Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, François Rainville, de BMO Banque privée Harris...

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

L'évolution du marché du travail, des ventes au détail et de toutes les statistiques qui donnent un indice sur la consommation.

Les résultats des entreprises sont excellents, les indicateurs économiques pointent vers une expansion. Mais les sceptique disent que tout cela dépend des mesures gouvernementales, et craignent que le privé ne soit pas prêt à prendre le relai quand ces mesures s'estomperont, plus tard en 2010. Si l'emploi s'améliore, ce sera un indice important qui nous dira que la reprise est solide et durable.



Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?


Je suis d'avis que les titres des banques canadiennes sont encore très attrayants. Leur taux de dividende (4,5%) est au-delà du taux des obligations 10 ans (3,5%), ce qui est très inhabituel. Les banques sont surcapitalisées: elles pourraient faire des acquisitions, des rachats d'actions ou hausser leur dividende. Et leur rentabilité devrait s'améliorer au fur et à mesure que les pertes sur prêts vont diminuer quand l'économie va reprendre

D'autre part, j'ajouterais aussi des titres cycliques qui ont un bon potentiel de croissance et qui versent un bon dividende. Par exemple, l'action du producteur de pétrole Crescent Point Energy (CGP), une ancienne fiducie reconvertie en compagnie, continue de verser 7,5% de dividende.



Quel placement évitez-vous à tout prix?


Les obligations gouvernementales à long terme ou les fonds d'obligations. Tout l'argent est allé vers ces titres-là. Ça sent mauvais! Avec une obligation du Canada, vous allez faire votre 2,75% d'ici 5 ans. Mais il y a bien d'autres placements qui seront plus payants.



Quel est l'élément que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Les gens sous-estiment la remontée économique et l'effet que peuvent produire des taux d'intérêt aussi bas. Ce n'est pas pour rien que l'or, les métaux et le pétrole ont tant remonté. L'or est en train de sentir que l'économie reprend plus de poil de la bête qu'on le pense.

Beaucoup d'investisseurs sont encore très prudents. Ça se comprend. Mais il ne faut perdre de vue le potentiel de croissance important.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

La pierre angulaire des marchés, ces temps-ci, c'est l'emploi. C'est ce qui fait bouger la Bourse, même si l'emploi est considéré comme un indice coïncident ou retardataire. Toute la semaine, les investisseurs ont attendu les statistiques sur l'emploi aux États-Unis. On s'attendait à une amélioration, soit à 175 000 pertes d'emplois, ce qui est beaucoup moindre que les 700 000 pertes mensuelles qu'on voyait au pire de la crise.

Vendredi matin, les investisseurs ont appris que 190 000 emplois avaient disparus en octobre aux États-Unis, ce qui porte le taux de chômage à 10,2%, un sommet en plus de 26 ans.

Autre fait important à noter : lundi, la faillite de CIT a laissé les marchés presque indifférents, ce qui est un très bon signe. Avec la faillite dévastatrice de Lehman Brothers, on appréhendait beaucoup la faillite de CIT qui est le grand prêteur des PME américaines. En fin de compte, la restructuration s'est réglée sans que le gouvernement intervienne. Le privé s'est occupé de ses affaires. Les détenteurs d'obligations ont accepté d'encaisser des pertes, pour permettre à l'entreprise de survivre de telle sorte que les clients ne subissent pas l'impact.

François Rainville est directeur et conseiller en placement chez BMO Banque privée Harris. Cette filiale de la Banque de Montréal gère des actifs de 13 milliards de dollars pour des individus fortunés au Canada et aux États-Unis.