Josée était seule et sans enfant. Âgée de 44 ans, elle vient d'emménager avec son conjoint Daniel. Sa situation financière s'en trouve chamboulée. Pour le mieux.

Elle travaille en enseignement depuis 22 ans et gagne 67 000$ par année. Elle vient de vendre son appartement, dont elle a tiré un profit de 130 000$.

 

Daniel, lui aussi âgé de 44 ans, touche un salaire de 100 000$ par année. Il a un fils de 15 ans, qui vit avec lui une semaine sur deux. Il possède une maison d'une valeur approximative de 300 000$, sur laquelle persiste un solde hypothécaire de 15 000$.

Leur nouvelle vie en commun leur pose un heureux problème. «Que faire avec les 130 000$ qui dorment présentement à la banque, au taux d'intérêt de 2,85%, demande Josée. Nous voudrions entreprendre quelques travaux l'an prochain, au coût d'environ 15 000$.»

Ils ont préparé deux scénarios.

Dans le premier, Daniel vendrait à Josée le tiers de la valeur de sa propriété. Il investirait ces 100 000$ dans son REER, se prévalant ainsi de l'ensemble de ses droits de cotisation inutilisés. «Avec le remboursement d'impôt, on pourrait payer les rénovations prévues», indique Josée.

Mais elle y voit une faille. «Qu'arrive-t-il si mon conjoint décède? Il veut évidemment protéger l'héritage de son fils. De mon côté, je n'ai pas envie de me retrouver dans l'obligation de revendre ou d'acheter une partie de la maison.»

Le deuxième scénario privilégie plutôt l'achat d'un immeuble locatif ou d'une résidence secondaire qui pourrait être louée à l'occasion. «Est-ce que les revenus de cette location sont imposables, si je suis l'unique propriétaire? Et pour le gain en capital lors de la revente de cette propriété, comment ça fonctionne?» demande Josée.

Guylaine Dufresne, planificatrice financière à la Banque Laurentienne, a apporté une réponse en trois volets.

L'aspect fiscal

Josée et Daniel informeront les ministères du Revenu fédéral et provincial qu'ils partagent le même logement dans leurs prochaines déclarations de revenus. Puisqu'ils n'auront habité ensemble que cinq mois en 2008, ils n'auront pas accumulé les 12 mois de vie commune ininterrompue qui leur accordent le statut de conjoint de fait. Ils devront donc se déclarer célibataires. «Par contre, lors de l'établissement de leur déclaration de 2009, ils devront cocher conjoint de fait, indique Mme Dufresne. Cela aura comme effet que leurs revenus seront additionnés, notamment en ce qui concerne le calcul de certains crédits d'impôt.»

L'aspect légal

Un testament est indispensable. «Car, contrairement à la Loi de l'impôt, le Code civil du Québec ne reconnaît pas les conjoints de fait», rappelle notre planificatrice. En l'absence de testament, c'est donc le Code civil qui dicte la répartition de ses biens. Si Josée décède, ses père et mère hériteront de la moitié de la succession, et ses frères et soeurs recevront l'autre moitié.

Le fils de Daniel hériterait de l'ensemble de ses possessions, y compris la propriété. Si Josée avait acheté le tiers de celle-ci, «elle pourrait se retrouver propriétaire d'une résidence avec le fils de Daniel, dont la mère biologique serait la tutrice», précise Mme Dufresne. «Pas nécessairement tentant!»

Un notaire pourrait suggérer une formule qui limiterait les risques de complications post-mortem, comme une convention d'indivision ou une fiducie testamentaire.

La planificatrice insiste fortement sur la rédaction d'un mandat en cas d'inaptitude et d'un contrat de conjoints de fait qui établira clairement les règles en cas de séparation. «C'est toujours plus facile de s'entendre quand ça va bien que quand ça va mal, soutient-elle. La forme notariée de tous ces documents est de loin la plus sûre. En cas d'inaptitude ou de décès, les documents notariés sont plus difficilement contestables.»

L'aspect financier

Guylaine Dufresne voit d'un bon oeil l'idée de verser 100 000$ pour l'achat du tiers de la propriété. «Ce plan est intéressant parce qu'il permet à Daniel de maximiser ses REER», fait-elle valoir, d'autant plus qu'il ne bénéficie d'aucun régime de retraite complémentaire.

Ses actifs REER s'élèvent pour l'instant à 150 000$. Avec ces 100 000$ supplémentaires et sous l'impulsion d'un rendement moyen de 6% par année, Daniel pourrait compter à 60 ans sur un capital d'environ 635 000$. Cette somme lui procurerait ensuite un revenu de retraite de quelque 40 000$ pendant 30 ans.

Pour maximiser le remboursement d'impôt, il aura sans doute avantage à répartir la déduction sur deux ou trois ans.

De son côté, Josée aurait encore en poche quelque 30 000$, qu'elle pourrait elle aussi consacrer en partie à son REER. Il est vrai qu'elle bénéficiera à la retraite des rentes du régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP). «Par contre, avise notre conseillère, comme les prestations ne sont indexées qu'à un certain pourcentage de l'inflation, Josée verra son pouvoir d'achat diminuer au fil des ans pendant sa retraite.» Un REER suffisamment garni compensera pour ce manque à gagner.

Reste le problème de l'héritage. La planificatrice avance une suggestion. Daniel pourrait laisser la totalité de la maison en héritage à Josée. En contrepartie, il souscrirait une police d'assurance vie de 200 000$ au nom de son fils. À discuter avec un conseiller juridique...

Guylaine Dufresne se montre plus circonspecte à l'endroit de la solution d'une propriété locative. «Pour quelqu'un qui n'en a jamais possédé, le temps et l'énergie que l'on devra y investir sont des facteurs importants à considérer», constate-t-elle.

Par ailleurs, le marché immobilier est présentement soumis à des pressions dont on ne distingue pas encore nettement l'influence. «Je pense qu'il faut être prudent», avance-t-elle.

En réponse aux interrogations de Josée, la planificatrice rappelle que les revenus de location sont imposables entre ses mains, si elle est l'unique propriétaire de l'immeuble. Le gain en capital réalisé au moment de la revente de la propriété lui sera également imputé.

En outre, ce plan ne permet pas à Daniel de combler ses cotisations REER, et il ne bénéficie pas non plus des remboursements d'impôts qui en résultent.

«Il ne faut jamais oublier que les cotisations REER non utilisées sont de l'argent qu'on laisse entre les mains du fisc, insiste la planificatrice. Pourquoi ne pas en profiter soi-même?»

 

LA SITUATION

Josée vient d'emménager avec son conjoint. La vente de son appartement lui a laissé un bénéfice de 130 000$. Avec cette somme, devrait-elle racheter le tiers de la maison de Daniel ou investir dans l'immobilier?

«Je sais que nos problèmes n'en sont pas vraiment. On est bien chanceux d'avoir ce genre de problème à résoudre.» Josée

LES CHIFFRES

Josée, 44 ans

Revenus: 67 000$

REER: 25 600$

Épargnes hors REER: 130 000$ (vente de son appartement)

Régime de retraite: fonction publique québécoise

Droits de cotisation REER inutilisés: 20 000$

Daniel, 44 ans

Revenus: 100 000$

REER: 150 000$

Régime de retraite: aucun

Maison d'une valeur de 300 000$

Solde hypothécaire: 13 000$

Droits de cotisation REER inutilisés: 100 000$

L'ANALYSE

Si Josée achetait le tiers de la propriété, Daniel pourrait utiliser les 100 000$ pour combler son REER. Le remboursement d'impôts servirait aux rénovations prévues à la maison. Cette solution est moins risquée et de meilleur augure pour leur retraite.