Les investisseurs sont pleins de contradictions. Ils vous diront qu'il est important d'épargner, de procéder à une planification financière en vue de la retraite, et de bien s'informer avant d'investir. Mais, dans la pratique, la majorité des Québécois n'ont aucun plan financier, ils craignent de manquer d'argent à la retraite, et ils investissent les yeux fermés!

Voilà ce que ressort d'un sondage dévoilé hier par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, l'organisme qui regroupe les différentes instances réglementaires provinciales.

«Les investisseurs ne font pas ce qu'ils ont à faire. Le sondage nous confirme ce qu'on voit sur le terrain», a commenté Anne-Marie Poitras, surintendante à l'Autorité des marchés financiers (AMF), qui réglemente l'univers du placement au Québec.

En effet, près des trois quarts (72%) des Québécois n'ont aucune planification financière, même s'ils considèrent majoritairement (66%) qu'il est important de faire un tel exercice.

Au Canada, la situation n'est guère plus reluisante: le tiers des répondants n'ont pas de planification financière, malgré l'importance que cela revêt à leurs yeux.

De plus, la vaste majorité des Canadiens (85%) considère qu'il est important d'épargner et d'investir. Pourtant, le tiers (35%) n'a par la moindre économie. D'ailleurs, cette proportion est significativement plus élevée qu'il y a trois ans, alors que seulement 27% des répondants n'avaient pas un cent de côté.

Dans ce contexte, il n'est pas surprenant qu'un grand nombre (60%) d'investisseurs craignent de ne pas avoir amassé suffisamment d'économies pour répondre à leurs besoins financiers à la retraite.

Le sondage fait ressortir d'autres paradoxes troublants dans l'attitude des investisseurs. Ainsi, quatre personnes sur cinq estiment qu'il est de leur devoir d'acquérir de bonnes connaissances en matière de placement et de bien s'informer avant d'investir. Or, la majorité ne le fait pas.

En fait, 78% des Québécois (comparativement à 66% des Canadiens) n'ont fait aucune forme de recherche sur l'épargne et les investissements depuis 12 mois. Pire. Dans 57% des cas (le plus haut niveau au Canada), les Québécois n'ont effectué aucune recherche personnelle avant de conclure leur dernier investissement. «Je pense que les gens trouvent ça compliqué, avoue Mme Poitras. Ils sont gênés de poser des questions. Les institutions devraient améliorer la documentation qu'elles fournissent à leurs clients. Il faudrait adapter le jargon financier dans un langage clair.»

Même si les Québécois ne sont pas plus vulnérables à la fraude financière, ils ont une attitude plus à risque, révèle aussi le sondage.

Ils aiment participer à des concours ou encore jouer à la loterie. Le tiers d'entre (31% comparativement à 23% au Canada) pensent qu'on peut faire de l'argent à la Bourse avec un bon tuyau. «Les investisseurs veulent transiger à partir d'une information privilégiée... ce qui est illégal. Ils aiment ça, le petit tuyau du beau-frère!» lance Mme Poitras.

Le sondage démontre que les victimes de fraude financière sont souvent des gens bien éduqués, qui ont de bonnes connaissances financières, mais qui souffrent d'un excès de confiance. Ce sont aussi des investisseurs audacieux qui sont prêts à courir des risques pour obtenir un rendement supérieur, et qui sont disposés à investir sur-le-champ pour ne pas rater une occasion de placement.

Il est intéressant de noter une différence culturelle en matière de fraude financière. Au Québec, les tentatives de fraude sont souvent le fait d'un proche ou une personne de confiance. Les Québécois semblent beaucoup moins importunés par les courriels frauduleux que le reste des Canadiens (55%comparativement à 70% au Canada), probablement parce que les messages sont souvent diffusés en anglais.

Dans l'ensemble, près de 40% des Canadiens se sont déjà fait proposer un investissement frauduleux. Et 4% des Canadiens sont déjà tombés dans le piège.

 

Les paradoxes québécois

La majorité des Québécois (83%) reconnaît l'importance de s'informer avant d'investir... mais plus de la moitié (57%) investit les yeux fermés.

Les deux tiers des Québécois (66%) pensent qu'il est important de procéder une planification financière... mais près des trois quarts (72%) n'ont pas fait l'exercice.

La plupart des Québécois (83%) disent qu'il faut dénoncer la fraude financière... mais à peine le quart des proies (24%) porte plainte aux instances réglementaires.