Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Norman Raschkowan, de Mackenzie.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Sans doute, l'événement le plus important a été l'offensive des banques centrales à travers le monde qui ont réduit de 50 points de base (0,5%) le taux permettant d'emprunter en devise américaine.

Pour moi, c'était la première démonstration d'une action coordonnée des banques centrales à travers le monde. Ç'a été un élément clé dans la résolution de la crise financière en 2008-09. Cette fois-ci encore, je pense qu'il faudra non seulement l'intervention de la Banque centrale européenne, mais aussi des autres grandes banques centrales du monde pour ramener la confiance des investisseurs face aux banques européennes.

C'était une première étape pour calmer les marchés. Mais il faudra encore d'autres initiatives. Les gouvernements devront rehausser la capitalisation des principales banques européennes, comme on l'a vu en 2008-09 alors que le gouvernement américain a dû acheter des actions privilégiées des banques.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Il y a trois éléments importants. Premièrement, les taux d'intérêt sur les obligations italiennes et françaises, car l'Italie est le pays européen qui a les plus lourdes dettes, et la France est le deuxième pays le plus puissant de l'Union européenne. Pour qu'on arrive à une solution, il est important que les investisseurs restent confiants vis-à-vis du système financier français. Cette semaine, la France a réussi à vendre des milliards d'obligations 10 ans à un taux raisonnable. C'est très positif.

Deuxièmement, je surveille l'indicateur avancé. Historiquement, il n'y a pas de récession aux États-Unis si cet indicateur ne tombe pas en zone négative, année sur année. Aujourd'hui, la croissance est à 6,6%. Je veux m'assurer que cela demeure positif pour confirmer ma prévision que les États-Unis n'auront pas de récession l'an prochain.

Troisièmement, je regarde l'indice des directeurs d'achats qui est présentement à 46,4, ce qui indique un ralentissement important du secteur manufacturier en Europe. Il y a des risques élevés que l'Europe tombe en récession l'an prochain. C'est ce que je prévois. Reste à savoir quelle sera l'ampleur et la durée de cette récession...

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Sur un horizon de placement de plus de cinq ans, je pense que les actions sont intéressantes. J'investirais 6000$ dans un fonds d'actions mondiales qui se concentre sur les sociétés de grande capitalisation qui versent de bons dividendes. Leur évaluation boursière est attrayante, et elles pourront tirer leur épingle du jeu dans un environnement de croissance économique mondiale modéré. Des exemples: Dow Chemical, General Electric, Siemens, Pfizer et Merck.

Je mettrais 4000$ dans un fonds d'obligations de société. En ce moment, c'est vraiment intéressant car l'écart est très large entre les taux d'intérêt des obligations de société et les taux des obligations gouvernementales. Les sociétés de grande qualité versent 2% de plus, et celles de moyenne qualité (BB ou BBB) versent 7% de plus. Des exemples: Garda World, NewAlta, Vidéotron, Baytex Energy, Domtar et certaines fiducies immobilières.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Avec une perspective de cinq ans, les obligations gouvernementales ne sont pas intéressantes parce qu'elles offrent un rendement inférieur au taux d'inflation. Elles offrent une protection du capital, mais ne permettent pas de protéger votre pouvoir d'achat. Pour ceux qui restent mal à l'aise face aux marchés financiers, il faut mieux garder son argent en encaisse plutôt que d'acheter des obligations.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Les investisseurs ne voient pas le risque d'inflation à long terme. Aussi, ils ne voient pas le risque que les pays émergents ralentissent. Les banques européennes offraient beaucoup de financement aux pays émergents de l'Europe de l'Est, de l'Amérique du Sud et de l'Asie. Elles vont reculer de ces marchés, et le manque de crédit aura un impact non seulement en Europe, mais aussi dans les pays émergents.

Norman Raschkowan est vice-président exécutif à la Financière Mackenzie. Le stratège supervise la gestion de 7 milliards d'actifs, incluant 4 milliards dans la famille de fonds Maxxum, dont il est chef des placements. Avant de se joindre à Mackenzie en 2007, M. Raschkowan a oeuvré 27 ans chez Investissements Standard Life à Montréal.