Chaque dimanche, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Stéphane Préfontaine, de la firme Préfontaine Capital à Montréal.

Quel a été l'événement le plus significatif des derniers jours en Bourse ?

Je ne considère pas les évènements macro-économiques ponctuels comme étant significatifs dans mes décisions d'investissement puisque notre horizon en Bourse est d'au moins cinq à dix ans et nous n'avons pas une forte pondération en titres très cycliques.

Rien ne s'est passé cette semaine pour me faire changer d'avis.

Les Bourses ont progressé depuis cinq ans en bonne partie à cause des stimuli monétaires des banques centrales, dont les plus récents proviennent du Japon en octobre et cette semaine de la Chine et de l'Europe.

Je crois qu'au niveau actuel des prix en Bourse, les occasions faciles sont rares et les rendements à prévoir sur cinq à dix ans seront probablement inférieurs à leur moyenne historique. Les rendements seront cependant supérieurs à ceux des titres à revenus fixes.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement ?

Mes indicateurs sont toujours les mêmes : mes entreprises ont-elles renforcé leurs avantages concurrentiels ?

L'indicateur le plus pertinent dans mon style d'investissement n'est pas de savoir quelle sera précisément la croissance économique mondiale l'année prochaine, si la Chine ralentira, si le chômage diminuera aux États-Unis ou quand exactement la Réserve fédérale américaine augmentera les taux d'intérêt. Cela n'est pas déterminant.

Ce qui est plus important est de savoir quelles entreprises tireront le mieux leur épingle du jeu quoi qu'il arrive et puis-je les détenir à un prix raisonnable.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir ?

D'octobre 2013 à septembre 2014, j'ai réduit notre pondération en actions d'environ 12 %.

Lors de la correction le mois dernier, je l'ai augmentée d'environ 3 %. J'en suis à réviser nos titres qui sont à des valorisations élevées pour réduire ou vendre.

Par exemple, je prends des profits dans 3M, Abbvie et Medtronic, des entreprises de grande qualité que nous détenons depuis une dizaine d'années et qui me semblent pleinement valorisées.

Je suis aussi en mode recherche de titres de plus petites capitalisations qui ont fortement chuté, qui ont un modèle d'affaires simple et un bilan solide, comme Beacon Roofing Supply et 5N Plus.

Je réfléchis également à deux secteurs qui se sont corrigés, soit le secteur de l'énergie, dans lequel j'ai une position, notamment dans National Oilwell Varco, ainsi que le secteur des gestionnaires de fonds alternatifs, dont j'essaie d'en comprendre les tenants et aboutissants depuis que la réglementation plus sévère des banques leur ouvre des opportunités structurelles. J'analyse des noms comme KKR, Apollo Global et Blackstone, en étudiant le parcours des équipes de direction.

Quel placement évitez-vous à tout prix ?

À part les obligations à long terme dont le rapport rendement/risque est présentement inacceptable, je dirais qu'il faut toujours éviter les mêmes choses : des entreprises trop difficiles à comprendre, des entreprises trop endettées, des entreprises en situation nette de désavantage concurrentiel, des entreprises dont les perspectives sont difficiles à déterminer et des entreprises dont les dirigeants ont une culture défavorable aux actionnaires.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus ?

Le marché sous-estime toujours le long terme parce que les incitatifs de l'industrie et des médias sont en grande partie structurés pour le court terme.

Le plus grand avantage concurrentiel d'un investisseur individuel vis-à-vis du marché est la patience (time arbitrage).

La patience notamment d'attendre son prix, de façon à s'assurer une bonne marge de sécurité. Les investisseurs individuels ont toujours le loisir d'attendre la balle facile avant de s'élancer pour un coup sûr et augmenter leur moyenne au bâton.

Une deuxième chose que les investisseurs sous-estiment est leurs besoins à la retraite. Le problème vient d'une mauvaise conception du risque. Les gens assimilent le risque à la volatilité du marché boursier parce qu'ils voient les choses à court terme.

Or, il n'y a que deux définitions utiles du risque : la première est la probabilité de perte permanente de capital, à ne pas confondre avec une baisse temporaire de prix en bourse.

La deuxième définition du risque est aussi bien tangible : ne pas avoir assez d'argent pour subvenir à ses besoins à la retraite.

Lorsqu'on définit le risque de cette façon, tout change. Sur une période de cinq ans et plus, en présumant une bonne diversification et des entreprises solides, le risque de perte définitive de son capital en Bourse est presque nul, alors que sur une longue période, pour bien des gens, le risque de ne pas avoir assez d'argent en investissant en revenus fixes est très élevé.

La notion de risque doit donc s'adapter en fonction du temps avant le décaissement. Une règle du pouce est qu'un décaissement avant cinq ans nécessite de la stabilité (revenus fixes), alors qu'un décaissement après cinq ans nécessite de la croissance (actions ordinaires).

***

Stéphane Préfontaine est président de Préfontaine Capital. Avant de fonder la firme il y a une dizaine d'années, il a travaillé cinq ans chez Montrusco Bolton. Auparavant, il avait travaillé chez UAP, un distributeur de pièces d'auto qui appartenait à la famille Préfontaine jusqu'à sa vente, en 1998. Stéphane Préfontaine est un investisseur qui favorise le value-investment à la Warren Buffett.