Dès janvier, les deux millions de Québécois qui n'ont pas de régime de retraite avec leur employeur pourront cotiser au RVER: le régime volontaire d'épargne retraite. Même s'il s'agit d'un pas dans la bonne direction, le RVER soulève bien des critiques...

L'an dernier, Claude Castonguay avait sonné l'alarme. La moitié des quatre millions de travailleurs québécois n'ont accès à aucun régime de retraite avec leur employeur. Un grand nombre n'épargnent pas assez et risquent de frapper un mur à la retraite.

Un an plus tard, il se réjouit seulement à moitié de la création du régime volontaire d'épargne retraite (RVER) qui sera disponible dès le 1er janvier prochain, tel qu'annoncé dans le budget mardi dernier.

«C'est une bonne initiative, dit l'actuaire. Au moins on s'engage dans un régime d'épargne automatique.»

Mais il s'étonne que Québec ait remis l'administration des RVER au privé. «L'ouverture des comptes aurait pu facilement être confiée à la Régie des rentes du Québec et au ministère du Revenu, à des frais très bas, car ils ont déjà toute la mécanique en place», dit-il.

«Les fonds auraient pu être confiés aux gestionnaires les plus performants, un peu comme le fait le Régime de pension du Canada qui obtient des rendements plus élevés que la Caisse de dépôt», ajoute M. Castonguay. Une telle méthode aurait d'ailleurs permis de confier les épargnes des Québécois à des sociétés de gestion du Québec.

Simplicité? Volontaire?

Québec souhaite que le RVER soit une solution simple, accessible et peu coûteuse. «Mais en terme de simplicité on aura déjà vu mieux!» lance Thierry Chamberland, associé chez Aon Hewitt. Il aurait souhaité que le RVER ressemble davantage à son jumeau, le régime de pension collectif agréé (RPAC) mis de l'avant par Ottawa.

«Ça nous agace profondément, parce que ça fait plusieurs années que nous poussons pour une certaine harmonisation des régimes de retraite», dit-il. Plus les règles sont complexes, plus le fardeau administratif est lourd... et plus les frais de gestion risquent d'être élevés.

Mais les institutions financières ne s'inquiètent pas trop. «Nous avons déjà des systèmes en place pour gérer tout ce qui s'appelle régime de retraite: REER, CRI, etc. Pour nous, le RVER n'est un membre de plus qui s'ajoute dans la grande famille», assure Lucie Lachance, directrice principale à l'Industrielle Alliance.

Les entreprises ont aussi accueilli favorablement le RVER. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) craignait que le RVER devienne un fardeau administratif «cauchemardesque» pour les PME avec un taux de roulement du personnel élevé.

Mais Québec a coupé la poire en deux, obligeant seulement les entreprises de cinq employés et plus à offrir RVER, tandis que le RPAC reste complètement volontaire.

«Québec va plus loin. Cela aura plus d'impact», estime Alexandre Laurin, directeur adjoint de la recherche à l'Institut C.D. Howe qui juge qu'un régime volontaire comme le RPAC ne résoudra pas le problème.

4%, c'est peu!

Mais M. Laurin s'étonne du niveau de cotisation proposé par Québec. Par défaut, les employés verseront 4% de leur salaire annuel dans le RVER.

Or, un salarié qui gagne environ 35 000$ par année doit épargner 7% de son salaire, durant 35 ans, pour obtenir l'équivalent de 60% de ses revenus d'emploi en prenant sa retraite à 65 ans, selon une étude de C.D. Howe préparée par David Dodge, ancien patron de la Banque du Canada. Le taux d'épargne grimpe à 10% pour un salarié qui gagne environ 50 000$, à 14% pour 95 000$ et à 17% pour 150 000$.

Et encore faut-il que les épargnants attendent la retraite pour piger dans leurs économies, ce qui n'est pas garanti avec le RVER qui permettra aux travailleurs de ressortir leurs cotisations avant la retraite.

«C'est presque aller à l'encontre de l'épargne automatique! La preuve est faite que les gens ne gardent pas leurs épargnes jusqu'à la retraite dans le REER», critique M. Castonguay.

Problème fiscal

Par ailleurs, la cotisation par défaut de 4% pour les salariés qui gagnent moins de 25 000$ peut devenir désavantageuse sur le plan fiscal.

Il faut savoir que le tiers des Canadiens qui reçoivent la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) à 65 ans, ont droit au Supplément de revenu garanti (SRG) qui est versé aux retraités dont les revenus sont inférieurs à environ 16 000$ sans compter la PSV.

«Lorsqu'un retraité retire des épargnes qui se trouvent dans un véhicule à impôt différé (REER, RVER, etc.), il perd énormément du SRG. Pour les travailleurs à faibles revenus, il est beaucoup plus avantageux d'épargner dans le CELI que dans le REER ou le RVER», explique M. Laurin.

«Au lieu de donner des déductions d'impôt qui favorisent les travailleurs à revenus plus élevés, on aurait dû donner des crédits d'impôt qui sont beaucoup plus neutres», dit M. Castonguay. Selon lui, le RVER aurait ainsi été plus orienté vers l'encouragement de l'épargne pour les travailleurs à plus faibles revenus, qui sont justement ceux que Québec vise.