Pendant plus de 30 ans, Micheline a travaillé dans le secteur communautaire.

«J'ai 57 ans et un emploi intéressant et payant depuis trois ans, mais j'ai travaillé des années sans aucune protection, assurance ou caisse de retraite, raconte-t-elle. Rien, tu te débrouilles. Comme presque tous les gens du domaine.»

Son récent emploi dans la fonction publique lui procure maintenant un salaire d'environ 40 000$ et une rente de retraite... bien mince.

Micheline possède depuis cinq ans un duplex dont la valeur s'est beaucoup accrue, pour atteindre environ 40 0000$. L'immeuble est grevé d'une hypothèque de 147 000$. Elle en occupe le rez-de-chaussée et loue le sous-sol et l'étage, ce qui lui procure des revenus de location de 12 240$. Les dépenses annuelles totalisent 9000$, pour un revenu annuel net de 3250$. Son père lui a également légué un petit chalet, d'une valeur de 30 000$. Micheline détient en outre 30 000$ en placements non enregistrés et 75 000$ en REER, auxquels elle ajoute 3000$ par année.

Au travail depuis l'âge de 21 ans, elle aspire à un peu de repos. «J'ai un amoureux qui prendra sa retraite de l'enseignement en juin prochain, explique-t-elle. J'aimerais voyager avec lui avant que nous soyons trop vieux.»

Compromis...

Le planificateur financier Benoit Beauséjour, conseiller en placement à la Financière Banque Nationale, a tenté de résoudre le problème cornélien de Micheline.

Dans un premier scénario, il reprend les paramètres qu'elle pose. Il suppose donc une retraite à 59 ans, en juin 2011, avec un budget semblable à celui de sa vie active, soit 32 000$ par année. Pour les 10 premières années de retraite, de 2011 à 2021, il y ajoute une enveloppe de 5000$ pour les voyages.

C'est peu pour les quatre mois prévus chaque année en Europe? Il faut savoir que l'ami de Micheline, d'origine européenne, possède un petit véhicule récréatif dans lequel ils logeraient la plupart du temps, en plus d'un hébergement occasionnel chez les parents et amis.

Le planificateur applique aux placements de 105 000$ de Micheline un rendement moyen de 4,75%. Il retient un taux d'inflation de 2,25%, ainsi qu'une espérance de vie de 95 ans - un âge qu'elle n'aurait que 25% de probabilité de dépasser.

Puisqu'elle ne travaille pour la fonction publique que depuis trois ans, Micheline ne tirerait, à 60 ans, que 1500$ par année en rente de retraite du RREGOP. Elle toucherait une rente de la RRQ de 500$ par mois à 60 ans, et de 517$ par mois de la Sécurité de la vieillesse à partir de 65 ans.

Dans ces conditions, son capital s'épuiserait à 63 ans.

«Elle ne pourra atteindre ses objectifs que si elle diminue son coût de la vie à 20 347$, incluant les frais de voyage de 5000$ par année, commente Benoit Beauséjour. De gros sacrifices en perspective...»

Le planificateur explore une autre piste, celle de monnayer les actifs de Micheline. En vendant son duplex et son chalet, elle pourrait encaisser environ 207 000$, une fois le solde hypothécaire et les impôts sur le gain en capital acquittés. Micheline perdrait toutefois 3240$ par année en revenus nets de location, et elle devrait dépenser environ 600$ par mois de plus pour la location d'un petit logement, ce qui gonflerait ses dépenses à 42 790$ par année.

Cette fois, son capital perdure jusqu'à 69 ans. Pour l'étirer jusqu'à 95 ans, il lui faudrait réduire son coût de vie à 27 000$, incluant les frais de voyage.

Micheline songe à louer son rez-de-chaussée quatre mois par année, pendant ses absences à l'étranger, pour un loyer mensuel de 1000$. «Cette option est peu réaliste, considérant le terme très court de la location et le fait qu'il devrait être répété année après année», observe Benoit Beauséjour.

Il fait une autre proposition. Micheline louerait plutôt les trois logements de son duplex pour en maximiser les revenus. Avec ce loyer supplémentaire de 1000$ par mois, les revenus nets grimperaient à 15 240$ par année.

Cette stratégie lui permet de maximiser ainsi les revenus que lui procure son avoir. Elle peut déduire de ces revenus la totalité des frais d'intérêt et des dépenses d'exploitation de l'immeuble. Comme dans le scénario précédent, la location d'un petit logement porte les dépenses à 42 790$, voyages compris.

Dans ce troisième scénario, toutefois, la retraite est reportée à 65 ans. Micheline peut ainsi cotiser six ans de plus à son REER, et accroître ses rentes de la RRQ et du RREGOP. Malheureusement, le dernier voyage en Europe demeure programmé en 2021, ce qui en fait passer le nombre de 10 à 4.

Dix ans après sa retraite, soit à 75 ans, Micheline vendrait ses deux propriétés.

Toutefois, ce programme ne permet à Micheline de respecter ses objectifs que dans la mesure où elle réduit son coût de vie de 9%, soit à 39 000$, voyages compris.