Avec l'arrivée du printemps, le climat a changé du tout au tout à la Bourse. La renaissance du mois de mars a permis aux investisseurs de terminer, sans trop de dommages, ce premier trimestre en dents de scie. Mais voilà, une hirondelle ne fait pas le printemps. La reprise sera-t-elle durable ou s'agit-il d'un autre faux départ?

C'est fou comme le climat a changé à la Bourse depuis l'arrivée du printemps. En moins d'un mois, le regain de vie des Bourses mondiales a chassé la déprime de la fin de l'hiver.

 

Comme les premiers crocus qui sont sortis de terre depuis quelques jours, l'indice S&P/TSX de la Bourse de Toronto est parvenu à se pointer le nez au dessus des 9000 points, illustre Douglas Porter, aux Marchés des capitaux BMO. Et la Bourse canadienne qui était restée sous zéro depuis le début de 2008, se retrouve enfin en territoire positif, avec la chaleur des premiers jours d'avril.

«Après s'être écroulées à de nouveaux creux cycliques, au début de mars, les Bourses mondiales ont connu une spectaculaire renaissance printanière», constate Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux. En fait, la Bourse canadienne a rebondi d'environ 20% depuis son creux du début de mars.

Finalement, mars aura été très payant. La Bourse canadienne a clôturé le mois sur une hausse de 7,4%, presque autant que le rebond de 8,5% aux États-Unis.

Aussi spectaculaire soit-il, ce rebond n'a pas été suffisant pour effacer entièrement les dégâts, au premier trimestre.

Ainsi, la Bourse canadienne, qui avait déjà perdu 35% en 2008, a encore glissé de 3% au cours des trois premiers mois de 2009. Côté américain, le S&P 500, qui avait plongé de 38,5% en 2008, s'est affaissé de 11,7% au premier trimestre de 2009.

Le vent pousse les cycliques

Mais le vent a tourné à la Bourse. Pressentant une embellie, les investisseurs sont sortis de leur refuge de 2008. Ils ont délaissé les placements défensifs pour migrer vers des placements plus cycliques, afin de profiter d'une éventuelle reprise économique.

Ce changement d'attitude s'observe un peu partout dans les marchés financiers.

De toutes les Bourses du monde, ce sont celles des pays émergents (perçues comme plus risquées) qui ont mené le bal, avec des gains de 30% en Chine et de 9% au Brésil, au premier trimestre.

D'un point de vu sectoriel, ce sont les industries sensibles à la reprise économique qui ont fait les plus belles avancées. Les perdants de 2008 sont devenus les gagnants de 2009. Au Canada, les secteurs qui avaient encaissé les pires pertes l'an dernier, soit les technologies de l'information (-50%) et les services financiers (-44%), la consommation discrétionnaire (-43%) et l'énergie (-37%), ont eu le haut du pavé en mars, avec des gains variant entre 7 et 12%.

La rotation s'effectue aussi sur le marché obligataire. Les obligations du Trésor américain de 30 ans, les plus vulnérables à une remontée de l'inflation et des taux d'intérêt, ont eu la vie dure.

À l'opposé, les obligations de sociétés ont regagné la faveur des investisseurs qui les fuyaient comme la peste l'année dernière, à cause des risques de défaillances de crédit.

Les obligations à rendement réel, qui offrent une protection contre l'inflation, ont été les plus payantes en mars, et de loin.

Qu'est-ce qui fait tant sourire les investisseurs?

Qu'est-ce qui a réchauffé les investisseurs frigorifiés? Toutes sortes de petits signes que la détérioration de l'économie commence à ralentir, des indices qu'on passe du pire au moins pire.

Par exemple, les ventes de maisons aux États-Unis ont rebondi en février. Et ce n'est pas à cause de vautours qui rachètent des maisons saisies à prix d'aubaine, mais tout simplement en raison du regain d'intérêt des acheteurs dans des régions peu touchées par la crise immobilière.

Aussi, les dépenses des consommateurs américains ont légèrement augmenté au premier trimestre, après un quatrième trimestre catastrophique, le pire en 28 ans.

Le marché du crédit émerge de son ère de glace: les écarts de crédit fondent tranquillement, signe que les prêteurs ont moins peur qu'il y a quelques mois. L'indice ISM manufacturier reprend du poil de la bête depuis trois mois. Les sociétés financières américaines, à l'épicentre de la crise du crédit, ont livré leur lot de bonnes surprises depuis le début de 2009.

C'est sans compter les offensives des gouvernements qui s'attaquent à la récession mondiale sur tous les fronts. Et bien sûr, cette semaine, la réunion des pays du G20 a abouti sur un plan de 1000 milliards et d'autres mesures de réglementation pour assainir le système financier.

Trop beau pour durer?

Tout cela est-il trop beau pour durer? Comment les investisseurs doivent-ils réagir face au récent rebond de 20% de la Bourse? S'agit-il d'un autre faux départ? Est-ce que la reprise est durable?

«La réaction facile pour les investisseurs serait de profiter du rebond pour empocher leurs gains et/ou de limiter leurs pertes», note Martin Roberge, stratège quantitatif chez Valeurs mobilières Dundee.

Après tout, le rebond précédent avait été de courte durée. En effet, la Bourse américaine a repris 28% entre son creux du 20 novembre 2008 et le 4 janvier dernier. Un bel envol... qui s'est soldé par un plongeon vers des niveaux encore plus bas, en mars.

«Mais contrairement au dernier rebond, la reprise est soutenue, cette fois, par une légère amélioration des données économiques aux États-Unis», estime Vincent Delisle.

Selon lui, l'envolée printanière pourrait s'essouffler bientôt. Mais les fondations semblent plus solides, si bien que le marché pourrait reprendre sa course plus tard cette année.

«Tant que les secteurs cycliques vont mieux que les secteurs défensifs, on peut considérer que les creux de la Bourse sont des bonnes occasions d'achat», ajoute Martin Roberge.

Le mur des bénéfices

Reste que la prochaine saison des résultats trimestriels sera déterminante. Les sociétés américaines commenceront à dévoiler leurs bénéfices pour le premier trimestre de 2009, d'ici la mi-avril.

«La saison des bénéfices pourrait s'avérer meilleure que prévu et devenir l'élément déclencheur d'une remontée des prix des actions», estime M. Roberge.

Il faut penser que l'économie s'est légèrement stabilisée, et que les investisseurs compareront les bénéfices du prochain trimestre avec ceux du premier trimestre de 2008 qui étaient déjà en piteux état. Bref, les attentes seront moins élevées.

Ainsi, après une correction latérale, la Bourse pourrait fort bien connaître une nouvelle avancée de plusieurs semaines, selon M. Roberge.

Mais d'autres experts ne partagent pas son avis. «La Bourse aura beaucoup de difficulté à conserver son avancée, si la rentabilité des entreprises ne s'améliore pas», prévient l'équipe de stratèges de Peter Gibson, chez Valeurs mobilières Desjardins.

Or, le rendement des sociétés de l'indice de la Bourse de Toronto s'est détérioré à une vitesse alarmante.