Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Norman Raschkowan, de Mackenzie

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

La décision de BP de créer un fonds de 20 milliards de dollars US. Il y a beaucoup de questions sur l'avenir de BP et les autres sociétés qui font du forage au large des côtes. Cela permet aux investisseurs de savoir comment ce genre de problème pourrait être traité à l'avenir.

D'un point de vue économique, les nouvelles sur la création d'emplois et le marché immobilier aux États-Unis ont inquiété les investisseurs. On parle de plus en plus d'un risque de récession à double creux. Je ne pense pas que cela se produira.

Si on prend du recul, on réalise que la croissance économique mondiale sera de 4,5% en 2010 et 2011, le même rythme qu'avant la crise financière. Les gouvernements ont beaucoup stimulé l'économie et les taux d'intérêt restent faibles. De plus, la confiance est de retour chez les petites entreprises, ce qui se traduira par une création d'emplois plus soutenue aux États-Unis, à partir du 4e trimestre.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Nous suivons de très près l'évolution de la Bourse chinoise. C'est un indice précurseur moins traditionnel qui mérite l'attention des investisseurs. Ces dernières années, la Bourse chinoise a eu tendance à devancer les Bourses nord-américaines. En 2007, elle a entamé sa baisse, avant que les marchés nord-américains s'affaiblissent. Elle a repris du mieux à partir d'octobre 2008, cinq mois avant les Bourses en Amérique du Nord. C'est intéressant! Cette année, la Bourse chinoise est en baisse de plus de 20%. Récemment, elle a fait du sur-place. Un raffermissement serait un indice qu'une autre hausse se prépare en Amérique du Nord.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Dans un environnement de croissance modérée, il est préférable de rester dans des titres de qualité qui versent de bons dividendes et qui ont été un peu sous-estimés.

Du côté des ressources naturelles, je pense à BHP Billiton (BHP) et Imperial Oil (IMO) qui permettront de profiter d'une reprise des prix des matières premières, d'ici 18 mois.

J'aime les soins de santé, un secteur en croissance séculaire. Avec la réforme de la santé aux États-Unis, le Congrès a décidé que c'étaient les assureurs qui étaient les «vilains» et non pas les sociétés pharmaceutiques. Une société comme Pfizer (PFE) est intéressante.

Au Canada, nos banques sont en bonne posture. J'aime aussi le secteur des médias et des télécommunications, avec des noms Rogers Communications (RCI.B), Shaw Communications (SJR.B), BCE (BCE) ou Telus (T).

En Europe, les sociétés industrielles exportatrices bénéficieront du déclin de l'euro. Un bel exemple: Siemens (SI), une société allemande qui réalise une large part de ses revenus à l'extérieur de la zone euro.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Les actions de sociétés du secteur de la construction ont rebondi un peu trop vite au cours de la moitié de 2010. Il faudra plus de temps pour que l'immobilier résidentiel américain se stabilise.

D'autre part, il y a beaucoup d'enthousiasme pour les marchés émergents. Je conseille aux investisseurs de faire très attention à l'évaluation boursière et de favoriser les pays qui ne sont pas trop chers. Les pays émergents sont plus chers qu'ils l'étaient dans le passé. Les investisseurs sont plus à l'aise d'y investir et ils sont conscients des perspectives de croissance supérieures.

Ceci dit, les pays BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) ont attiré le gros des investissements. Ils sont plus chers que des pays comme la Corée du Sud, l'Indonésie ou la Malaisie qui sont plus intéressants. Mais les gens pensent aux marchés émergents comme une catégorie, sans faire la différence entre les marchés.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

L'inflation est le plus grand point d'interrogation dans les marchés. On trouve des opinions très divergentes: certains croient que nous entrons dans une longue période de déflation; d'autres, comme moi, pensent qu'il s'agit seulement d'une pause et que l'inflation reviendra.

Après 27 ans de carrière chez Standard Life, à Montréal, Norman Raschkowan s'est joint à la Financière Mackenzie, en 2007, à titre de vice-président exécutif et chef des placements. Mackenzie est l'une des plus importantes familles de fonds communs au Canada, avec près de 40 milliards d'actifs sous gestion.