«Je suis un homme de 27 ans, marié avec deux enfants, relate un lecteur. J'ai la chance de n'avoir aucune dette, sauf mon prêt automobile et ma maison. J'entends souvent des amis parler de leurs dettes. Est-il plus avantageux de se débarrasser de nos dettes et ensuite de cotiser au REER?»

C'est précisément la proposition du comptable agréé canadien David Trahair, dans son ouvrage Smoke and Mirrors.

Il recommande de se consacrer d'abord au remboursement des dettes, emprunt hypothécaire compris. Quand cette petite formalité sera expédiée, on pourra s'attaquer avec enthousiasme au REER.

 

Il donne l'exemple de deux conjoints de 42 ans, qui se demandent s'ils devraient appliquer leur surplus budgétaire annuel de 8000$ au remboursement accéléré de leur hypothèque de 200 000$, amortie sur 20 ans. David Trahair pose quatre paramètres: rendement sur le REER de 5%, hypothèque à 6%, taux marginal d'imposition de 31%, et réinvestissement dans le REER des remboursements d'impôts.

Si le couple maintient son rythme actuel de remboursement d'hypothèque (1424$ par mois) et contribue à son REER à raison de 8000$ par année, il détiendra après 20 ans des actifs de 490 000$.

S'il acquitte son hypothèque en 11 ans, et verse ensuite au REER les 8000$ d'épargne annuelle et les 1424$ de mensualités, il aura accumulé en 20 ans des actifs de 507 000$, un léger gain de 17 000$ par rapport au premier scénario.

Le planificateur et comptable Éric Brassard reconnaît que le remboursement de l'hypothèque procure «un rendement de qualité, dans le sens où il est stable». Par contre, il dénonce les prémisses des taux d'intérêt, qui déterminent le résultat final. «Si on donne 6% pour l'hypothèque et 5% pour le REER, il est évident que l'hypothèque va gagner. Pas besoin de calculer longtemps pour comprendre que le six bat le cinq.»

 

Autre problème, souligne-t-il, les cotisations au REER seront concentrées à haute dose dans les années précédant la retraite. Elles risquent d'être déduites du revenu à un taux inférieur au taux d'imposition qui sera appliqué au retrait, ce qui est l'inverse de l'effet recherché.Par ailleurs, de nombreux grains de sable peuvent venir gripper le mécanisme. «C'est mettre beaucoup de poids sur l'épargne future, en supposant qu'on n'aura pas de coup dur, de perte d'emploi, d'invalidité, souligne le planificateur Martin Dupras. Ce programme risque de ne pas se dérouler comme prévu.» Et il est tellement tentant d'utiliser une partie du nouveau surplus budgétaire pour une gratification plus immédiate...

Cela dit, il est vrai qu'il faut s'attaquer en priorité aux dettes de consommation à taux élevés, en les remboursant ou en les consolidant. «On doit améliorer la qualité des dettes avant de songer à les déduire, expose Éric Brassard. Une fois que les mauvaises dettes sont consolidées sous forme d'hypothèque, remboursée sur 10, 15 ou 20 ans selon la capacité, on remplit les abris fiscaux - REEE, REER, CELI.»