Il n'est pas toujours évident de jongler avec un budget serré. Martine et Jean en savent quelque chose. Année après année, ce couple de retraités de 62 ans vit avec un revenu annuel commun de 21 000 $. Ce dernier se divise de rentes provenant de la Régie des rentes du Québec (11 000 $) et de la pension de Jean (10 000 $), ancien employé d'une entreprise médiatique.

Chaque année, le couple retire plus ou moins 10 000 $ de REER. Leur budget annuel oscille normalement entre 32 000 et 35 000 $, ce qui équivaut approximativement au seuil de faible revenu avant impôt pour un ménage de deux personnes.

« Ils font très attention pour ne pas dépenser », confie leur fille Mélanie. C'est elle qui a contacté La Presse Affaires pour soumettre leur cas. Cette dernière accompagne ses parents dans leurs planifications et décisions financières tout au long de l'année : du retrait de leurs REER aux déclarations d'impôts.

Elle dit : « Ils contrôlent leurs dépenses sur tous les plans : transport, alimentation, activités et loisirs. Évidemment, ils se demandent s'il ne serait pas possible d'augmenter légèrement leur revenu afin, une année, de pouvoir se payer un voyage. »

Jusqu'à présent, le couple avait adopté une stratégie biennale de retrait des REER. Une année sur deux, ils retiraient la somme maximale avant d'atteindre le palier d'imposition d'environ 43 500 $. « L'année suivante, ils ne retiraient rien. Sous les 23 000 $, ils ne payaient pas de RAMQ et très peu d'impôt », détaille-t-elle.

Une approche qui a été touchée par les modifications que Québec a apportées aux mécanismes de fractionnement des revenus. Depuis octobre 2014, la législation fiscale ne permet le fractionnement qu'à partir de 65 ans. Du coup, pour les trois prochaines années, Martine et Jean ne pourront bénéficier du fractionnement.

« Je me demande maintenant s'il ne serait pas mieux de retirer le maximum des REER chaque année pour les mettre en CELI et ainsi pouvoir bénéficier du maximum de Sécurité de la vieillesse et peut-être du supplément de revenu garanti lorsqu'ils auront 65 ans », se questionne Mélanie.

À ces considérations s'ajoute celle d'une vente éventuelle de leur maison, évaluée à 130 000 $. Comment optimiser les revenus de cette vente ? « Mes parents sont en santé et j'ai la certitude qu'ils vivront très longtemps, comme leurs propres parents », dit-elle.

Portrait

REVENUS

MARTINE (62 ANS)

RRQ-5100 $ (425 $/mois)

REER : 48 000 $

JEAN (62 ANS)

RRQ-5880 $ (490 $/mois)

REVENU : 10 000 $ année (non indexé) de la pension du père

REER : 102 000 $

CRI : 45 000 $ (il ne peut sortir que 5 %)

PORTRAIT COUPLE

REER cumulatif : 195 000 $

REVENU ANNUEL (sans retrait de REER) : 20 980 $

REVENU avec retrait : Entre 30 000 et 35 000 $

MAISON : 130 000 $ (évaluation municipale)

Solution : Gérer la sortie des REER

En étudiant le dossier de Martine et Jean, Robert Laniel, fiscaliste chez Services de gestion de patrimoine RBC, en vient à un constat clair : il ne sert à rien de retirer des REER pour les transférer dans un CELI. « En retirant leurs REER, non seulement ils devront payer des impôts, mais surtout, ils vont utiliser leurs droits CELI alors que ce produit pourrait leur être très utile lors de la vente de leur maison », explique-t-il.

Le planificateur propose plutôt une stratégie en deux étapes. Premièrement, il s'agit d'établir une planification pour les trois prochaines années, jusqu'à ce qu'ils aient 65 ans. « À partir de 65 ans, plusieurs aspects changeront : possibilité de fractionnement du revenu et pension du fédéral. Ils pourront réévaluer et mettre en place une nouvelle planification », explique-t-il.

Pour les trois prochaines années, Robert Laniel propose de ne sortir que les REER de Martine. « Son salaire est bas. Elle est celle des deux qui peut sortir ses REER en minimisant son taux d'imposition », dit-il. Avec des revenus annuels de 5100 $ (RRQ), elle peut retirer jusqu'à 6000 $ sans être imposée, selon les tables d'impôt 2014. Ce n'est pas le cas de Jean, dont les revenus dépassent déjà 15 000 $.

À 65 ans, leur situation changera considérablement, souligne Simon Beauchemin, fiscaliste et formateur pour le Centre québécois de formation en fiscalité. Dès lors, ils bénéficieront de la pension fédérale de la Sécurité de la vieillesse, une rente mensuelle qui devrait graviter autour de 550 $. Leur revenu annuel commun passera donc de 21 000 à 34 000 $.

Qui plus est, à partir de 65 ans, cette somme pourra aussi bien être fractionnée au fédéral qu'au provincial. En fractionnant leur revenu, le couple pourra réduire le taux d'imposition des REER que retirera Jean.

Martine et Jean devront alors réévaluer leur situation. Pour l'essentiel, deux choix s'offriront à eux. « Ils pourront vivre avec les revenus provenant de leurs différentes pensions ou retirer des REER pour augmenter leur revenu », dit-il.

Perspective : Planifier la vente de la maison

Nombre de propriétaires vendent leurs maisons une fois à l'âge de la retraite. N'ayant plus d'enfants à la maison, plusieurs décident d'aménager dans une demeure plus petite, qui répond davantage à leur rythme de vie.

Martine et Jean font partie de ceux-ci. Leur fille Mélanie explique : « Mes parents ont une autre question à résoudre dans les prochaines années. Ils sont propriétaires d'une maison évaluée à 130 000 $. Elle est grande et leur demande maintenant trop d'entretien et des réparations sont à prévoir à court terme. » Comment peuvent-ils tirer profit du gain en capital pour solidifier leur retraite ?

Tout d'abord, il est important de saisir que seul le pourcentage alloué à une partie locative est imposable lors de la vente d'une maison, rappelle Simon Beauchemin, fiscaliste et formateur au Centre québécois de formation en fiscalité.

« Pour établir le profit, on ne prend en compte que la partie locative. Dans le cas d'une résidence principale unifamiliale, par exemple, cela n'aura aucun impact sur l'impôt sur le revenu », explique-t-il.

Reste maintenant à établir une stratégie pour bénéficier au maximum de cette vente. Un retraité peut bénéficier des droits REER qu'il n'aurait pas utilisés lorsqu'il travaillait.

Il peut également se tourner vers les CELI. « Les revenus de placement qui seront générés par les CELI ne seront pas imposables », rappelle-t-il. Pour calculer la somme de CELI auquel il a droit, il peut remonter jusqu'à la création de ce produit, en 2009.

« Cela représente 36 500 $ pour quelqu'un qui n'a jamais eu recours à des CELI », indique Simon Beauchemin.

Lorsque la vente d'une maison est effectuée avant 65 ans et transférée dans des CELI, « les gens qui n'ont pas un gros revenu peuvent sortir leur CELI au lieu de leur REER pendant un certain nombre d'années », dit-il.

Contrairement au retrait des REER, celui des CELI n'augmente pas les revenus annuels, rappelle le fiscaliste. Du coup, cette stratégie permet, pour ceux qui ont des moyens limités, de bénéficier du supplément de revenu garanti, une prestation mensuelle non imposable offerte aux prestataires de la Sécurité de la vieillesse qui ont un faible revenu.