«J'ai des droits!» Si vous avez un ado sous votre toit, vous avez peut-être déjà entendu cette sympathique réplique. Et savez-vous quoi? Ce n'est pas faux. Si, techniquement, les enfants n'atteignent leur majorité qu'à 18 ans, dès 14 ans, ils gagnent en autonomie, légalement parlant. À lire, pour vous préparer mentalement.

Les droits de vos ados

Ils n'ont pas encore le droit de vote, ils sont légalement toujours sous la responsabilité de leurs parents, mais dès 14 ans, la loi leur reconnaît tout de même déjà plusieurs droits. Huit choses à savoir sur vos adolescents.

Le droit de consentir à des soins médicaux

Ça a l'air abstrait comme ça, mais c'est fondamental: techniquement, cela veut dire qu'un adolescent peut consulter seul son médecin, obtenir des soins, accepter ou pas un traitement, refuser un vaccin, se faire prescrire la pilule, un médicament pour une infection transmissible sexuellement (ITS), sans que le parent soit consulté ni avisé. Deux bémols: si les soins représentent un risque sérieux, ou si l'enfant doit séjourner plus de 12 heures dans un établissement de santé, alors oui, on avertira bien évidemment les parents.

Le droit de se faire avorter, ou pas

Dès 14 ans, «la décision de poursuivre ou non ta grossesse t'appartient [...] entièrement», précise le site Éducaloi. Encore une fois, si l'enfant doit séjourner plus de 12 heures dans un établissement de santé, hôpital, clinique ou autre, les parents seront alertés.

Travailler

Avant 14 ans, cela prend une autorisation parentale. Mais après? La décision lui appartient totalement. Un bémol tout de même: d'après la Loi sur l'instruction publique, un enfant est tenu de fréquenter l'école jusqu'au dernier jour du calendrier scolaire de ses 16 ans. On présume qu'entre 14 et 16 ans, s'il travaille, ce ne sera donc qu'à temps partiel.

Disposer de son salaire

Il a le droit de travailler, et donc aussi de disposer de ses revenus, en ce qui a trait à ses besoins dits «usuels»: loisirs, repas, vêtements, cellulaire, etc.

Contracter un prêt

Même avant 14 ans, un adolescent peut contracter un prêt étudiant. De manière générale, on demandera néanmoins au parent ou tuteur de cautionner la dette et de garantir ainsi les paiements.

Signer un bail

Aussi surprenant que cela puisse paraître, il est aussi possible pour un mineur (et l'âge n'est pas ici précisé) de signer un bail. Même avant 14 ans. Toutefois, il est stipulé que le propriétaire est en droit de demander des «garanties», des «références» ou de faire une «enquête de crédit».

Consulter un psychologue

Tout comme il peut voir un médecin seul, l'adolescent de 14 ans peut recevoir des soins psychologiques sans non plus aviser ses parents. On lui garantit ici une «confidentialité totale», explique la psychologue Florence Marcil-Denault, et c'est «central», justifie-t-elle. «C'est ce qui permet, psychologiquement, à quelqu'un de se déposer parfois pour la première fois.» Une nuance tout de même: «Si j'ai la moindre inquiétude pour sa santé physique ou psychique, je suis tenue par la loi de sortir de ma confidentialité.»

Mais pas encore...

Il a beaucoup de droits, certes, mais pas tous. À 14 ans, un adolescent ne peut pas encore voir de film d'horreur au cinéma (16 ans, généralement), aller au salon de bronzage (18 ans), ni se faire tatouer sans autorisation parentale. Pour boire de l'alcool, acheter des cigarettes ou jouer à la loterie, il lui faudra également attendre sa majorité.

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Sources: Éducaloi, Curateur public du Québec, Protégez-vous, Centres de justice de proximité du Québec

Petite histoire du droit

Pourquoi 14 ans? Depuis quand? Est-ce une bonne ou une mauvaise chose? En gros, sont-ils prêts? Pascale Berardino, directrice de la protection et de la promotion des droits de la jeunesse, à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, répond à nos questions.

Depuis quand les adolescents ont-ils ces droits?

Si vous tombez des nues en découvrant que votre fille prend la pilule, sachez que vous n'êtes pas le premier. Cela fait plus de 40 ans que les adolescents ont ce droit dit de «consentement». Depuis 1972, précisément, explique Pascale Berardino, les extraits des débats de la Commission des affaires sociales de l'époque en main. «C'était un compromis politique, résume-t-elle. On cherchait à trouver un équilibre entre le milieu rural et urbain, entre les responsabilités des parents et la recherche d'autonomie du jeune.» En gros, ce droit de «consentir à des soins requis», notamment, incarne «le début de ces aménagements législatifs pour accorder une certaine autonomie aux jeunes».

Dans quel contexte social ces droits ont-ils été reconnus?

Les années 70 incarnent «l'avènement d'une certaine libération des comportements sexuels», résume-t-elle. Cette loi a donc été adoptée en pleins bouleversements sociaux. Pensez-y: on sortait à peine du temps où le consentement du mari était exigé pour dispenser des soins à sa femme! «Même l'autonomie de la femme, ce n'est pas si vieux que ça dans le Code civil.»

Est-ce toujours pertinent aujourd'hui?

«Il y a des jeunes qui ont besoin de cette autonomie parce que leurs parents ne sont pas en mesure de prendre les décisions à leur place, répond-elle. On pense à la clientèle négligée, abandonnée, heureusement qu'ils ont une certaine autonomie pour consentir à des soins!» Et les autres? «Aujourd'hui, poursuit-elle, les jeunes sont de plus en plus vieux, jeunes, si on peut dire. Ils jouent moins longtemps avec des jouets, la société les fait mûrir plus rapidement qu'avant.»

Mais sont-ils prêts?

Grande question s'il en est. Il faut distinguer deux choses. La physiologie et la pratique. «La dernière partie du cerveau à se développer est le jugement. Ça commence à 14 ans, et ça finit à 21 ans chez les gars, 18 ans chez les filles. Ça, c'est physiologique.» En pratique, toutefois: «ils ont besoin d'autonomie». D'où l'idée de leur octroyer une «maturité progressive». Car pratiquement, plusieurs ont déjà une vie sexuelle active (donc besoin de contraception), ou encore travaillent (et ont donc besoin de gérer leur argent). «Le législateur, dans sa sagesse, reconnaît cette autonomie qui est progressive. Et mieux vaut progressif que du jour au lendemain.»

Des droits, mais aussi des responsabilités!

«Avec les droits viennent aussi les responsabilités», signale Richard Lacharité, secrétaire par intérim de la Commission des services juridiques. S'il est vrai que les adolescents sont mineurs, ils doivent tout de même respecter la loi. Et celle-ci est limpide: «La personne mineure, selon son degré de discernement, peut être tenue responsable de ses gestes et des dommages causés par sa faute.» En gros: «Si tu voles, tu peux être accusé au criminel. C'est le pendant», résume-t-il.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Aussi surprenant que cela puisse paraître, il est possible pour un mineur de signer un bail.

Guide de survie pour les parents

Pas facile, pour un parent, de se voir écarter du jour au lendemain du cabinet du médecin de son enfant. Ni d'apprendre par la bande que son fils a une ITS, un job à temps partiel ou encore qu'il consulte un psy. Quelques conseils, en vrac, pour comprendre, survivre et, pourquoi pas, apprécier ces droits.

Ne perdez pas le cap

«Quatorze ans, c'est le pire âge, déclare Claire Leduc, thérapeute familiale et fondatrice du Parent entraîneur. Mais c'est à nous de garder notre calme et de rester centrés sur nos valeurs et responsabilités.» Parce que même si votre ado a des droits, vous, vous avez toujours des devoirs. Rappelez-le-lui. «Moi, j'ai la responsabilité de toi jusqu'à tes 18 ans, j'ai besoin que tu restes en bonne santé.» À répliquer, quand votre fille voudra sortir en souliers sous la pluie, ou si fiston décide que finalement, les vaccins, c'est contre sa philosophie.

Préparez-les à la vraie vie

«Ils peuvent ouvrir un compte en banque, mais n'ont pas appris à gérer un budget!», déplore Marie-Josée Chaîné, coach familiale membre du Réseau Nanny Secours. Solution? Préparez-les à la «vraie vie», suggère-t-elle, en les responsabilisant tranquillement avec des tâches ménagères, à respecter un «code de vie», en discutant de la «valeur de l'argent». Parce que c'est clair, dit-elle: «Ils ne l'auront pas si on ne les y habitue pas.»

Parlez sexualité

Parlez-en tôt, parlez-en jeune, mais parlez-en ! Parce que oui, la contraception, ça s'apprend. Se protéger aussi. Si votre enfant pose des questions, répondez franchement et simplement. Et si vous n'êtes pas à l'aise, sachez qu'il existe une foule de livres pour vous accompagner. Objectif: qu'il soit armé pour prendre des décisions éclairées et responsables, le moment venu.

Acceptez ce «passage»

Certes, un parent qui découvre que sa fille prend la pilule et consulte un psy peut se sentir «rejeté» et vivre une sorte de «deuil». «Ça peut être vécu comme une perte de lien. Et ça peut être menaçant et confrontant pour un parent», signale Sabrina Kulenovic, intervenante à la Ligne Parents. Mais c'est aussi «sain», fait-elle valoir. «Parce que c'est un passage, qui est vécu de toute façon vers 14 ou 15 ans, dit-elle. Il y a une partie de la vie de l'adolescent qu'on ne contrôle pas. [...] Même si le parent a les meilleures intentions du monde, on ne peut pas empêcher que le jeune ait besoin d'expérimenter pour se former.»

Saisissez les instants de connexion

«Laisse-moi faire ce que je veux, mais raccompagne-moi.» Telle est un peu la philosophie des adolescents, sourit Sabrina Kulenovic. «Ils sont impulsifs, ils ont besoin d'être protégés, mais ils ne le veulent pas!» D'où l'importance de favoriser les moments d'échange (dans l'auto, notamment!), de répondre à leurs questions, pour maintenir un climat de confiance.

Voyez le bon côté des choses

Rappelez-vous votre propre adolescence (disiez-vous vraiment tout à vos parents?), entourez-vous d'autres parents, échangez et, surtout, respirez. «Prenez une grande respiration et attendez que ça passe ! rit l'intervenante. Rappelez-vous aussi qu'ils nous font un cadeau à cet âge et nous redonnent de l'espace-temps pour nous!»

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Si les enfants n'atteignent leur majorité qu'à 18 ans, dès 14 ans, ils gagnent en autonomie, légalement parlant.