L'Unité permanente anticorruption (UPAC) détient un document démontrant que l'homme d'affaires Tony Accurso aurait soutenu financièrement Joël Gauthier à l'époque où celui-ci a fait l'acquisition d'une partie de son empire commercial, appelé aujourd'hui Groupe Hexagone, a appris La Presse.

M. Accurso n'a pas eu le choix de céder son empire, l'an dernier, à la suite de l'adoption de deux lois (loi 73 et loi 1) qui obligent les dirigeants d'entreprises à être plus blancs que blancs. Il est en effet accusé de complot, de corruption et de fraude fiscale dans trois dossiers distincts, tandis que deux de ses entreprises de construction ont plaidé coupable, en 2010, d'avoir éludé 4,1 millions de dollars d'impôt fédéral.

En avril 2013, Louisbourg SBC, Gastier, Ciments Lavallée, Geodex, Houle H2O ainsi que certains actifs de Simard-Beaudry ont donc été vendus à six actionnaires, dont Joël Gauthier. Cet ex-PDG de l'Agence métropolitaine de Transport (AMT) et ancien directeur général du Parti libéral du Québec dirigeait le groupe d'acheteurs composé de deux fils Accurso (Jimmy et Marco) et de trois hauts dirigeants de l'empire.

Joël Gauthier martelait alors sur toutes les tribunes que Tony Accurso n'avait pas investi un sou dans Groupe Hexagone. Tout comme ses partenaires dans cette transaction de quelque 150 millions, il disait avoir injecté toutes ses économies, hypothéqué de nouveau sa résidence et contracté un emprunt personnel.

Dans l'ombre d'Hexagone

Mais selon les informations découvertes par l'UPAC lors d'une perquisition récente, Tony Accurso a bel et bien aidé Joël Gauthier.

Selon le président du conseil d'administration, Mario Bertrand, ces faits ne remettraient toutefois pas en question la certification de l'Autorité des marchés financiers (AMF) dont jouit Groupe Hexagone depuis janvier dernier. «Aucun actionnaire et membre indépendant [du conseil d'administration] n'était évidemment au courant. Des affidavits sous serment ont été depuis produits à cet effet par tous», a affirmé hier à La Presse M. Bertrand.

L'information est parvenue à M. Bertrand au début du mois de juin, quelques jours après que Joël Gauthier, mis sous pression par l'escouade Marteau (affiliée à l'UPAC), qui le soupçonne de fraude, d'abus de confiance et de financement politique illégal, a quitté ses fonctions au sein d'Hexagone. «C'est nous qui avons saisi l'AMF de cette question aussitôt qu'elle a été portée à mon attention et avons pris les mesures qui s'imposaient», a indiqué Mario Bertrand.

Par ailleurs, ce dernier ne s'explique pas comment l'équipe de policiers de l'UPAC responsable d'enquêter sur les administrateurs, actionnaires et autres dirigeants du Groupe Hexagone a pu être déjouée. «On peut en effet s'étonner que cela n'ait pas été détecté lors de l'habilitation sécuritaire, mais bon, je ne suis pas la police, et ils ont mis le temps nécessaire», a-t-il affirmé.

C'est à cette étape que des changements importants ont été faits dans l'actionnariat de la nouvelle entreprise; les fils Accurso ont revendu leur participation «afin de maximiser les chances de la société et de ses filiales d'obtenir les autorisations» de l'AMF. De son côté, Adrien Vigneault a également vendu ses actions à la suite d'un conflit avec Joël Gauthier. Son départ est donc «indépendant de l'analyse faite par l'AMF et l'UPAC».

Hier, l'AMF s'est bornée à rappeler que le dossier du Groupe Hexagone et de toutes les entreprises qui détiennent une certification est confidentiel. On a toutefois souligné que dès que de nouvelles allégations sont portées à son attention, des vérifications sont enclenchées. Du côté de l'UPAC, aucun commentaire n'a été formulé.

Quant à Joël Gauthier, il n'a pas rappelé La Presse. Tony Accurso, lui, est actuellement à l'extérieur du pays, selon l'avocat Louis Belleau.

Chronologie des faits

Avril 2013

Joël Gauthier devient actionnaire et PDG du Groupe Hexagone.

14 janvier 2014

L'AMF accorde une accréditation de 3 ans au Groupe Hexagone

17 avril 2014

Joël Gauthier se retire temporairement à la suite d'allégations de financement illégal du PLQ.

1er mai 2014

L'UPAC perquisitionne à l'AMT, en visant Joël Gauthier.

1er juin 2014

Joël Gauthier quitte définitivement le Groupe Hexagone.