Ils voulaient jouer au basket jusqu’à 2 h du matin pour s’occuper le corps et l’esprit. On leur a ouvert les portes du gymnase. Après deux années pandémiques, le midnight sports est de retour dans Parc-Extension. Une initiative unique à Montréal qui rassemble les jeunes adultes de tous les quartiers depuis maintenant 15 ans.

« Ces temps-ci, c’est chaud à Montréal », lance Nelson Ossé, coach de basket et directeur de Loisirs du Parc, organisme offrant des activités sportives. Les mercredis, jeudis et vendredis, le gymnase du complexe William-Hingston n’est jamais vide, souligne le fondateur du midnight sports.

Le complexe où se tient l’activité populaire est à deux pas de la station de métro Parc. Ces deux dernières années, les fusillades et conflits entre jeunes ont fait les manchettes. Mais à Parc-Extension, l’ambiance joviale et la camaraderie contrastent avec ces évènements.

Dans le gymnase résonnent le crissement des chaussures sport, les moqueries des jeunes hommes après une passe manquée, les rires jaunes des adversaires et le son du ballon qui frappe le sol avec intensité.

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Les portes du gymnase s’ouvrent gratuitement dès 22 h 30 pour les jeunes adultes qui veulent participer au midnight sports.

Des joueurs de partout

« Les jeunes viennent de RDP [Rivière-des-Prairies], Montréal-Nord, Laval, Côte-des-Neiges… », se réjouit M. Ossé.

On s’amuse et on socialise au midnight sports. Mais Luguentz Dort a foulé les planchers du spacieux gymnase, rappelle le directeur. « Ça motive les amateurs de savoir ça. »

À Parc-Ex en ce moment, il n’y a pas une affiliation ou une problématique particulière de violence armée, souligne-t-il. Et le sentiment d’appartenance exacerbé à un quartier ou un secteur, ça peut devenir dangereux. « Si c’était à RDP ou à Montréal-Nord, peut-être que les jeunes de partout ne se rassembleraient pas ainsi. Il y a une sécurité à rencontrer des jeunes d’autres quartiers ici et se défouler. »

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Nelson Ossé, directeur de Loisirs du Parc et fondateur du midnight sports

Nelson Ossé, 46 ans, est un enfant de Parc-Extension. Il a longé les couloirs du vestiaire depuis l’adolescence, a été l’un des premiers surveillants durant les matchs qui se déroulaient au complexe. Gangs de rue, graffitis, consommation de drogues et flânage près des bâtiments publics… il en a vu d’autres.

Le midnight sports est né d’une problématique de gangs de rue. On voulait donner aux fauteurs de trouble quelque chose à faire tard le soir.

Nelson Ossé, directeur de Loisirs du Parc et fondateur du midnight sports

Pour combler un besoin chez les sportifs amateurs, en particulier les jeunes adultes, on propose une plage horaire plus tardive. Les joueurs peuvent venir gratuitement au complexe à partir de 22 h 30.

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Nelson Ossé aime rappeler que le basketteur professionnel Luguentz Dort a foulé les planchers du gymnase du complexe William-Hingston.

Ne pas négliger la prévention

Le hiatus covidien a légèrement écorché le midnight sports, qui comprend du basket et du badminton. Certains jeunes ont délaissé l’activité physique, après deux ans de confinement et de restrictions. « On a perdu beaucoup de relève chez les employés qui se sont réorientés », s’inquiète également Albert Nhan, directeur adjoint de Loisirs du Parc.

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De jeunes joueurs font une pause bien méritée.

Sans parler de l’impact sur le mode de vie des jeunes sportifs. « Maintenant, l’éducation, c’est là-dedans », se désole Nelson Ossé en pointant du doigt son téléphone cellulaire. « L’estime de soi s’amenuise au gré du temps passé sur Instagram ou Snapchat à épier les faits et gestes des mauvais modèles », poursuit l’entraîneur.

L’erreur, ça a été d’arrêter d’investir. On a eu un problème de gang avant. On a arrêté de s’en occuper.

Nelson Ossé, directeur de Loisirs du Parc et fondateur du midnight sports

Le manque d’investissement dans la prévention est criant. On annonce de grosses sommes pour la répression, mais moins pour soutenir les initiatives communautaires qui rehaussent le climat social, déplore M. Ossé.

« Je comprends la police et leur travail. Mais ces jeunes-là, ils ne se sont pas créés tout seuls, et ça, il ne faut pas l’oublier. »

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Les jeunes de plusieurs quartiers de Montréal se retrouvent au midnight sports pour socialiser grâce au sport.

Une initiative qui a fait ses preuves

Le midnight basket a fait ses preuves, notamment à Oakland aux États-Unis, où la reprise de l’activité après les restrictions liées à la pandémie ravive l’esprit de communauté.

Lisez un article du New York Times à ce sujet (en anglais)