Plusieurs attendent impatiemment de voir ce qui sortira de la conférence de l'ONU sur le climat, qui a démarré lundi à Copenhague. Andrée-Lise Méthot, elle, n'attend pas. Après avoir essayé le militantisme, c'est finalement dans la finance que la fondatrice du premier fonds québécois consacré aux technologies propres a vu le moyen de changer les choses. Rencontre avec une femme qui brasse autant d'air que de millions.

Il y a une époque où pour créer un monde plus vert, Andrée-Lise Méthot arrachait l'asphalte des ruelles pour y planter des arbres.

Aujourd'hui, elle poursuit le même objectif, mais la stratégie a changé. C'est maintenant par la finance que Mme Méthot veut sauver la planète.

Andrée-Lise Méthot est fondatrice et associée principale de Cycle Capital Management, le premier fonds de capital-risque québécois consacré aux technologies propres.

Oubliez l'argent gratté dans les fonds de tiroirs. Avec des partenaires comme la Caisse de dépôt et placement du Québec, les fonds de travailleurs des grands syndicats et le géant international de l'investissement Brookfield Asset Management, Cycle Capital s'est constitué un fonds de 80 millions prêt à investir dans les technologies les plus prometteuses pour freiner les changements climatiques (voir encadré).

«Plus jeune, j'ai eu un passé très militant. Je croyais très fort à changer les choses. Aujourd'hui, le faire à travers l'outil réel et le levier économique qu'est le capital-risque, c'est une façon de ne pas juste dire, mais de faire les changements», dit Mme Méthot.

À 42 ans, Andrée-Lise Méthot est un drôle d'oiseau dans le paysage financier québécois. Pas facile de résumer le parcours de cette iconoclaste qui a étudié le génie géologique, fait une maîtrise en «géochimie paléontologique du précambrien» et a été autant inspectrice à la CSST que coprésidente d'un groupe de travail pour le Programme des Nations unies pour l'environnement.

«Quand j'étais étudiante, ce qui m'intéressait, c'est l'apparition de la vie sur Terre. Et quand l'apparition de la vie sur Terre vous intéresse, sa disparition vous intéresse aussi», dit-elle pour expliquer son implication dans la lutte contre les changements climatiques. C'est après un mandat remarqué à la Commission de la santé et de la sécurité du travail que le gouvernement du Québec lui confie la direction d'un fonds de 45 millions à distribuer en subventions aux entreprises pour soutenir le développement durable.

Elle s'exécute, mais comprend rapidement que ce n'est pas comme ça qu'elle changera le monde.

«Tout ce que je faisais, c'est de faire des chèques. Il n'y avait pas de retour sur l'investissement. Et moi je trouvais ça fondamental qu'il y ait un retour sur l'investissement et un alignement des intérêts des investisseurs et des entrepreneurs.»

Avec le Fonds de solidarité FTQ et le Fondaction CSN, elle démarre un premier fonds en technologies propres de 18 millions, le Fonds d'investissement en développement durable.

«Très vite, on a constaté avec les partenaires qu'il fallait construire quelque chose de plus soutenable. Il fallait une taille significative et une équipe d'investissement plus solide.»

C'est là qu'elle va frapper à la porte d'entreprises comme Cascades et Master (un distributeur de systèmes de chauffage et de climatisation) et d'investisseurs comme la Caisse de dépôt et Brookfield.

Cycle Capital était né.

C'est grâce à lui qu'à l'heure de Copenhague, Andrée-Lise Méthot peut répondre au cynisme et à la désillusion ambiante par l'action. Et par une solide dose d'optimisme.

«En 1998, quatre jours avant la fermeture de la conférence de Kyoto, il n'y avait pas d'entente. Alors pour moi, à Copenhague, tout est possible», lance-t-elle.

Oui, elle dénonce l'inaction du gouvernement canadien qui tarde à imposer des cibles obligatoires de réduction des gaz à effet de serre, ce qui limite le marché du carbone.

«Mais il faut comprendre que ce n'est pas seulement un marché de bâton. C'est un marché de bâton et de carotte», précise-t-elle, expliquant que les entreprises ont maintenant compris qu'en réduisant volontairement leurs émissions de gaz à effet de serre, elles économisent énergie et argent.

Les sceptiques auront droit à une pluie de chiffres destinés à soutenir son point de vue: celui qui veut que le «momentum» soit maintenant bien installé.

«En 2002, quand j'ai démarré, il y avait 200 millions de capital-risque investi dans les technologies propres dans le monde. En 2008? C'était rendu à 8,4 milliards de dollars. On parle de 4000% d'augmentation. Et en 2009, malgré la crise, on devrait avoir soutenu à peu près les 8,4 milliards», martèle-t-elle.

Son énergie est contagieuse. En fait, Mme Méthot prend un malin plaisir à sélectionner des gens, des entreprises et des institutions, puis à les mobiliser autour de son projet.

Denis Leclerc fait partie de ceux qui se sont fait happer par le tourbillon.

L'homme était vice-président au développement durable et à l'environnement chez AbitibiBowater quand un chasseur de têtes l'a pressenti pour diriger une nouvelle grappe industrielle. Une grappe... sur les technologies propres.

Il était loin d'être convaincu. Puis il a passé deux heures avec Andrée-Lise Méthot.

«Cette femme est une tornade, déclare-t-il. Mais pas le genre de tornades qui vont où le vent les pousse. Une tornade contrôlée, qui sait où elle va», dit celui qui a fini par dire «bye bye boss» à AbitibiBowater et est aujourd'hui... président et chef de la direction de la grappe des technologies propres du Québec.

«Elle est très enthousiaste, confirme Alain Lemaire, grand patron de Cascades, qui s'est fait embarquer dans l'aventure de Cycle Capital. Il est très difficile de refuser ses propositions.»

Mais il n'y a pas que le milieu d'affaires qui apprécie l'énergie d'Andrée-Lise Méthot. En fait, elle est probablement l'une des rares personnalités québécoises à avoir autant l'oreille des environnementalistes que des financiers, deux groupes qui se regardent souvent avec méfiance.

Elle compte l'écolo le plus en vue du Québec, Steven Guilbault, parmi ses amis personnels, et est même marraine de son deuxième enfant.

«Ce qu'elle a réussi à bâtir est assez extraordinaire, commente le porte-parole d'Équiterre. Elle vient créer des ponts entre les différentes sphères - la sphère financière et environnementale, mais aussi sociale.»

L'argent au service d'un monde meilleur, vraiment? Elle y croit profondément. «On pense que l'argent, ça fait le mal. Je crois que ça vient de notre culture, c'est très judéo-chrétien. Bien l'argent, ça ne fait pas le mal. Ça peut faire le bien quand c'est bien utilisé.»