Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Jean-Luc Landry, président de Landry Morin.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?Pour moi, l'événement charnière est la hausse du taux d'escompte de la Fed de 0,50% à 0,75%. Cela indique que la crise financière est terminée. C'est aussi le tout premier signe de resserrement de la politique monétaire américaine.

La Réserve fédérale veut procéder le plus graduellement possible, pour tester la réaction des marchés. Certains investisseurs pensent que le resserrement va se produire seulement en 2011. Moi, je pense que ce sera beaucoup plus rapide, car l'économie américaine est plus solide qu'elle le paraît. Par conséquent, la hausse des taux pourrait surprendre les marchés. C'est pour cela que la Fed y va très doucement

 

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Il faut surveiller l'emploi. Il s'agit d'un indicateur retardataire qui suit de 6 à 12 mois la reprise économique. Il serait donc temps que le taux d'emploi recommence à monter... mais je ne suis pas très inquiet là-dessus.

Je surveille plus attentivement le prix des maisons (indice Case/Shiller). Les prix ne baissent plus. Mais il n'y a pas de hausse fulgurante. Or, la valeur de la maison est plus importante que celle de la Bourse pour ramener la confiance des consommateurs. Et c'est important pour la reprise économique. Il faudrait avoir une augmentation constante du prix des maisons de 0,5% à 1% par mois, soit environ 10% de hausse sur un an. Sinon, les consommateurs vont rester prudents et la reprise sera plus lente.

 

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

J'achète un fonds indiciel qui me donne l'ensemble des titres de l'indice de la Bourse de Toronto: le fonds négocié en Bourse iShares CDN LargeCap S&P/TSX 60 (XIU).

En temps normal, j'aurais répondu que le meilleur investissement pour un Canadien, c'est un fonds mondial pour profiter de la croissance dans le monde entier. Mais en ce moment, nous sommes dans une période qui favorise le Canada. Il y a une reprise économique mondiale. Le prix des matières premières va rester ferme. Le dollar canadien restera élevé. Et la Bourse de Toronto va surperformer l'indice mondial au cours des prochaines années.

 

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Les obligations à rendement réel. Un gourou de la finance dirait que c'est une police d'assurance essentielle dans un portefeuille, pour se protéger contre une flambée de l'inflation. Mais il n'y a aucune chance qu'on ait de l'inflation comme dans les années 80. Dans les pays développés, les gens sont trop vieux. Les baby-boomers ne voudront pas voir les gouvernements laisser aller l'inflation, parce que c'est leur retraite qui est en jeu.

D'autre part, les obligations à rendement réel ont une durée extrêmement longue et elles sont très risquées (ndlr: plus l'échéance d'une obligation est lointaine, plus le prix de l'obligation est vulnérable à une hausse des taux d'intérêt).

C'est la première fois en 50 ans que l'on voit tous les pays développés accuser des déficits budgétaires en même temps. Au Japon, en Europe et aux États-Unis, il y a partout des déficits de 5 à 10% du PIB (produit intérieur brut). Les gouvernements doivent se financer, coûte que coûte. Ils se ruent tous vers la seule source d'épargne disponible: les pays émergents. Alors je crois qu'il y a un risque de hausse des taux d'intérêt. C'est le risque le plus important des prochaines années.

 

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

On sous-estime la vigueur des pays émergents. On s'imagine encore que le développement économique est chez nous, alors qu'il est dans les pays en développement. Il y a de belles années de croissance économique mondiale... mais pas chez nous. Par contre, le Canada est bénéficiaire de cela, comme producteur de ressources.

Avec 35 ans d'expérience en finance, Jean-Luc Landry est président de Landry Morin. La firme gère des actifs de 100 millions, en misant sur le «momentum», un phénomène qui veut qu'un groupe d'actions ayant surperformé au cours des derniers 12 derniers mois continuera de le faire au cours des 12 mois à venir.