Francis veut éviter la prime d'assurance prêt hypothécaire en versant une mise de fonds de 20 % et il cherche à réunir tous les moyens pour y parvenir. C'est pourquoi il évoque la possibilité de retirer son fonds de retraite chez son employeur pour le déposer dans son REER personnel, afin d'utiliser ensuite le Régime d'accession à la propriété (RAP).

LE PROBLÈME

Francis est prêt à tout pour réunir une mise de fonds substantielle pour l'achat de sa première maison, y compris puiser dans son régime de retraite.

« En principe, je veux attendre d'avoir 20 % en mise de fonds pour éviter de prendre une assurance prêt hypothécaire », explique-t-il.

Il espère trouver une propriété unifamiliale de 180 000 à 200 000 $, un objectif réaliste dans sa région, assure-t-il.

Le jeune homme de 24 ans fait preuve d'une rare discipline. Il n'a aucune dette, pas même pour sa voiture, achetée d'occasion.

Il détient 3200 $ en REER et environ 12 000 $ en CELI, qu'il remplume de 500 $ toutes les deux semaines.

Francis est employé d'une petite municipalité en périphérie de Montréal, pour un salaire de 48 000 $ par année.

« Notre fonds de pension est constitué de fonds communs de placement dirigés par une institution financière, poursuit-il. Je me demandais si ces fonds de placement, qui sont sous forme de REER ou l'équivalent, je crois, pouvaient être retirés pour faire un RAP pour l'achat d'une première maison si je quitte mon emploi.

« J'ai appelé à la banque, et on m'a indiqué [avec beaucoup d'hésitation et d'imprécisions] que les fonds peuvent être retirés seulement lorsque ceux-ci ne dépassent pas 10 000 et quelques dollars, indique-t-il. Pour ce qui est de mon régime de retraite simplifié avec mon employeur, j'ai 10 025 $. »

De toute évidence, cette question de mise de fonds doit être mise au clair.



LE PORTRAIT


Francis

Âge : 24 ans

Célibataire

Revenus : 48 000 $

Régime de retraite d'employeur : 10 025 $

REER : 3200 $

CELI : 15 000 $

Droits de cotisation REER inutilisés : 18 813 $

Aucune dette

Projet : achat d'une première maison de 180 000 à 200 000 $

Objectif : mise de fonds de 20 %

LA SOLUTION

LE FONDS ET LA FORME : Comment accumuler une mise de fonds en douceur et sans douleur ?

Pour éviter l'assurance prêt hypothécaire, Francis souhaite verser une mise de fonds de 20 %, soit 40 000 $ sur une propriété de 200 000 $.

Il détient déjà 3200 $ en REER et 12 000 $ en CELI. Reste à trouver la bagatelle de 25 000 $, plus une réserve pour les frais afférents. Il réalise présentement une épargne de 500 $ toutes les deux semaines. À ce rythme, il lui faudrait plus de deux ans pour accumuler la somme nécessaire.

Malgré les réticences de Francis, Maryse Filion, directrice régionale principale, planification financière, Est du Québec, chez Gestion de patrimoine TD, pose donc une autre hypothèse : celle d'une mise de fonds de 10 % et d'un prêt de 180 000 $.

Cette avenue entraîne toutefois une prime d'assurance prêt hypothécaire de 2 %, ce qui porte la créance totale à 183 600 $. Sur la base d'un amortissement de 25 ans et d'un taux d'intérêt de 3,49 %, la mensualité s'établirait alors à 915 $, comprenant les impôts fonciers et une assurance vie et invalidité.

Pour verser la mise de fonds, Francis pourrait bien sûr utiliser directement les 12 000 $ détenus dans son CELI. Mais il serait plus avantageux de les faire d'abord transiter dans son REER.

Voici le programme que suggère la planificatrice.

Francis poursuivra son épargne quinzomadaire (je viens de découvrir le mot ! ) de 500 $.

En date du 1er février 2014, il aura ainsi ajouté quelque 7500 $ à son CELI, qui en contiendra alors environ 19 500 $. Ce sera le moment d'en extraire 18 000 $ pour faire une cotisation à son REER.

« Je mets toujours l'échéance au 1er février, explique Maryse Filion. Je ne me rends jamais au 1er mars [échéance de la cotisation au REER pour l'année fiscale précédente]. Je leur donne toujours un mois de jeu. Car pour pouvoir faire un RAP, l'argent doit avoir été détenu dans le REER pour un minimum de 90 jours. »

En supposant un taux marginal de 38,4 %, la cotisation REER de 18 000 $ procurera un remboursement d'impôt de 6912 $.

« Cette somme servira de coussin financier pour les imprévus et aidera à payer les nombreuses dépenses liées à l'acquisition d'une première propriété : meubles, électroménagers et autres », indique Mme Filion.

Passé le délai de 90 jours, donc dès le 1er mai, Francis, mettant le RAP à profit, pourra retirer 20 000 $ de son REER pour les appliquer en mise de fonds à l'achat d'une propriété de 200 000 $.

Son CELI, auquel il aura entre-temps continué de contribuer, contiendra alors environ 4500 $.

Cette réserve servira notamment à couvrir les frais afférents à l'achat d'une propriété : inspection de la propriété, frais de notaire, droits de mutation... La Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) exige en effet des liquidités correspondant à 1,5 % du prix de la propriété, soit 3000 $ pour une maison de 200 000 $.

Évidemment, le retrait RAP devra être remboursé au REER dès l'année suivante, à raison de 1/15 du retrait, chaque année pendant 15 ans. Pour un RAP de 20 000 $, il s'agit d'un remboursement annuel de 1333 $, ou 111 $ par mois.

« Autrement, Francis n'aurait pas d'autres sous pour payer la taxe de bienvenue ni pour déménager, observe Maryse Filion. Le Régime d'accession à la propriété lui permet de faire un grand bout de chemin pour se procurer une maison dès l'année prochaine, à l'âge de 25 ans. »



PERSPECTIVE : TIRER LE MAXIMUM (ET MÊME PLUS) DE SON RÉGIME DE RETRAITE ?

Mais est-ce permis ?

Dans ses communications, Francis décrit son régime de retraite de façon contradictoire (il n'a pas obtenu de renseignements très clairs de son employeur).

Voilà qui donne l'occasion à Maryse Filion, directrice régionale principale, planification financière, Est du Québec, chez Gestion de patrimoine TD, d'explorer les diverses formules. Notons qu'il ne s'agit pas de l'institution financière qui gère le fonds de retraite de l'employeur de Francis.

REER collectif

De la première communication de Francis, on pourrait croire que le régime de retraite de son employeur est un REER collectif.

Regroupement de REER individuels, « le REER collectif est traité exactement de la même manière qu'un REER personnel », explique Maryse Filion. Si Francis détient un REER collectif et que les règles de son employeur le permettent, il pourrait donc faire un retrait en vertu du Régime d'accession à la propriété de la même manière qu'il le ferait de son propre REER.

Il aurait ainsi accès à l'ensemble des fonds détenus à son nom dans le régime collectif, y compris aux cotisations que son employeur y verse, pourvu qu'elles lui sont acquises.

Régime de retraite 

Mais est-ce bien un régime collectif ? D'autres éléments de ses commentaires indiquent qu'il s'agit plutôt d'un régime de retraite conventionnel. Si c'est le cas, il n'est pas possible d'en retirer des fonds pour les verser dans un REER personnel. Une (petite) porte s'ouvre cependant si Francis quitte son emploi.

Maryse Filion énonce la règle. L'employé qui quitte ou perd son emploi peut transférer la valeur de son régime de retraite dans un compte de retraite immobilisé (CRI). Ce compte enregistré est semblable à un REER, à la principale différence qu'il est immobilisé : parce qu'il est voué exclusivement à la retraite, on ne peut pas y faire de retraits, sauf en cas de circonstances particulières. Pas de RAP dans un CRI, donc.

Toutefois, ajoute Mme Filion, « si j'ai un fonds de pension de juridiction provinciale au Québec et que je quitte mon employeur, je peux transférer dans mon REER personnel un petit montant ».

Ce montant correspond à 20 % du maximum des gains admissibles (MGA) à la Régie des rentes du Québec. Le MGA, en 2013, est fixé à 51 100 $, ce qui autorise un transfert maximal de 10 220 $ vers son REER personnel. Après un repos de 90 jours dans le REER, la somme sera disponible pour un RAP.

Régime de retraite simplifié

Ailleurs, Francis fait mention d'un régime de retraite simplifié.

« C'est un autre type de fonds de pension, plutôt rare dans le marché, décrit Maryse Filion. Selon les règles instituées par l'employeur, Francis ne pourrait pas toucher la part contribuée par l'employeur, mais pourrait peut-être avoir accès à la portion de l'employé. »

Si le compte n'est pas immobilisé, Francis pourrait alors transférer un montant du régime de retraite simplifié à son REER personnel, d'où il pourrait être utilisé pour un RAP.

« Dans tous les cas, il faut vérifier auprès de l'employeur si ça nous pénalise, avise toutefois Maryse Filion. Dans certains cas, en allant chercher la part de l'employé, on pourrait perdre la part de l'employeur. »

Car le projet d'accession à la propriété doit se conjuguer, et non s'opposer, à la planification de la retraite. « Il faut mener en parallèle les deux projets financiers et voir si on est capable d'accéder à la propriété avec les outils qu'on possède sans toutefois contrecarrer son plan de retraite. »