Après deux années consécutives de baisses des tarifs d'électricité décrétées par la Régie de l'énergie, le gouvernement québécois a décidé que c'était assez. Le budget déposé mardi par le ministre des Finances Nicolas Marceau change les règles du jeu pour éviter que les profits d'Hydro-Québec continuent de s'éroder.

Ce changement majeur dans la façon dont les tarifs d'électricité sont fixés par la Régie de l'énergie est passé sous le radar, éclipsé par le dégel du tarif patrimonial, qui augmentera selon le taux d'inflation à partir de 2014, et par la réduction de 2000 emplois exigée de la société d'État.

Dès cette année, le gouvernement québécois entend court-circuiter le processus en vigueur depuis une décennie pour mettre la main sur les gains d'efficience réalisés par Hydro-Québec, plutôt que de laisser la Régie les transformer en baisses de tarifs, comme ça a été le cas au cours des deux dernières années.

Hydro-Québec se présente toujours devant la Régie avec deux chiffres, soit la somme de ce qui lui en coûte pour acheter, transporter et distribuer l'électricité à ses clients québécois, et les revenus attendus des ventes d'électricité. Si le gouvernement force la société d'État à faire des économies qui réduisent le coût du service et que les revenus ne changent pas, la différence devient une baisse de tarifs et finalement, une baisse des profits pour Hydro.

C'est ce qui s'est passé au cours des deux dernières années, après que le gouvernement libéral eut demandé à Hydro de se serrer la ceinture et de réduire ses dépenses de 500 millions.

Le gouvernement actuel, qui compte plus que jamais sur l'apport de sa plus importante vache à lait pour boucler son budget, a demandé à Hydro de faire plus et de réduire son effectif de 2000 personnes. Mais il veut que ces nouvelles économies servent à augmenter les profits d'Hydro-Québec, et donc le dividende qu'il reçoit.

À cause de la chute du prix de l'électricité sur les marchés d'exportation et de la baisse des tarifs au Québec dus aux décisions de la Régie de l'énergie, le bénéfice net d'Hydro-Québec n'est plus à la hauteur des attentes du gouvernement.

Le bénéfice net d'Hydro-Québec, qui devait augmenter chaque année et atteindre 2,72 milliards en 2013-2014, ne sera probablement que de 2,5 milliards, soit 200 millions de moins, prévoit le ministre des Finances. Chaque baisse de 1 cent du prix du kilowattheure exporté réduit le bénéfice net d'Hydro de 270 millions, a-t-il calculé.

Comme la rentabilité des exportations aux États-Unis a beaucoup diminué, le gouvernement veut au moins s'assurer du maintien de la rentabilité des ventes au Québec

«Le mécanisme actuel de fixation des tarifs ne permet pas au gouvernement d'assurer avec suffisamment de certitude l'augmentation du bénéfice net qui résultera des gains d'efficience exigés de la société d'État», explique-t-il dans les documents budgétaires.

Urgence

À la demande du gouvernement précédent, la Régie de l'énergie examine déjà la possibilité de changer le mécanisme de fixation des tarifs d'électricité.

Mais le nouveau gouvernement a décidé que le temps pressait et qu'il n'avait pas le temps d'attendre le résultat de ces cogitations. «Compte tenu de l'urgence de la situation pour le retour de l'équilibre budgétaire, le gouvernement met de l'avant une mesure transitoire qui facilitera l'atteinte du bénéfice net escompté», apprend-on dans les documents budgétaires.

Concrètement, le gouvernement gèle les dépenses d'exploitation d'Hydro au niveau de l'an dernier, et ordonne à la Régie de l'énergie de ne pas tenir compte des économies qui seront réalisées par Hydro à la demande du gouvernement pour fixer les tarifs.

Il devrait en résulter une augmentation du bénéfice net d'Hydro-Québec et donc, du dividende versé au gouvernement l'année prochaine et tant et aussi longtemps que la Régie n'aura pas fait consensus sur les modifications à apporter au mécanisme de fixation des tarifs d'électricité.

Mécontents

Par ailleurs, les syndiqués d'Hydro-Québec ont fait appel hier à la ministre des ressources Naturelles, Martine Ouellet, pour qu'elle plaide leur cause et empêche l'élimination de 2000 postes réclamée dans le budget.

Selon Marcin Kazmierczak, porte-parole des quatre principaux syndicats qui regroupent 17 500 employés d'Hydro-Québec, le gouvernement aurait dû réclamer des économies en argent et non en nombre de postes éliminés.

«On aurait de loin préféré que le gouvernement passe une commande financière à Hydro-Québec», a-t-il dit.

Même si la réduction des 2000 postes se fait par attrition, ça veut dire qu'Hydro-Québec renoncer à faire des choses qu'elle faisait avant et qu'elle devra confier à la sous-traitance, estime le syndicaliste.

Le recours accru à la sous-traitance n'est pas toujours une source d'économie, comme on le constate ces jours-ci à la commission Charbonneau, font valoir les syndiqués.

Selon Hydro-Québec, près de 3000 de ses employés seront admissibles à la retraite à partir du 1er janvier. C'est vrai, dit Marcin Kazmierczak, «mais ces employés ne sont pas obligés de partir et Hydro-Québec n'a pas nécessairement intérêt à les laisser partir et à se priver de leur expertise», a-t-il expliqué.

Plutôt que d'éliminer des postes, Hydro pourrait économiser autant autrement, selon les syndiqués. Par exemple en négociant la fermeture de la centrale au gaz de Bécancour avec TransCanada Energy, qui n'a jamais fonctionné et qui coûte 200 millions par année, illustrent-ils.

C'est le nombre d'employés d'Hydro- Québec qui seraient admissibles à la retraite le 1er janvier prochain. Un chiffre que confirme le syndicat tout en ajoutant que les employés ne sont pas tenus de partir immédiatement.