Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Marc Christopher Lavoie, d'Hexavest...

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

La publication des chiffres du produit intérieur brut (PIB) pour le quatrième trimestre de 2010 qui se sont avérés plus faibles que prévu pour la zone euro, l'Allemagne, la France et l'Italie. Même si plusieurs intervenants blâment la mauvaise température de décembre, les données sont quand même moins fortes que les attentes. La reprise économique sera plus difficile en Europe en raison des mesures d'austérité mises sur pied par plusieurs pays pour réduire la taille de leurs déficits. Le commerce intra-européen étant très important, tous les pays souffrent de l'impact de ces mesures sur la consommation.

Que surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Nous surveillons beaucoup la rotation qu'on observe depuis le début de 2011. Les investisseurs réduisent leur exposition aux actions des pays émergents et reviennent vers celles des pays développés. Ils se rendent compte qu'investir dans les pays émergents comporte des risques à dimension non financière comme des soulèvements populaires et des changements de régime politique. En même temps, l'inflation alimentaire a aussi un fort impact sur les consommateurs de ces pays.

En même temps, nous surveillons la capacité des gouvernements et des banques à financer leurs déficits sur les marchés obligataires. Depuis le début de l'année, la Banque centrale européenne (BCE) a acheté beaucoup d'obligations souveraines pour faciliter les émissions obligataires de certains pays. Il reste à voir si l'Espagne et le Portugal réussiront à financer leurs opérations sur le marché au cours des prochains mois.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Depuis le creux de mars 2009, les marchés boursiers dans le monde se sont appréciés de près de 100%. Les investisseurs n'ont jamais été aussi positifs qu'en ce moment envers les marchés boursiers. Une telle situation peut entraîner de la complaisance de la part des investisseurs. C'est souvent à ce moment que le marché démontre des signes de faiblesse.

Dans ce contexte, sans éviter totalement le marché boursier, nous privilégions des secteurs plus défensifs (pharmaceutique, consommation de base, télécommunications) qui n'ont pas bénéficié autant de l'embellie des derniers mois. En Europe, des titres comme Nestlé (NSRGY), Vodafone (VOD) et Sanofi-Aventis (SNY) s'échangent à de bas multiples, ont de bonnes perspectives de croissance et sont moins sensibles à un ralentissement économique.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Le prix des matières premières vient de connaître une progression exponentielle. Le cuivre a récemment touché un sommet historique. Pour beaucoup de ces matières premières (minerai de fer, acier, cuivre, aluminium, nickel, zinc), la Chine représente plus de 40% de la demande mondiale, une situation insoutenable. Cette forte demande est causée par l'immense programme de stimuli budgétaire mis en place par les autorités chinoises pendant la crise en 2008-2009. À notre avis, la spéculation des investisseurs et un excès de liquidités ont gonflé artificiellement le prix des matières premières et les actions des sociétés minières. Nous évitons les titres de l'industrie des métaux et minerais.

Qu'est-ce que les investisseurs sous-estiment le plus en ce moment?

Nous trouvons que les investisseurs sous-estiment la fragilité de la reprise économique qui a été surtout tributaire du cycle de reconstruction des stocks et de mesures gouvernementales exceptionnelles. Mais ce cycle tire à sa fin, car le niveau des stocks est maintenant aligné avec celui des commandes.

Sur le front de la dette souveraine en Europe, les autorités européennes sont étonnamment silencieuses depuis le début de 2011. Les pays européens font face à un problème de solvabilité, et non de liquidité. Jusqu'à maintenant, les mesures mises en place leur assurent des liquidités pour faire face à leurs engagements à court terme. Par contre, le Portugal ne peut pas payer 7% d'intérêts sur des prêts quand sa croissance économique potentielle est inférieure à 1%. Il faut que les pays européens remboursent leurs dettes et adoptent des budgets équilibrés. La résolution d'une telle situation prend du temps.

Le dialogue entre les pays du nord de l'Europe et ceux du sud à propos de la réforme du Fonds de stabilité financière se poursuit sans résolution en vue. Les taux d'intérêt sur les obligations des pays périphériques ont repris leur ascension. Nous pensons que les investisseurs sont trop confiants envers la situation en Europe et que les problèmes de solvabilité à l'avant-scène en 2011.

Marc Christopher Lavoie est vice-président, marchés européens, chez Hexavest. Fondée en 2004, la société de gestion montrélaise spécialisée dans les marchés internationaux, gère des actifs de 5,7 milliards de dollars pour une centaine de clients institutionnels à travers le monde.