Vous ne le savez peut-être pas, mais la boîte aux lettres de Postes Canada fait partie des signes distinctifs canadiens. Sans doute pas à la hauteur des Rocheuses ou du phare de Peggy's Cove, mais géographiquement plus répandue, certainement.

Or, ce symbole rouge éminemment reconnaissable sera désormais recouvert d'un motif coloré.

Postes Canada souhaitait changer son image de marque et du même coup emmêler les pinceaux des graffiteurs. «Nous étions à la recherche d'une solution graphique qui préserverait l'icône que représentent depuis des décennies nos boîtes aux lettres, mais qui les ferait apparaître plus attrayantes et plus modernes», explique James Welsh, responsable du développement de la marque à Postes Canada, dans un communiqué.

Le mandat a été confié à l'agence Le monde de Cossette/Identica, de Montréal. «C'est intéressant de constater qu'il va y avoir du design montréalais dans les rues et les campagnes partout au Canada», souligne Benoît Bessette, vice-président et directeur général d'Identica.

La solution retenue est une pellicule imprimée, dont la surface offre moins d'adhérence aux peintures en aérosol et est plus facile à nettoyer que l'acier peint des boîtes actuelles.

Elle est apposée sur les surfaces de métal, seule la base de plastique grise demeurant intacte... et vulnérable.

Le motif qui orne la pellicule a également pour objectif de recouvrir l'invitant canevas vierge que les parois de la boîte aux lettres offraient aux graffiteurs.

Il restait à définir ce motif.

Connaître le vrai motif

Les concepteurs ont couvert la boîte aux lettres de codes postaux, plus précisément le premier groupe de deux lettres séparées par un chiffre. «Le code postal est une belle façon d'illustrer l'ensemble du pays et l'utilité de la boîte aux lettres», fait valoir Benoît Bessette.

Pourquoi pas un code postal complet, ou utiliser également la seconde moitié?

«Les trois premières positions du code postal définissent les régions du Canada, tandis que les trois dernières précisent une rue, un pâté de maisons, répond-il. Nous voulions représenter les régions du pays.»

Ces moitiés de codes postaux sont déclinées en plusieurs caractères et dimensions, en blanc et diverses teintes de bleu. Certaines sont réfléchissantes, pour faciliter le repérage de la boîte dans la pénombre ou l'obscurité. Disposées dans une grille oblique, les inscriptions se croisent pour former un motif qui, à distance, s'apparente presque à un plaid écossais.

Comme c'est la coutume, d'autres propositions avaient été présentées à Postes Canada: noms de villes, paysages canadiens, colis et enveloppes, pastilles à thèmes. «Il faut un design qui peut passer partout, au centre-ville de Toronto comme sur un chemin de campagne dans les Cantons-de-l'Est», soutient M. Bessette.

Le concept des codes postaux est sévèrement accueilli par le directeur de l'École des arts visuels de l'Université Laval, Alain Rochon, qui enseigne l'identité visuelle d'entreprise. «Ça me fait penser au piéton qui est fatigué de se faire arroser par les voitures et qui décide de s'arroser lui-même», rigole-t-il. En d'autres mots, Postes Canada a barbouillé sa boîte avant les vandales.

«Cet exercice nuit à la communication de la Société canadienne des postes car elle rompt avec l'image à laquelle elle nous a habitués, c'est-à-dire une société responsable qui achemine le courrier de façon rapide, efficace et sécuritaire, poursuit-il. Avec ce nouveau look qui inspire davantage le fouillis, les gens y penseront peut-être à deux fois avant d'y engouffrer leurs précieuses missives.» Reconnaissons tout de même que le mandat défini par Postes Canada posait un défi de taille. Et s'il consistait à recouvrir la boîte aux lettres d'un motif significatif, mieux valait sans doute le faire avec des codes postaux qu'avec des paysages canadiens.