

Au cours des dernières années, les investisseurs canadiens ont bénéficié de la bonne performance des actions américaines, mais aussi de la vigueur du billet vert face au huard. Je surveille l'ensemble des indicateurs qui peuvent avoir un impact sur le taux de change CAN/US, tels les politiques monétaires respectives et les prix des commodités. Le marché des devises, tout comme celui des commodités, se comporte souvent de manière excessive et il est possible de protéger le rendement en dollars canadiens d'un fonds américain en utilisant des contrats à terme sur les devises.

Au taux de change actuel de 1,25 $ CAN/US, nous nous situons au niveau de la parité du pouvoir d'achat, donc il n'y a pas encore d'excès. Cependant, la descente du huard a été rapide, comme celle du baril de pétrole, et nous suivons ces tendances afin de protéger le rendement de nos clients canadiens sur les marchés américains.

Il faut aussi garder en tête que si le marché immobilier canadien commence à montrer une faiblesse marquée, le huard pourrait poursuivre sa descente vers les 1,35 $ CAN/US.

Que feriez-vous avec une grosse somme d'argent à investir ?

Je recommande des titres boursiers non cycliques versant des dividendes qui ont le potentiel de croître. La sélection de titres doit être axée sur les compagnies qui génèrent une bonne croissance des « cash flows », qui possèdent un bilan solide et dont le positionnement concurrentiel est enviable. Quelques exemples :

Kraft : le nouveau PDG arrivé en décembre est prêt à mettre l'accent sur les produits à plus forte croissance, à réviser la stratégie de marketing et à réduire les coûts. Ainsi, il va maximiser la valeur pour les actionnaires (ce qui inclut la possibilité de scinder la compagnie en entités indépendantes).

Starbucks : l'entreprise intègre de plus en plus de nourriture sur ses menus et développe des magasins axés sur le thé. De plus, elle se démarque par des innovations technologiques au niveau de son application mobile afin de faciliter et d'accélérer le service en magasin.

Costco : le potentiel d'expansion en Amérique du Nord, en Europe et en Asie est intéressant. Cette compagnie se démarque par son pouvoir d'attraction sur la clientèle et sa capacité de générer des achats impulsifs. Les revenus découlant des cartes de membre assurent une stabilité des flux monétaires.

Brown-Forman : connue par son whisky Jack Daniel's et son Southern Comfort, la compagnie investit dans le développement de ses produits. Parmi les récentes innovations, notons le Jack Daniel's Honey et prochainement, le Tennessee Fire (un Jack Daniel's à saveur de cannelle). Ce genre de compagnie est souvent moins touché par les fluctuations des cycles économiques. Brown-Forman serait une cible de choix pour un concurrent désireux de gagner du leadership dans le lucratif marché du whisky.

Quel placement évitez-vous à tout prix ?

Étant donné que les obligations du gouvernement du Canada et du gouvernement américain offrent des rendements de 1,44 % et de 1,95 % sur 10 ans, le profil risque/rendement s'avère peu intéressant versus les actions. Les investisseurs peuvent trouver avantageux d'investir dans des sociétés dont le profil de risque leur convient et qui offrent un meilleur rendement en dividendes que les obligations. À l'échelle mondiale, les marchés obligataires sont dans une bulle, comme les « dotcom » l'étaient en 2000. Tôt ou tard, cette surévaluation disparaîtra.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus ?

Les investisseurs sont persuadés que la Réserve fédérale américaine augmentera ses taux d'intérêt d'ici septembre. La force du dollar américain et son impact négatif sur le secteur extérieur américain pourraient faire en sorte que la Fed n'augmente pas son taux directeur cette année, créant ainsi un environnement plus favorable pour la Bourse en 2015.

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Pierre Trottier est gestionnaire principal de portefeuille au sein de l'équipe des actions américaines au bureau de l'Industrielle Alliance situé sur la Grande-Allée, à Québec. Il a rejoint les rangs de l'Industrielle Alliance en 2006 et possède une quinzaine d'années d'expérience dans l'industrie du placement.