Chaque dimanche, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Hugo Lavallée, du bureau montréalais du géant américain Fidelity.

Quel a été l'événement le plus significatif des derniers jours en Bourse ?

La chose la plus marquante cette semaine a été le début de la saison des résultats du deuxième trimestre. Nos analystes, surtout ceux en Amérique du Nord, seront extrêmement occupés pendant les quatre prochaines semaines à analyser les résultats déclarés par les sociétés, et cela est très important pour moi. Les analystes passent à travers les états financiers et nous mettons à jour nos modèles. Puis, je vois s'il y a des changements à apporter dans mes placements.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement ?

J'observe les multiples et les rendements des flux de trésorerie disponibles et ce que j'ai constaté, c'est qu'il n'y a pas beaucoup de sociétés dont les ratios cours/bénéfices sont bon marché. Il est difficile de trouver un multiple de 12x ou moins pour des sociétés de qualité et les rendements des flux de trésorerie disponibles sont pas mal bas. De nos jours, il est difficile de trouver des rendements de plus de 10 sur les flux de trésorerie disponibles, surtout pour une société qui n'est pas trop cyclique et n'a pas beaucoup de dettes.

Je ne porte pas beaucoup d'attention aux indicateurs économiques. Ils tendent à être très volatils, et je sélectionne les actions d'après la méthode ascendante.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir ?

Les titres de la consommation de base au Canada, précisément les épiciers, sont parmi les moins chers à l'heure actuelle. Les plus grands parmi eux ont de faibles multiples. Metro a toujours été un de nos favoris ; je suis un des actionnaires de longue date. Mais Loblaw et Empire ont aussi des faibles multiples ; ces deux sociétés ont des dettes, car elles ont fait des acquisitions, mais pas trop, tandis que Metro a un bilan sain.

Ces titres sont bon marché parce qu'ils ont souffert de l'accroissement de la concurrence au Canada au cours des 18 derniers mois, notamment de l'offre d'épicerie accrue en raison de sociétés telles que Target et Walmart. Mais au fur et à mesure qu'on avance dans l'année et qu'on entre dans l'année prochaine, on voit que les choses changent ; on observe un ralentissement de l'offre.

Les principaux épiciers sont des entreprises de grande qualité, dont le rendement du capital est supérieur à la moyenne pour les titres canadiens. Ce sont des titres défensifs et des sociétés bien gérées. Ils figurent parmi certains des titres les moins chers au Canada et c'est pourquoi je les favorise.

Quel placement évitez-vous à tout prix ?

J'évite les secteurs qui sont sensibles au taux d'intérêt. Plus spécifiquement, je crois que les pipelines et les services publics ne sont pas intéressants. Les multiples sont très élevés, aux alentours de 20x les bénéfices.

Leur taux de croissance organique n'est pas très élevé. Et ce n'est pas une bonne affaire de payer des multiples élevés pour des titres dont la croissance est faible, parce que vous pouvez obtenir un rendement de dividendes.

Je ne détiens pas d'actions ordinaires de banques non plus. Elles ont un effet de levier assez élevé dans leur modèle d'affaires et je suis toujours inquiet à propos du cycle de crédit des consommateurs canadiens.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus ?

Le marché sous-estime la combinaison, d'après les normes historiques, de multiples relativement élevés et de fortes marges bénéficiaires. On parle de reprise aux États-Unis, mais en fin de compte, on a un marché boursier qui n'est pas bon marché et on a des marges bénéficiaires qui sont très élevées d'après les normes historiques. Alors, quand on combine ces deux facteurs, il y a de quoi être un peu inquiet.

Le marché sous-estime à quel point il est difficile de trouver des titres bon marché. De plus, on dirait que les gens ont tendance à oublier qu'il y a une récession tous les cinq à huit ans.

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Hugo Lavallée est gestionnaire de portefeuille chez Fidelity à Montréal. Il travaille pour Fidelity depuis une douzaine d'années. Avec deux collègues gestionnaires, il supervise à Montréal un actif sous gestion qui s'élève à 18 milliards de dollars. Au Canada, l'actif sous gestion est supérieur à 93 milliards chez Fidelity.