Même si c'était contraire aux règles, l'ancien cadre du ministère des Transports du Québec (MTQ) Claude Paquet, admet qu'il a directement négocié avec Tony Accurso et Lino Zambito pour faire baisser le prix de leurs soumissions sur des contrats de réfection du rond-point l'Acadie. Devant la commission Charbonneau, aujourd'hui, l'ingénieur à la retraite a cependant soutenu qu'il ignorait que les processus de soumission avaient été truqués.

Lors de son témoignage en octobre 2012, l'entrepreneur Lino Zambito a déclaré que le défunt parrain de la mafia montréalaise Vito Rizzuto aurait joué le rôle d'arbitre dans ce dossier. Au final, les entreprises de Zambito et de Accurso, Infrabec et Louisbourg Construction, ont remporté différents contrats liés au projet. Dans tous les cas, leurs soumissions dépassaient largement les estimations du MTQ ou ont entraîné des dépassements de coûts importants.

Négociations et extras

Le contrat du «lot 1» du rond-point l'Acadie a été octroyé en 2001 à la firme Infrabec. Les travaux avaient été estimés au coût de 1,9 million par le MTQ, alors que la soumission de l'entreprise de Zambito s'élevait à 2,9 millions$. Claude Paquet a admis qu'il avait alors négocié directement avec Infrabec, pour faire baisser le prix de la soumission, ce qui est interdit.

« Je comprenais la raison pour laquelle on dérogeait, une directive ce n'est pas nécessairement un dogme », s'est justifié le témoin devant la commission.

Claude Paquet a récidivé en mai 2002, lors de l'octroi du contrat du «lot 2», remporté par le plus bas soumissionnaire Louisbourg Construction. L'entreprise de Tony Accurso avait fixé le prix des travaux à 25 millions. L'estimation du MTQ était plutôt de 21 millions.

En mai 2002, une rencontre est alors organisée entre Claude Paquet, son supérieur Pierre-André Fournier, Tony Accurso et son bras droit Frank Minicucci.

Après la discussion, les quatre hommes parviennent à s'entendre pour faire diminuer le coût des travaux de 2 millions. Selon Paquet, le sous-ministre Liguori Hinse avait approuvé cette négociation.

« Avez-vous allumé que le MTQ payait ses contrats trop cher lorsqu'un simple coup de téléphone vous permettait de réduire vous coûts de 2M$? » a demandé la juge France Charbonneau.

« Euh... Non », a simplement répondu le témoin.

Le commissaire Renaud Lachance a alors demandé à Claude Paquet s'il avait mené les négociations en catimini afin d'éviter les poursuites judiciaires des autres soumissionnaires qui auraient pu eux aussi baisser leur prix. « Ce n'est pas un peu douteux que tous ceux qui n'ont pas pu négocier n'ont jamais poursuivi le ministère? N'était-ce pas là un indice que c'était truqué? » a-t-il demandé au témoin.

« Je n'ai jamais pensé que c'était un signe que c'était truqué », a-t-il répondu.

Paquet estime qu'il a agi dans l'intérêt du ministère et des usagers de la route. En retournant en soumission, les travaux auraient été reportés d'un an, a-t-il déclaré.

Au final, les coûts des travaux pour le « lot 2 » s'élèveront à 28 millions en raison de travaux « imprévus » comme l'ajout de murs de soutellement supplémentaires, au coût de 2,3 millions.

Louisbourg Construction a aussi demandé des avenants de 2,6 millions lors de travaux réalisés sur le « lot 4 », un contrat initial de 11 millions.

Le témoin craque

Claude Paquet était le patron de Guy Hamel, ex-fonctionnaire corrompu qui a témoigné la semaine dernière de la pluie de cadeaux, de voyages dans le Sud et d'enveloppes brunes qu'il a reçues de la part de firmes avec qui le MTQ faisait affaire.

Lorsque la commission a interrogé le témoin à ce sujet, il a craqué. Il a refoulé un sanglot en affirmant qu'il s'était en quelque senti trahi par son ancien bras droit « ça m'a scié les jambes. »

Pourtant, lors de son témoignage Guy Hamel a dit qu'il avait déjà été averti une fois par Paquet qui lui aurait dit « calme-toi ».

« Si j'avais eu un doute qu'il était corrompu, je n'aurais pas parlé à Guy Hamel directement, il y aurait eu une enquête sur lui », a répondu Paquet. 

Nouveau témoin

En toute fin de journée, un nouveau témoin a été appelé à la barre : André Prud'homme, syndic-adjoint à l'Ordre des ingénieurs du Québec. Il viendra livrer les conclusions de son enquête qu'il a menée sur trois ingénieurs de la firme BPR qui ont oeuvré sur un projet d'aqueduc de 11 millions dans la petite municipalité de Saint-Gilles. Dans cette affaire, BPR avait préparé les plans et devis, géré et surveillé les travaux en plus d'autoriser les paiements. Le MTQ et ministère des Affaires municipales ont subventionné les travaux.

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Claude Paquet, ex-employé du Ministère des transports du Québec (MTQ)