Certains gagne-pain existent depuis des siècles, voire des millénaires. Si plusieurs sont peu populaires auprès des jeunes, au point d'être en voie de disparition, d'autres ont une relève assurée et enthousiaste! Rencontres.

CRÉER UN NOUVEL INSTRUMENT

Rémi Cadieux-Lynch, luthier

Au départ, Rémi Cadieux-Lynch s'est inscrit à l'École nationale de lutherie du Québec pour acquérir les outils lui permettant de créer un nouvel instrument. «Je suis dans le volet facture de violons, mais avec des horizons plus larges, explique l'élève de 24 ans. On peut faire des instruments contemporains comme des violons électriques ou avec des formes et une ergonomie différentes. L'école nous donne une belle liberté dans certains projets.» Il décrit sa future création comme un «slide banjo à cordes sympathiques». «C'est un banjo avec le même arrangement de cordes qu'un sitar, mais au lieu d'appuyer les cordes sur une barre de métal, le musicien aurait la barre dans les mains pour glisser sur les cordes.» Durant sa formation, il s'est néanmoins laissé séduire par la fabrication classique de violons et d'altos. «J'ai découvert un univers formidable, avec des gens passionnés et extrêmement compétents, qui me donnent le goût d'évoluer dans le milieu de la lutherie pour violons. C'est un instrument vraiment plaisant à faire!»

LA PASSION DU TEMPS

Sophie Desormeaux, horlogère

Sophie Desormeaux s'intéresse aux vieilles montres depuis son enfance. «Je voyais ça bouger avec chaque engrenage qui provoquait quelque chose, et ça me fascinait», dit l'élève de 22 ans. Quand elle a appris qu'il existait une École nationale d'horlogerie, à Trois-Rivières, elle a sauté sur l'occasion pour y étudier. «On va apprendre comment fabriquer et réparer des horloges électriques, des montres à bracelet, des horloges grand-père. Je me sens honorée d'étudier un aussi vieux métier.» Ayant entrepris ses cours au début du mois d'octobre, elle terminera le programme à l'automne 2020, au terme d'une formation de deux ans. Parmi la quinzaine d'élèves, elle fait partie des trois filles inscrites. «Dans l'histoire du développement des montres, il y a aussi beaucoup plus de figures masculines que féminines, mais on est très bien accueillies.» Après ses études, elle a déjà un plan relativement précis en tête. «Je veux commencer en travaillant pour quelqu'un d'autre, afin de me perfectionner et d'avoir d'autres points de vue. Ensuite, j'aimerais avoir mon propre atelier.»

Photo François Fervais, Le Nouvelliste

Sophie Desormeaux, horlogère

UN MÉTIER À SAUVER

Frédérick Lavoie, cordonnier

Lorsque Frédérick Lavoie a suivi son cours de cordonnerie à 19 ans, il était l'un des rares jeunes. Et ça n'a pas changé depuis. «Je suis éternellement jeune dans ce métier, dit le professionnel aujourd'hui âgé de 39 ans. Les plus jeunes ont autour de 55 ans présentement et la plupart sont plus vieux.» Si la relève est inexistante, c'est entre autres parce que la formation en cordonnerie ne se donne plus au Québec depuis des années. «Par le passé, j'ai été sollicité pour devenir prof, mais j'ai décidé de m'investir dans mon entreprise. Un an plus tard, le cours a été aboli, faute d'élèves. Pourtant, il y a de la demande!» La preuve: le propriétaire de la Cordonnerie du quartier à Québec travaille de 50 à 70 heures par semaine, et parfois six jours. Il souhaite d'ailleurs qu'un cours soit remis sur pied. «Je n'ai pas le temps de former quelqu'un moi-même, puisque je ne fournis pas à la demande. Mais il faut sauver le métier.»

Photo David Boily, La Presse

Frédérick Lavoie, cordonnier

POUR L'AMOUR DES VÊTEMENTS

Oswaldo Preciado, tailleur

Oswaldo Preciado aurait aimé apprendre le métier auprès de tailleurs d'expérience, mais c'est à l'École de métiers des Faubourgs-de-Montréal qu'il a suivi une formation en confection de vêtements. «Les tailleurs ne prennent pas d'apprentis et ils se plaignent que leur métier va disparaître, souligne le jeune homme de 34 ans. Quand on leur propose de suivre un stage auprès d'eux, même sans rémunération, ils refusent. C'est dommage. J'aime davantage apprendre en pratiquant.» Il a tout de même assisté à ses cours avec enthousiasme. «Je suis vraiment contre le système de fast fashion qui pollue beaucoup, qui n'a aucun sens et qui est trop éphémère, alors j'ai décidé d'apprendre à faire des vêtements moi-même. J'adore ça.» Travaillant actuellement chez Simons, le jeune homme a également des contrats en privé. «Peu à peu, je vais bâtir ma clientèle. Les gens ne sont plus habitués à faire confectionner leurs vêtements. Avant, ils appréciaient davantage leurs morceaux et en prenaient soin.» Avec le temps, il souhaite aussi se spécialiser dans la confection de complets.

Photo André Pichette, La Presse

Oswaldo Preciado, tailleur

LIGNÉE DE FER

William Mary-Pouliot, forgeron

À 21 ans, William Mary-Pouliot est forgeron depuis déjà quatre ans... en autodidacte. «Je suis tombé sur un livre à la maison, L'art de vivre au temps jadis, qui traitait de la forge. Ça m'a intéressé. Ensuite, j'ai visionné des vidéos et lu encore plus sur le sujet. J'ai fait beaucoup d'essais et erreurs pour apprendre par moi-même.» Ayant toujours aimé fabriquer des objets, il a été charmé par la profession de forgeron. «J'aime le principe de partir d'un morceau de métal brut et de terminer avec un produit fini esthétique et utile.» Il suit ainsi une lignée de plusieurs forgerons dans sa famille. «Mon arrière-arrière-arrière-grand-père était forgeron, et son père avant lui aussi. Ça s'est arrêté avec la mécanisation de tout et on a oublié certaines techniques avec le temps, mais on est en train de redécouvrir la forge.» Actuellement aux études en génie mécanique à Montréal, il souhaite mener les deux carrières de front ou utiliser son nouveau bagage pour devenir un meilleur forgeron.

Photo Alain Roberge, La Presse

William Mary-Pouliot, forgeron

VIVRE DE SES MAINS

Simon Camirand-Contant, céramiste

Lors d'un voyage au Brésil, Simon Camirand-Contant a eu le coup de foudre pour un atelier de céramique. «J'ai rencontré une artisane dans son atelier-boutique. Elle vivait sur son lieu de travail, elle vendait ses créations et en vivait très bien. À partir de ce moment-là, le petit hamster dans ma tête s'est fait aller!» Dès son retour à Montréal, il a fait un essai. «J'ai confirmé mon amour pour le médium qu'est l'argile. Après avoir fait des études en communications, soit quelque chose d'immatériel et d'intangible, j'ai réalisé que mettre mes mains dans la boue était la thérapie dont j'avais besoin. C'était complètement à l'opposé de mon ancien domaine.» Ayant toujours été doué pour réaliser des projets manuels, il a choisi de suivre une formation en céramique, qui dure depuis deux ans. «Je cherche encore mon identité comme céramiste. Je sais ce que j'aime et ce que j'aime moins, mais je ne sais pas ce que je veux créer. Cela dit, j'aimerais avoir mon atelier un jour.»

Photo David Boily, La Presse

Simon Camirand-Contant, céramiste