Un rendement de 4% au lieu de 6% peut creuser un «trou» de 46% dans votre régime de retraite.

Le déficit des régimes de retraite fait les manchettes. Les gouvernements et les entreprises doivent faire d'imposantes contributions excédentaires pour être capables de verser les rentes promises à leurs employés.

Les travailleurs qui n'ont pas de régime de retraite ont exactement le même problème. Mais ils ne voient pas le «déficit» qui se cache dans leur Régime enregistré d'épargne-retraite (REER).

Ce déficit est pourtant colossal, comme le fait ressortir une simulation réalisée par Nathalie Bachand, actuaire et planificatrice financière chez Bachand Lafleur Groupe conseil.

Elle a utilisé l'exemple fictif de Marie-Ève, 40 ans, qui gagne un salaire de 80 000$. La travailleuse n'a aucun régime de retraite avec son employeur. Mais elle est très disciplinée. Dès son entrée sur le marché du travail, à 25 ans, elle a dressé son plan de retraite.

À l'époque, on lui avait dit qu'elle devrait épargner 11,5% de son salaire, chaque année, pour avoir une belle retraite. Depuis 15 ans, elle a fait systématiquement ses cotisations REER. Cette année, par exemple, elle a investi 9200$ (sans compter le remboursement d'impôt).

Ainsi, Marie-Ève s'attend avoir assez d'argent pour vivre avec l'équivalent de 70% de son revenu d'emploi, à l'âge de 65 ans, en incluant la Régie des rentes du Québec (RRQ) et la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV). Bien suffisant pour maintenir son train de vie à la retraite.

Les calculs tenaient compte d'une augmentation de salaire de 3,25% par an, d'un taux d'inflation de 2,25%, d'un épuisement de son capital à 90 ans... et d'un rendement annuel composé de 6%.

En suivant ce scénario, Marie-Ève aurait dû accumuler 173 000$ à 40 ans et 1,5 million à 65 ans. Sauf que les rendements n'ont pas été au rendez-vous. Son portefeuille a progressé de seulement 4% par année depuis 15 ans, au lieu de 6%. Conséquence: Marie-Ève a accumulé seulement 148 000$ à ce jour.

«Il y a donc déjà un manque à gagner de 25 000$», pointe Mme Bachand. Mais c'est loin d'être le pire...

«Si on suppose que Marie-Ève ne pourra obtenir qu'un rendement à long terme de 4% dans le futur, ce n'est plus 1,5 million qu'elle doit accumuler, mais 1,8 million», dit Mme Bachand. Marie-Ève doit donc accumuler 300 000$ de plus qu'elle pensait. Autrement, elle épuiserait son capital trop vite à la retraite, à cause des rendements plus faibles que prévu.

Cela fait des gros sous! Mais on parle de dollars de 2037. En date d'aujourd'hui, Marie-Ève devrait avoir accumulé 275 000$ pour sa retraite. Donc, avec 148 000$ dans ses REER actuels, elle est en retard de 127 000$. Dans le langage des caisses de retraite, on dirait que son REER est en déficit de 46%. Un trou énorme.

Pour résorber ce «déficit», Marie-Ève devra hausser ses cotisations à 28%. Une vraie gifle pour Marie-Ève qui avait pourtant fait tout ce qu'il faut. «D'où l'importance de réviser les planifications financières régulièrement, sans compter tous les autres aléas de la vie qui viennent modifier le tout», conclut Mme Bachand.

En effet, si Marie-Ève avait su dès le départ qu'elle n'aurait que 4% de rendement, elle aurait dû cotiser environ 21% au lieu de 11,5% de son salaire durant toute sa carrière, note Mme Bachand. C'est quand même tout un effort!