L'outil budgétaire intégré au compte bancaire en ligne peut rendre d'étonnants services. Pourtant, il est méconnu, même chez les spécialistes du conseil budgétaire. Alors que s'amorce une nouvelle année de cotisation au REER, il pourrait peut-être vous aider à partir du bon pied.

Tiens, qu'est-ce que c'est ? Sur l'écran du compte bancaire en ligne, un discret bouton : « Budget ».

On appuie.

Et pop ! apparaît un histogramme des revenus, retraits et dépenses portés sur le compte ou sur la carte de crédit lors du dernier mois.

On modifie la période pour couvrir les 12 derniers mois : c'est le bilan budgétaire de la dernière année qui s'affiche. Les dépenses déjà sont classées par catégories - habitation, alimentation, transport, etc. Le surplus ou le déficit est comptabilisé.

Tout s'est fait automatiquement, en deux clics.

Trois institutions financières proposent un tel outil budgétaire intégré au compte en ligne.

Ils en ont un : 

RBC : maGestionFinancière

BMO : BudgetSensé BMO

Desjardins : Mon budget

Ils n'en ont pas : 

Scotia

Banque Nationale

Banque Laurentienne

TD Canada Trust

CIBC

Le principe

Chez RBC, BMO et Desjardins, le principe de base est sensiblement le même : toutes les transactions sur le compte bancaire, la carte bancaire et la carte de crédit de l'institution sont compilées, catégorisées et comptabilisées. Tout ce travail préliminaire se fait automatiquement. Les résultats sont présentés sous forme de graphiques et de tableaux, souvent fort éloquents. En quelques secondes, vous savez par exemple combien vous avez consommé au cours des 12 mois en essence, en mazout ou en boissons alcoolisées (en dollars, pas en litres).

L'outil oppose les revenus et les dépenses et en extrait un déficit ou un surplus budgétaire.

Tout cela est gratuit. La seule exigence est d'être inscrit aux services bancaires en ligne.

CARNET D'ESSAI 

Un essai de l'outil Mon Budget, de Desjardins

- On appuie sur le démarreur. À la première ouverture de l'outil, un graphique circulaire en pointes de tarte indique déjà comment se répartissent les dépenses du dernier mois, selon les 10 principales catégories prédéfinies : habitation, loisir, alimentation, magasins de détail, transport, etc.

En cliquant sur une d'entre elles, un nouveau graphique apparaît, montrant les sous-sections de cette catégorie. Les dépenses de la catégorie Habitation sont ainsi réparties dans les sous-sections loyer/prêt hypothécaire, électricité/chauffage, entretien et rénovation, mobilier et décoration.

- L'outil nous informe si des transactions n'ont pas pu être catégorisées. Sur les 12 derniers mois, c'est le cas de 32 transactions, notamment tous les remboursements mensuels du prêt-auto, faits chez une autre institution.

Sur la carte de crédit, une seule dépense n'a pas trouvé sa place. Il s'agit d'affecter à ces dépenses la catégorie appropriée.

- Aussi subtile soit-elle, la catégorisation automatique n'est pas parfaite. Un article de sport acheté chez Canadian Tire se retrouve dans la catégorie Habitation, sous-section Entretien et rénovation, parce que cette chaîne est classée comme quincaillerie.

- Chaque mois, il faudra donc réattribuer les dépenses mal placées. L'outil demande si toutes les dépenses faites dans l'établissement concerné devront dorénavant être placées dans cette autre catégorie, et si les transactions passées doivent également être reclassées.

- Pour que les dépenses courantes soient automatiquement placées dans les catégories appropriées, il faut qu'elles aient été portées sur la carte de crédit ou la carte bancaire, ou faites à partir du compte.

- Les chèques personnels et les retraits d'argent comptant sont regroupés dans la vaste et imprécise catégorie Retraits. Il faudra les déplacer une à une dans la catégorie appropriée et, si nécessaire, les subdiviser. Le bilan budgétaire s'ajuste toujours automatiquement.

- L'usager peut créer de nouvelles catégories : mazout, cadeaux, par exemple.

- Certaines attributions sont mystérieuses. Le paiement des taxes scolaires, qui avait pourtant été dûment identifié lors du paiement bancaire en ligne, n'apparaît pas dans la section Habitation. Nous l'avons retrouvé dans la catégorie Épicerie. Une facture trop salée, sans doute.

- Lorsqu'on a profité d'un achat pour demander un retrait en argent comptant, l'outil en fait mention. Il reste à corriger le bilan en conséquence, selon les dépenses faites avec ces billets.

- Les dépenses qui auraient été faites à l'extérieur du cadre de cet outil, avec une carte de crédit de magasin ou à partir d'un autre compte bancaire, peuvent être ajoutées individuellement au bilan.

- Quand on veut constituer un budget avec des objectifs de dépenses, les dépenses comptabilisées durant les 12 derniers mois dans chacune des catégories et sous-sections sont affichées, sur la base d'une moyenne hebdomadaire, mensuelle ou annuelle.

- L'usager peut créer divers projets, auxquels il fixe une date de départ, une échéance, un objectif pécuniaire et une contribution périodique. Un bogue, cependant : lorsqu'on précise une date de début ultérieure plutôt qu'immédiate (1er avril 2014, par exemple), l'outil refuse, en indiquant erronément : « La date de début doit être supérieure à la date du jour. »

Mon budget, de DESJARDINS

L'outil Mon budget a été lancé en juillet 2012 sur le web, suivi d'une version pour téléphone intelligent en décembre 2012. « Il a été conçu à l'interne, ce qui permet d'avoir une approche un peu plus proche de notre clientèle, fait valoir Arnaud Frotier, conseiller en stratégie d'affaires multicanal chez Desjardins. On a été en mesure d'amener notamment tout le volet conseil. »

Mon budget ne permet pas d'intégrer directement les transactions effectuées sur des comptes ou des cartes d'autres institutions.

Par contre, toutes ces dépenses et transactions peuvent être inscrites individuellement et seront comptabilisées au bilan.

Mon budget permet de faire des prévisions budgétaires, d'instaurer des projets et d'en faire le suivi. Il constitue donc à ce titre un véritable outil budgétaire.

maGestionFinancière, de RBC

L'outil maGestionFinancière de RBC a été lancé en 2010.

Tout comme celui de Desjardins, cet outil catégorise et comptabilise revenus, dépenses et transactions. Il permet d'inscrire des opérations manuelles qui n'ont pas été effectuées dans le cadre du compte en ligne.

Outil budgétaire complet, maGestionFinancière permet de faire des prévisions budgétaires et d'en effectuer le suivi, de même que de formuler des objectifs d'épargne.

« Vous pouvez même lier des comptes d'autres institutions financières », assure la vidéo de démonstration de l'outil. Parmi les trois outils, c'est le seul en mesure de le faire.

BudgetSensé, de BMO

L'outil BudgetSensé BMO a été lancé en novembre 2010. Comme les deux autres outils, il comptabilise et catégorise toutes les dépenses et tous les revenus relatifs au compte bancaire en ligne BMO et à la carte de crédit qui y est associée.

BudgetSensé permet de gérer les comptes personnels ou conjoints à son propre nom, mais n'intègre pas les données en provenance de comptes d'autres institutions.

On ne peut non plus y ajouter manuellement les transactions effectuées avec d'autres cartes de crédit ou sur les comptes d'autres institutions. « Cela fait partie des plans futurs, mais nous n'avons rien confirmé pour l'instant », indique la porte-parole Valérie Doucet.

L'outil BMO autorise la création de « budgets », c'est-à-dire de prévisions et de suivis de dépenses par catégories ou projets d'épargne. Des histogrammes permettent d'en suivre les progrès.

L'OPINION DES EXPERTS

C'est peut-être Arnaud Frotier, conseiller en stratégie d'affaires multicanal chez Desjardins, qui fait la meilleure synthèse des avantages de ces outils.

« Qui n'a jamais fait un fichier Excel par acquit de conscience pour suivre son budget, l'a laissé de côté après deux mois, puis l'a repris six mois plus tard ? Mais il était trop tard parce qu'il fallait presque repartir de zéro. L'avantage de ces outils de gestion budgétaire, et pas seulement celui de Desjardins, c'est qu'ils permettent cette facilité de suivi. Si j'ai besoin de suivre mon budget aujourd'hui parce qu'un nouvel événement survient dans ma vie, et que je ne m'en sers de nouveau que dans six mois, j'aurai quand même une information pertinente sans avoir besoin de tout reprendre. »

Comparaison

Certains logiciels comptables plus ou moins sophistiqués permettent eux aussi d'importer les données des comptes bancaires ou de cartes de crédit. La planificatrice financière Nathalie Bachand, qui utilise le logiciel comptable Quicken depuis quelques années, a testé l'outil maGestionFinancière de RBC. « Quicken est beaucoup plus flexible, mais il est beaucoup plus complexe », observe-t-elle.

Le logiciel bien connu ne catégorise pas automatiquement les transactions - l'un des principaux avantages des outils intégrés au compte.

« J'avais utilisé Quicken à la maison, il y a quelques années, et au bout de six mois, on avait abandonné : c'est long ! », confirme Hélène Boileau, planificatrice financière chez BMO Banque de Montréal. Pour les besoins de notre conversation, elle s'est replongée dans BudgetSensé, l'outil de BMO. « En refaisant l'exercice avec le BudgetSensé, c'est beaucoup plus facile. On clique sur ses comptes - comptes chèques et d'épargne et carte de crédit - et toutes les transactions de débit sont classifiées. Pour avoir un portrait global d'où va mon argent, c'est très rapide. Il ne reste plus qu'à reclasser. »

En effet, le jugement électronique de ces outils n'est pas infaillible et certaines transactions devront être replacées dans la bonne catégorie. « J'avais acheté des vêtements pour ma fille au magasin Garage, et l'outil budgétaire a catégorisé la dépense dans Voiture », lance Nathalie Bachand en rigolant.

Opinion d'experte

À la suite de notre appel, Lisanne Blanchette, avocate et conseillère budgétaire chez Option consommateurs, s'est intéressée à l'outil de Desjardins, tandis que deux collègues se penchaient sur les outils des deux concurrents.

Verdict ?

« On ne pouvait pas en peu de temps tout regarder, mais de façon générale, nous trouvons que ce sont des outils pratiques, observe Mme Blanchette. On n'a pas de critiques négatives. »

Les présentations visuelles sont à la fois éloquentes et stimulantes. « Ce qui est intéressant, c'est le petit graphique qui nous montre le pourcentage de dépenses dans chaque sphère : l'habitation, les dépenses d'alimentation, les dépenses en boutique », souligne la conseillère. « C'est un bon point de départ pour prendre conscience de ses dépenses, mais ça ne remplacera jamais un conseil budgétaire donné par un conseiller. »

Confidentialité ?

Lisanne Blanchette ne manifeste pas d'inquiétude à l'égard de la confidentialité des données. « L'information recueillie ou utilisée, que j'appellerais transactionnelle, est déjà de l'information à laquelle les institutions financières ont accès, soutient l'avocate. Ça ne va donc pas dans le sens d'une violation de la vie privée. »

« J'ai regardé la politique de confidentialité et ce ne sont pas des renseignements qui vont être transmis à l'extérieur ou vendus pour le marketing, ajoute-t-elle. À cet égard, ce n'est pas inquiétant. »

Une autre spécialiste

Sonia St-Pierre, coordonnatrice de l'ACEF du Grand-Portage, à Rivière-du-Loup, a conçu le budget en ligne offert gratuitement par son organisme.

« C'est déjà un pas dans la bonne direction d'offrir aux gens cette possibilité », indique-t-elle à propos de ces outils budgétaires. Elle rappelle toutefois l'intérêt pédagogique de prendre note de ses dépenses sur une base régulière. « Ce genre d'outil, c'est justement pour ceux qui ne veulent pas se donner la peine de faire un budget, soutient-elle. Mais encore faut-il que les gens ne fassent pas de transactions en dehors de l'institution. »

À moins de ne détenir qu'un seul compte conjoint - ce que déconseillent les planificateurs financiers -, on ne peut pas intégrer automatiquement les comptes personnels des deux conjoints sur le même calculateur. Pour faire un budget familial, il faudra inscrire les données du conjoint manuellement.

Une exception : maGestionFinancière de RBC permet d'importer les données d'un autre compte, qu'il soit de RBC ou d'une autre institution.

Autre particularité : la précision de la catégorisation automatique des dépenses est directement proportionnelle à l'utilisation des cartes de débit et de crédit. « Ça peut être très utile pour quelqu'un qui n'a qu'un seul compte et qui fait toutes ses transactions par cartes bancaires », souligne Mme St-Pierre.

Une invitation à délaisser le paiement comptant pour le crédit ?

« Le but n'est pas d'inciter le membre à utiliser davantage sa carte, mais c'est sûr que ça vient faciliter le travail », répond Arnaud Frotier.

Chose certaine, il ne vous coûtera rien d'y jeter au moins un coup d'oeil. Vos dépenses vous réservent peut-être des surprises.

L'OUTIL MÉCONNU

Aussi utiles soient-ils pour dresser un portrait rapide de sa situation financière, bâtir un budget ou planifier son épargne REER, les outils budgétaires intégrés au compte bancaire ne sont pas nouveaux, direz-vous.

Pourtant, peu de gens les connaissent, moins nombreux encore sont ceux qui les utilisent.

Desjardins, l'institution qui compte le plus de comptes personnels au Québec, a lancé son outil Mon budget en 2012. « Autour de 30 % des utilisateurs d'AccèsD Internet l'ont visité ou découvert, sans l'utiliser fréquemment, indique Arnaud Frotier, conseiller en stratégie d'affaires multicanal chez Desjardins. Les utilisateurs réguliers, qui utilisent l'outil chaque mois, sont autour de 4 à 5 %. »

Même les spécialistes du conseil budgétaire s'y sont peu intéressés.

Un appel a été lancé à l'Union des consommateurs, qui regroupe une dizaine d'Associations coopératives d'économie familiale (ACEF). « Je n'ai pas vu tellement de gens, dans notre clientèle ou autour de moi, qui ont utilisé ces outils », a répondu Sonia St-Pierre, coordonnatrice de l'ACEF du Grand-Portage, à Rivière-du-Loup.

Pour les besoins de son entretien avec La Presse, Lisanne Blanchette, avocate et conseillère budgétaire chez Option consommateurs, a jeté un coup d'oeil sur l'outil de Desjardins. « Je n'avais jamais réalisé qu'avec AccèsD, on avait accès à ça ! », a-t-elle confié.

Option consommateurs n'avait jamais fait l'analyse de ces outils. « Pourquoi ? Je n'ai pas de réponse, dit-elle. Mais on n'a pas eu de plainte. On fonctionne beaucoup par plainte. »

L'entretien avec La Presse a incité la planificatrice financière Hélène Boileau, de BMO, à tester à nouveau l'outil de son institution. « Sur tous les clients à qui j'en ai déjà parlé, peut-être un sur dix est allé voir le BudgetSensé, indique-t-elle. Y jeter un coup d'oeil en fin de semaine m'a donné l'idée de faire l'exercice devant eux. Leur curiosité va peut-être être suffisamment piquée pour qu'ils aillent l'essayer. Je vais redoubler d'ardeur et recommencer à en parler, parce que c'est tellement simple ! »

Pourquoi si peu de gens utilisent-ils ce genre d'outil ? « Les gens font l'autruche, répond la planificatrice. J'ai réalisé avec le temps que lorsqu'on veut aider quelqu'un et qu'il ne veut pas faire d'efforts, il refuse de voir où les dépenses passent. Ça lui fait peur. «Ma femme va savoir que je dépense pour 300 $ de vin par mois !» - j'ai eu des commentaires comme celui-là. »

Pourtant, pour sortir la tête de l'eau, il faut d'abord l'extraire du sable.

D'AUTRES OUTILS GRATUITS

Votre institution n'offre pas d'outil budgétaire associé au compte en ligne ? Ou vous préférez ne pas mêler votre banque à votre budget ?

« On tient à dire aux gens qui auraient des craintes qu'il existe des outils neutres, qui ne sont pas proposés par des institutions financières, comme sur notre site, sur celui du site de l'ACFC ou sur celui de l'ACEF du Grand-Portage », avise Lisanne Blanchette, d'Option consommateurs.

Coup d'oeil.

La calculatrice budgétaire de l'ACFC

L'Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) propose sur son site une calculatrice budgétaire bien conçue. Elle peut être testée en ligne, mais nous vous recommandons de la télécharger gratuitement sous forme de fichier Excel.

Malheureusement, il faudra la « trifouiller » pour la transformer en véritable grille budgétaire annuelle sur laquelle porter les dépenses réelles et les comparer avec les prévisions.

https://www.fcac-acfc.gc.ca/Fra/ressources/outilsCalculatrices/Pages/BudgetCa-Calculat.aspx

Le bilan d'Option consommateurs

Option consommateurs propose un bilan budgétaire téléchargeable. Mais lui non plus ne constitue pas une grille budgétaire annuelle. « C'est un modèle de grille que nous suggérons aux gens de remplir avant de venir nous voir, un premier bilan financier si l'on veut, décrit Lisanne Blanchette. Nous suggérons ensuite aux consommateurs d'utiliser un guide comme celui publié par Protégez-vous (Finances personnelles) ou une rencontre individuelle pour mieux planifier les dépenses au jour le jour. »

https://www.option-consommateurs.org/vos_outils/grille_budgetaire/

Le petit outil du Grand-Portage

L'outil mis au point par l'ACEF du Grand-Portage est pour sa part une véritable grille budgétaire.

« C'et un outil très complet, assure sa créatrice, la coordonnatrice Sonia St-Pierre. On peut faire la prévision budgétaire et la réalité budgétaire, et inclure les mouvements de liquidités. »

Cet outil est uniquement accessible en ligne, avec un code d'identification.

« C'est un budget qui est sécurisé, qui peut se faire partout, fait valoir Mme St-Pierre. Un des avantages, c'est que les données s'archivent. Vous pouvez faire le comparatif de vos dépenses d'une année à l'autre. »

https://www.acefgp.ca/inscription.php

La grille de La Presse

Rappelons qu'on trouve toujours la grille budgétaire de La Presse sur lapresse.ca.

https://affaires.lapresse.ca/finances-personnelles/